1 00:00:05,100 --> 00:00:09,780 Bonjour, le principe d'égalité devant l'impôt, devant les charges 2 00:00:09,980 --> 00:00:12,540 publiques, donc a trouvé à se déployer sous la plume du Conseil 3 00:00:12,740 --> 00:00:17,040 constitutionnel, et ce, donc, à travers l'affirmation d'une 4 00:00:17,240 --> 00:00:21,930 compréhension assez sophistiquée et tout à fait, vous allez voir, 5 00:00:23,610 --> 00:00:27,840 extensive du principe dans la jurisprudence constitutionnelle. 6 00:00:28,040 --> 00:00:32,010 Donc voyons cette extension du principe dans un second paragraphe. 7 00:00:34,560 --> 00:00:39,630 Je le disais la dernière fois et je le répète, c'est vraisemblablement 8 00:00:39,830 --> 00:00:43,380 le souci du Conseil constitutionnel le mieux contrôlé, la multiplication 9 00:00:43,580 --> 00:00:47,040 d'un certain nombre de niches fiscales, c'est-à-dire de règles, 10 00:00:47,240 --> 00:00:50,460 de mécanismes dérogatoires offerts à certaines catégories de 11 00:00:50,660 --> 00:00:53,400 contribuables, et en général pour leur offrir un traitement plus 12 00:00:53,600 --> 00:00:58,050 favorable que la norme, principalement dans les années 90, 13 00:00:58,250 --> 00:00:59,730 qui a conduit le Conseil constitutionnel, je crois, 14 00:00:59,930 --> 00:01:02,070 à déployer une nouvelle forme de contrôle. 15 00:01:02,270 --> 00:01:06,090 Alors il me semble que l'on peut distinguer les choses selon deux 16 00:01:06,290 --> 00:01:07,050 aspects. 17 00:01:08,040 --> 00:01:10,160 D'une part, un contrôle qu'on peut qualifier, je crois, 18 00:01:10,360 --> 00:01:14,310 de contrôle de cohérence, qui est aujourd'hui au cœur de 19 00:01:14,510 --> 00:01:17,700 la jurisprudence constitutionnelle et un contrôle qu'on peut qualifier 20 00:01:17,900 --> 00:01:20,820 de proportionnalité qui, vous le verrez, vient notamment 21 00:01:21,120 --> 00:01:24,240 concerner les taux de l'impôt, et plus récent, mais relativement 22 00:01:24,440 --> 00:01:25,650 spectaculaire à certains égards. 23 00:01:25,850 --> 00:01:29,220 Donc commençons, A, par le contrôle de la cohérence. 24 00:01:30,180 --> 00:01:34,320 Alors le Conseil constitutionnel reprend de manière à peu près 25 00:01:34,520 --> 00:01:36,870 systématique le même considérant de principe, qui n'est pas formulé 26 00:01:37,200 --> 00:01:40,680 exactement de la même manière lorsqu'il s'agit de préciser le sens de l'article 27 00:01:40,880 --> 00:01:45,000 6 et le sens de l'article 13 de la déclaration, mais à chaque fois, 28 00:01:45,200 --> 00:01:49,500 l'idée est que, selon le Conseil, il appartient au législateur de 29 00:01:49,700 --> 00:01:53,010 déterminer, bien sûr, les critères de capacité contributive 30 00:01:53,340 --> 00:02:00,060 à prendre en compte pour déterminer l'impôt, et au bout du compte, 31 00:02:00,260 --> 00:02:03,840 c'est surtout ce point important, les différents indices qui sont 32 00:02:04,040 --> 00:02:07,410 pris en compte au titre de l'imposition, indice de capacité 33 00:02:07,610 --> 00:02:12,450 contributive pour le cas le plus important, doivent être objectifs 34 00:02:12,650 --> 00:02:16,350 et rationnels, l'impôt plus généralement, y compris donc pour 35 00:02:16,550 --> 00:02:18,900 les cas, on va le voir, des impositions dites comportementales 36 00:02:19,100 --> 00:02:22,680 qui ne reposent pas sur la capacité contributive, mais les critères 37 00:02:22,880 --> 00:02:26,580 d'identification finalement de ceux qui seront frappés par l'impôt, 38 00:02:26,780 --> 00:02:29,070 ces critères doivent être objectifs et rationnels. 39 00:02:29,270 --> 00:02:33,810 Donc c'est ces deux expressions, ces deux adjectifs qui, 40 00:02:34,010 --> 00:02:39,180 véritablement, fondent tout le raisonnement que le Conseil 41 00:02:39,380 --> 00:02:41,850 constitutionnel, ensuite, met en œuvre. 42 00:02:42,050 --> 00:02:46,320 Alors il me semble que l'on peut distinguer deux sous, 43 00:02:46,740 --> 00:02:49,670 si je puis dire, deux sous-catégories de contrôle de cohérence, 44 00:02:49,870 --> 00:02:53,940 en premier lieu, derrière cette référence au caractère rationnel 45 00:02:54,390 --> 00:02:57,870 des critères d'imposition, c'est la question de la cohérence 46 00:02:58,350 --> 00:03:04,680 entre le dispositif fiscal et ses motifs qui va être contrôlé par 47 00:03:04,880 --> 00:03:05,640 le Conseil constitutionnel. 48 00:03:05,840 --> 00:03:08,400 Donc on peut parler de cohérence entre les motifs, les motifs 49 00:03:08,600 --> 00:03:11,040 politiques, en vérité, et le dispositif, c'est-à-dire 50 00:03:11,400 --> 00:03:14,160 le dispositif technique, fiscal qui vient frapper les 51 00:03:14,360 --> 00:03:15,120 contribuables. 52 00:03:15,320 --> 00:03:17,520 Et ensuite, on verra qu'il y a également une forme de contrôle 53 00:03:17,720 --> 00:03:21,330 un peu plus sophistiquée peut-être, qui est un contrôle de cohérence 54 00:03:21,530 --> 00:03:26,430 entre le dispositif fiscal et, disons, le régime général dans 55 00:03:26,630 --> 00:03:29,990 lequel il s'insère, qu'il vient modifier par hypothèse. 56 00:03:30,340 --> 00:03:34,650 Alors s'agissant d'abord, 1, du contrôle de la cohérence 57 00:03:34,850 --> 00:03:36,660 du dispositif au regard de ses motifs. 58 00:03:37,890 --> 00:03:41,900 Le mieux, je crois, est de partir d'un exemple qui illustre très 59 00:03:42,100 --> 00:03:46,140 bien cette démarche du Conseil constitutionnel, exemple extrêmement 60 00:03:46,440 --> 00:03:50,460 médiatisé à l'époque et qui reste une décision très importante, 61 00:03:50,730 --> 00:03:53,610 c'est celle que le Conseil constitutionnel a adoptée le 29 62 00:03:53,810 --> 00:03:58,410 décembre 2009 à propos du projet de loi de finances pour 2010 et 63 00:03:58,610 --> 00:04:03,180 en particulier à propos d'une de ses dispositions phares qui tenait 64 00:04:03,380 --> 00:04:06,000 à un projet de taxe carbone, ou de contribution carbone, 65 00:04:06,200 --> 00:04:09,390 pour reprendre l'expression exacte, projet de taxe carbone portée à 66 00:04:09,590 --> 00:04:13,440 l'époque par le gouvernement de François Fillon et en fait par 67 00:04:13,640 --> 00:04:16,830 Nicolas Sarkozy, Président de la République, qui avait porté 68 00:04:17,030 --> 00:04:20,760 politiquement ce projet de taxe carbone des mois durant, 69 00:04:20,960 --> 00:04:25,470 en tentant d'élaborer finalement un mécanisme qui visait donc à 70 00:04:25,670 --> 00:04:30,000 taxer les émissions de CO2, non seulement les émissions des 71 00:04:30,200 --> 00:04:33,810 particuliers à travers notamment le carburant, mais aussi les émissions 72 00:04:34,010 --> 00:04:34,960 des industriels. 73 00:04:35,160 --> 00:04:38,340 Alors ce projet, évidemment, était politiquement tout à fait 74 00:04:38,540 --> 00:04:40,710 fondamental pour Nicolas Sarkozy. 75 00:04:40,950 --> 00:04:44,760 Et je le dis tout de suite, pas de suspense inutile, 76 00:04:45,120 --> 00:04:48,180 ce projet a été jugé contraire à la Constitution et l'article 77 00:04:48,380 --> 00:04:51,210 13 de la Déclaration par le Conseil constitutionnel. 78 00:04:51,410 --> 00:04:53,910 Alors, ce qui est intéressant, c'est de comprendre le raisonnement 79 00:04:54,110 --> 00:04:55,860 qui a été déployé par le Conseil constitutionnel. 80 00:04:56,400 --> 00:05:01,680 En fait, le Conseil constitutionnel a souhaité prendre au sérieux 81 00:05:01,880 --> 00:05:07,270 finalement le projet de loi, en envisageant donc d'un côté quels 82 00:05:07,470 --> 00:05:11,710 étaient ses motifs politiques, et d'un autre, quels étaient les 83 00:05:11,910 --> 00:05:15,280 effets potentiels qu'aurait le dispositif s'il était effectivement 84 00:05:15,640 --> 00:05:16,400 adopté. 85 00:05:16,600 --> 00:05:20,590 D'abord, du côté des motifs, le Conseil constitutionnel relève, 86 00:05:20,790 --> 00:05:23,230 au regard des travaux parlementaires, que les motifs, évidemment, 87 00:05:24,610 --> 00:05:29,140 consistent à lutter contre le réchauffement climatique en dissuadant 88 00:05:29,350 --> 00:05:32,710 évidemment par une taxation plus forte les émissions de CO2. 89 00:05:33,520 --> 00:05:35,170 Donc de ce point de vue-là, il semble qu'il n'y ait pas de 90 00:05:35,370 --> 00:05:38,350 discussion, tout cela semblait assez évident, le motif politique 91 00:05:38,590 --> 00:05:39,580 était tout à fait clair. 92 00:05:40,130 --> 00:05:43,210 Sur un point tout de même, et je le relève simplement à ce stade, 93 00:05:44,560 --> 00:05:47,800 la discussion pouvait se poser de savoir quel était le motif exact 94 00:05:48,000 --> 00:05:50,200 et ce que retient le Conseil constitutionnel, je le dis tout 95 00:05:50,400 --> 00:05:52,870 de suite, c'est dans sa décision, c'est que le motif politique était 96 00:05:53,070 --> 00:05:56,110 de réduire significativement les émissions de CO2. 97 00:05:56,590 --> 00:05:58,630 Voilà ce que dit le Conseil constitutionnel. 98 00:05:58,830 --> 00:06:02,530 Et il semble que la lecture des travaux parlementaires puisse 99 00:06:02,770 --> 00:06:05,290 effectivement aller tout à fait dans le sens de ce que retient 100 00:06:05,490 --> 00:06:06,370 le Conseil constitutionnel. 101 00:06:07,360 --> 00:06:10,240 Et par ailleurs, parallèlement, ou à la suite de cela, 102 00:06:10,440 --> 00:06:13,900 plus exactement, le Conseil constitutionnel vient regarder 103 00:06:14,100 --> 00:06:17,500 le dispositif tel qu'il est appliqué et constate, et c'est tout à fait 104 00:06:17,700 --> 00:06:19,880 juste également, que, en l'espèce, eh bien, 105 00:06:20,110 --> 00:06:24,130 le Parlement avait fait le choix d'exonérer de nombreuses industries, 106 00:06:24,330 --> 00:06:27,630 au moins dans un premier temps, du paiement de cette taxe. 107 00:06:27,830 --> 00:06:32,560 Alors pour une raison à la fois politique et économique et pragmatique 108 00:06:32,760 --> 00:06:36,520 à certains égards, tenant au fait qu'à l'époque, seule la France 109 00:06:36,720 --> 00:06:40,120 portait un tel projet en Europe et dans le monde, très peu d'États 110 00:06:40,600 --> 00:06:43,120 avaient de tels dispositifs, et que donc, évidemment, 111 00:06:43,900 --> 00:06:46,300 on peut le comprendre, de nombreux industriels français 112 00:06:46,500 --> 00:06:49,030 ont prévenu le gouvernement que si cette taxe entrait immédiatement 113 00:06:49,230 --> 00:06:53,230 en vigueur à un taux élevé, eh bien ils seraient donc contraints 114 00:06:53,980 --> 00:06:58,360 de la payer, et, ce faisant, n'auraient plus du tout de 115 00:06:58,560 --> 00:07:01,090 compétitivité, c'est-à-dire, en gros, que leurs charges soient 116 00:07:01,290 --> 00:07:03,670 trop importantes par rapport à celles de leurs concurrents qui 117 00:07:03,870 --> 00:07:07,000 fournissent les mêmes prestations, pensons à des aciéries ou tout 118 00:07:07,200 --> 00:07:11,200 un tas d'industries lourdes qui, effectivement, polluent beaucoup, 119 00:07:11,650 --> 00:07:15,190 sauf que justement, deux industries polluantes, l'une en France et 120 00:07:15,640 --> 00:07:18,670 l'autre en Belgique, par exemple, donc l'une serait 121 00:07:18,870 --> 00:07:19,810 taxée et l'autre ne le serait pas. 122 00:07:20,010 --> 00:07:23,140 Celle qui est taxée devrait donc augmenter ses prix et donc ne 123 00:07:23,340 --> 00:07:25,180 parviendrait plus à vendre sa production et donc, vraisemblablement, 124 00:07:26,320 --> 00:07:28,930 devrait fermer boutique au bout du compte. 125 00:07:29,200 --> 00:07:32,320 Et puis, par ailleurs, cela n'aurait pas forcément des 126 00:07:32,520 --> 00:07:35,170 conséquences écologiques formidables puisque finalement, la pollution 127 00:07:35,370 --> 00:07:36,310 ne ferait que se déplacer. 128 00:07:36,940 --> 00:07:39,700 Évidemment, la pollution est un phénomène, le CO2, en tout cas, 129 00:07:39,900 --> 00:07:43,180 est un phénomène qui doit être traité à l'échelle mondiale pour 130 00:07:43,380 --> 00:07:48,400 l'essentiel, de sorte que les industriels ont eu beau jeu d'expliquer 131 00:07:48,600 --> 00:07:53,020 que de deux choses l'une, soit ils coulaient du fait de cette 132 00:07:53,220 --> 00:07:55,210 taxe, car ils ne pourraient plus tenir face à leur concurrence, 133 00:07:55,410 --> 00:07:58,300 soit ils déménageaient dans les pays voisins et donc finalement, 134 00:07:58,960 --> 00:08:00,640 le niveau de pollution pourrait rester équivalent. 135 00:08:00,880 --> 00:08:03,250 C'est la raison pour laquelle, pour tenir compte de cette situation, 136 00:08:03,450 --> 00:08:07,150 le gouvernement et le Parlement ont accepté des traitements, 137 00:08:07,350 --> 00:08:11,200 disons, plus favorables, des exonérations, au moins pour 138 00:08:11,410 --> 00:08:14,650 quelques années, le temps peut-être de convaincre l'Union européenne 139 00:08:14,850 --> 00:08:17,260 de se lancer dans le même genre d'opérations, les voisins, 140 00:08:17,460 --> 00:08:22,930 bref, ont tenu compte de la situation pour essayer néanmoins de mettre 141 00:08:23,130 --> 00:08:25,990 en œuvre un début de taxe qui lance un signal politique, 142 00:08:26,190 --> 00:08:30,280 finalement, et qui commence à engager une sorte de taxation jugée à l'époque 143 00:08:30,480 --> 00:08:32,980 vertueuse, en tout cas jugée comme telle politiquement. 144 00:08:34,210 --> 00:08:36,790 Et pourtant, le Conseil constitutionnel n'a pas vu les choses tout à fait 145 00:08:36,990 --> 00:08:38,980 de la même manière puisqu'il a considéré que ces multiples 146 00:08:39,180 --> 00:08:42,940 exonérations, alors dont il a mesuré la portée, et sa décision est assez 147 00:08:43,140 --> 00:08:46,120 cruelle pour le pouvoir politique parce qu'elle souligne que selon 148 00:08:46,320 --> 00:08:49,040 les calculs du Conseil constitutionnel, c'est de l'ordre de 93 %, 149 00:08:49,330 --> 00:08:53,110 le chiffre est dans la décision, 93 % des émissions industrielles 150 00:08:53,310 --> 00:08:55,960 de CO2 qui, dans un premier temps en tout cas, bénéficieraient 151 00:08:56,160 --> 00:09:00,880 d'exonérations ou d'un traitement plus favorable que les émissions 152 00:09:01,080 --> 00:09:04,360 des particuliers, alors même que les émissions évidemment industrielles 153 00:09:04,560 --> 00:09:06,940 sont plus importantes en quantité que celles des particuliers. 154 00:09:07,390 --> 00:09:09,610 Et voilà le cœur du raisonnement. 155 00:09:10,270 --> 00:09:12,750 Le Conseil constitutionnel, finalement, confronte ces deux aspects. 156 00:09:13,060 --> 00:09:16,960 D'un côté, les motifs politiques, réduire significativement les émissions 157 00:09:17,160 --> 00:09:21,220 de CO2, et d'un autre, le dispositif, les effets qui seraient 158 00:09:21,420 --> 00:09:25,090 les siens s'il était adopté, qui conduiraient finalement à ne 159 00:09:25,290 --> 00:09:28,720 taxer qu'une partie relativement réduite des émissions de CO2. 160 00:09:29,290 --> 00:09:33,220 Et le Conseil constitutionnel a donc beau jeu de dire qu'il y a, 161 00:09:33,420 --> 00:09:37,270 d'après lui, une forme d'incohérence entre motifs et dispositif. 162 00:09:37,470 --> 00:09:41,620 Dit autrement, le dispositif adopté par le Parlement n'est pas en mesure 163 00:09:41,820 --> 00:09:45,610 de satisfaire les objectifs que le Parlement souhaitait poursuivre, 164 00:09:45,810 --> 00:09:49,870 qu'il a affiché, forme d'incohérence, de défaut de rationalité, 165 00:09:50,070 --> 00:09:52,630 donc du mécanisme par rapport à ses motifs politiques, 166 00:09:52,830 --> 00:09:56,650 qui conduit à une violation de l'article 13 de la Déclaration 167 00:09:56,850 --> 00:10:01,590 puisque cela conduirait à un traitement discriminatoire de certains à une 168 00:10:01,790 --> 00:10:03,270 violation donc caractérisée, dit le Conseil constitutionnel, 169 00:10:04,060 --> 00:10:05,910 du principe d'égalité devant les charges publiques. 170 00:10:06,110 --> 00:10:10,080 Donc vous le voyez, c'est un raisonnement en plusieurs étapes qui, 171 00:10:10,280 --> 00:10:13,320 au bout du compte, retombe sur l'article 13, car il faut bien 172 00:10:13,520 --> 00:10:17,160 une base juridique, mais finalement, on ne parle pas véritablement 173 00:10:17,360 --> 00:10:18,120 d'égalité. 174 00:10:18,320 --> 00:10:22,110 On n'entend pas parler des mots de l'article 13 dans le début du 175 00:10:22,310 --> 00:10:25,020 raisonnement qui est le cœur qui est cette confrontation entre des 176 00:10:25,220 --> 00:10:28,920 motifs politiques affichés par le Parlement et un dispositif tel 177 00:10:29,120 --> 00:10:29,880 qu'il a été adopté. 178 00:10:30,720 --> 00:10:34,140 Alors je le dis tout de suite, ce mode de raisonnement est devenu 179 00:10:34,340 --> 00:10:37,770 absolument central dans la jurisprudence constitutionnelle. 180 00:10:37,970 --> 00:10:39,720 Il ne date pas de 2009. 181 00:10:39,920 --> 00:10:43,710 Des décisions antérieures, déjà, avaient adopté ce mode de 182 00:10:43,910 --> 00:10:48,280 raisonnement, mais peut-être moins clairement ou de manière moins 183 00:10:49,050 --> 00:10:54,720 effectivement pédagogique que cette décision de 2009 qui a été un coup 184 00:10:54,920 --> 00:10:58,620 de tonnerre politique, notamment pour le Président de 185 00:10:58,820 --> 00:11:02,190 l'époque Nicolas Sarkozy, de sorte que le Conseil constitutionnel 186 00:11:02,640 --> 00:11:06,990 a fait vraiment un effort de clarté de sa décision, un effort pédagogique 187 00:11:07,190 --> 00:11:11,730 pour tenter tout simplement de justifier sa décision et d'éviter 188 00:11:11,930 --> 00:11:13,920 les contestations de cette décision. 189 00:11:14,280 --> 00:11:17,100 C'est la raison pour laquelle je crois utile de mettre cette décision 190 00:11:17,300 --> 00:11:21,270 en avant comme exemple de ce mode de raisonnement. 191 00:11:21,470 --> 00:11:24,300 Alors le point qui me semble intéressant pour terminer sur cette 192 00:11:24,500 --> 00:11:27,090 décision avant d'étendre un tout petit peu le point de vue, 193 00:11:27,720 --> 00:11:31,770 c'est que finalement, il y a aussi quelque chose d'assez 194 00:11:31,970 --> 00:11:35,970 intéressant lié au fait que fondamentalement, du point de vue 195 00:11:36,170 --> 00:11:39,330 du pouvoir politique, l'exigence, me semble-t-il, 196 00:11:40,800 --> 00:11:46,050 porte surtout sur le fait de justifier sans mentir, de justifier honnêtement 197 00:11:47,040 --> 00:11:51,120 les objectifs qui sont ceux que poursuit un dispositif fiscal. 198 00:11:51,570 --> 00:11:54,120 Ce que je veux dire par là, concrètement, c'est qu'à mon sens, 199 00:11:54,630 --> 00:11:57,570 si le Parlement, si Nicolas Sarkozy, si le Parlement avait été peut-être 200 00:11:57,770 --> 00:12:02,910 plus modeste, avait effectivement assumé mieux le fait que leur 201 00:12:03,110 --> 00:12:06,630 dispositif conduisait à de multiples exonérations, et pour des raisons 202 00:12:07,050 --> 00:12:10,080 que le Conseil constitutionnel admet, qui peuvent être d'intérêt général, 203 00:12:10,280 --> 00:12:13,530 le fait de ne pas trop handicaper la compétitivité des entreprises, 204 00:12:13,730 --> 00:12:16,770 par exemple, le Conseil relève cela dans sa décision donc cela 205 00:12:16,970 --> 00:12:20,160 est a priori admissible mais encore faut il l'assumer. 206 00:12:20,640 --> 00:12:23,340 Et peut-être que, justement, c'est ce qui n'était pas complètement 207 00:12:23,540 --> 00:12:24,300 assumé en 2009. 208 00:12:24,500 --> 00:12:31,530 Et c'est cette référence à cet adverbe, réduire significativement les émissions 209 00:12:31,730 --> 00:12:32,490 de CO2. 210 00:12:32,690 --> 00:12:35,820 Peut-être que si le pouvoir politique avait donc fait preuve de plus 211 00:12:36,020 --> 00:12:38,670 de modestie, je me répète, en disant qu'il ne s'agissait pas 212 00:12:38,870 --> 00:12:41,940 de réduire significativement, mais de commencer, de réduire les 213 00:12:42,140 --> 00:12:45,450 émissions de CO2 en commençant par les particuliers, puis petit 214 00:12:45,650 --> 00:12:49,890 à petit, en se déployant auprès des entreprises, si le motif avait 215 00:12:50,090 --> 00:12:52,440 été posé de cette manière, alors le raisonnement du Conseil 216 00:12:52,640 --> 00:12:56,490 n'aurait pas tenu puisqu'il n'aurait pas pu constater de défaut de cohérence 217 00:12:56,690 --> 00:13:00,690 entre des motifs finalement plus modestes et un dispositif qui, 218 00:13:00,890 --> 00:13:04,800 effectivement, était assez modeste dans ses effets, mais pouvait quand 219 00:13:05,000 --> 00:13:07,500 même avoir évidemment des vertus importantes en termes d'effet 220 00:13:07,700 --> 00:13:10,890 d'entraînement politique, éventuellement pour toute l'Europe 221 00:13:11,090 --> 00:13:12,990 et le monde, pourquoi pas ? 222 00:13:13,190 --> 00:13:15,510 C'était quand même un peu l'objectif, effectivement, à l'époque. 223 00:13:15,850 --> 00:13:19,380 Donc ce qu'il me semble, alors c'est une interprétation 224 00:13:19,580 --> 00:13:21,690 peut-être un peu personnelle, et vous la partagerez ou pas, 225 00:13:22,890 --> 00:13:25,230 c'est à vous de voir, mais il me semble que finalement, 226 00:13:25,430 --> 00:13:28,350 derrière ce contrôle de cohérence, c'est une forme d'obligation de 227 00:13:28,550 --> 00:13:31,680 sincérité que le Conseil constitutionnel fait peser sur 228 00:13:31,880 --> 00:13:35,310 le pouvoir politique lorsqu'il vient établir notamment un mécanisme 229 00:13:35,510 --> 00:13:36,690 dit incitatif. 230 00:13:36,930 --> 00:13:39,750 C'était le cas, un mécanisme visant à modifier les comportements, 231 00:13:40,200 --> 00:13:43,380 une niche fiscale, soit en termes d'incitation, soit en termes 232 00:13:43,770 --> 00:13:47,460 d'encouragement à certaines pratiques, eh bien, ce qui importe, 233 00:13:47,660 --> 00:13:50,820 c'est que ce dispositif soit très clairement défini, alors non seulement 234 00:13:51,020 --> 00:13:56,820 dans ses caractéristiques techniques, mais soit pleinement en phase, 235 00:13:57,240 --> 00:14:00,330 soit pleinement cohérent donc avec les motifs politiques posés, 236 00:14:00,530 --> 00:14:03,300 dits affirmés, revendiqués par le pouvoir politique. 237 00:14:03,870 --> 00:14:06,420 Et donc, c'est finalement une obligation de clairement justifier 238 00:14:06,750 --> 00:14:10,500 ce que le pouvoir politique souhaite faire qui pèse sur lui, 239 00:14:10,950 --> 00:14:15,390 ce qui, d'un point de vue démocratique, est sans doute tout à fait positif 240 00:14:15,590 --> 00:14:17,870 et je pense qu'on peut se féliciter de cette jurisprudence. 241 00:14:18,070 --> 00:14:21,030 Alors je ne vais pas multiplier les exemples, mais il y a de très 242 00:14:21,230 --> 00:14:23,910 nombreux points d'impact, encore une fois, de cette jurisprudence 243 00:14:24,110 --> 00:14:26,940 du Conseil constitutionnel, et on l'a vu notamment dans tout 244 00:14:27,140 --> 00:14:29,760 un tas d'impositions sectorielles et justement, d'impositions 245 00:14:29,960 --> 00:14:30,720 dissuasives. 246 00:14:31,120 --> 00:14:34,280 Alors on peut penser, c'est un exemple relativement amusant, 247 00:14:34,770 --> 00:14:36,420 des taxes dites Redbull. 248 00:14:36,620 --> 00:14:39,960 Alors les taxes Redbull, c'est en réalité une forme de taxation 249 00:14:40,160 --> 00:14:43,440 des boissons dites énergisantes et évidemment, un fabricant était 250 00:14:43,640 --> 00:14:46,920 plus visé que les autres, et qui a conduit le Conseil 251 00:14:47,120 --> 00:14:50,310 constitutionnel à annuler à deux reprises des dispositifs législatifs 252 00:14:50,580 --> 00:14:55,320 au regard justement de leur caractère un peu mal fagoté, si je puis dire, 253 00:14:55,520 --> 00:14:58,620 et je cite simplement cette décision, alors qui était presque peut-être 254 00:14:58,820 --> 00:15:00,970 une manière pour le Conseil constitutionnel de se faire plaisir, 255 00:15:01,530 --> 00:15:05,190 décision du 13 décembre 2012, loi de financement de la Sécurité 256 00:15:05,390 --> 00:15:09,150 sociale pour 2013, qui avait conduit le Parlement à établir une taxation 257 00:15:09,900 --> 00:15:14,040 justement frappant les canettes concrètement de boissons énergisantes, 258 00:15:14,640 --> 00:15:17,370 au regard du fait que, d'après les travaux parlementaires, 259 00:15:17,570 --> 00:15:21,270 les boissons énergisantes étaient volontiers mélangées par les jeunes 260 00:15:21,470 --> 00:15:25,380 gens allant en boîte de nuit avec de l'alcool et que finalement, 261 00:15:26,250 --> 00:15:29,730 ces mélanges conduisaient donc à des situations problématiques 262 00:15:29,930 --> 00:15:31,650 au regard de la santé publique et encourageaient finalement 263 00:15:31,850 --> 00:15:33,240 l'alcoolisme des jeunes. 264 00:15:34,290 --> 00:15:37,050 Sauf que, et c'est ça que le Conseil constitutionnel a annulé, 265 00:15:37,560 --> 00:15:40,650 et c'est ça qui peut sembler relativement amusant a priori, 266 00:15:40,890 --> 00:15:42,870 c'est que justement, le Conseil constitutionnel s'est 267 00:15:43,070 --> 00:15:48,420 étonné du fait d'un dispositif qui visait à taxer la Redbull, 268 00:15:48,620 --> 00:15:52,290 concrètement les boissons énergisantes, au regard d'un motif politique 269 00:15:52,490 --> 00:15:54,180 qui était de lutter contre l'alcoolisme des jeunes. 270 00:15:54,600 --> 00:15:58,170 Car évidemment, lutter contre l'alcoolisme en taxant une boisson 271 00:15:58,380 --> 00:16:02,430 qui n'est pas alcoolique, c'est l'expression, la loi ne parle 272 00:16:02,630 --> 00:16:03,930 pas boissons alcoolisées, mais de boissons alcooliques, 273 00:16:04,140 --> 00:16:07,680 c'est comme ça, taxer une boisson non alcoolique pour un motif de 274 00:16:07,880 --> 00:16:10,380 lutte contre l'alcoolisme, vous comprenez que la cohérence 275 00:16:10,580 --> 00:16:11,340 n'est pas évidente. 276 00:16:11,560 --> 00:16:13,920 Donc le Conseil constitutionnel, alors peut-être, aurait pu faire 277 00:16:14,120 --> 00:16:17,460 l'effort d'être un peu plus inventif et d'être peut-être aussi un peu 278 00:16:17,660 --> 00:16:21,900 plus charitable avec le Parlement, qui avait bien expliqué qu'évidemment, 279 00:16:22,100 --> 00:16:25,350 c'est parce qu'il y avait ce mélange qui s'opérait qu'au bout du compte, 280 00:16:25,560 --> 00:16:29,760 la Redbull pouvait participer d'une forme d'alcoolisme croissante chez 281 00:16:29,960 --> 00:16:33,140 les jeunes donc il y a une part de subjectivité, bien sûr, 282 00:16:33,340 --> 00:16:36,150 dans la manière dont le Conseil constitutionnel relit et réécrit 283 00:16:36,350 --> 00:16:39,930 un peu à sa sauce les motifs politiques invoqués par le Parlement lors 284 00:16:40,130 --> 00:16:44,760 des débats, il n'en reste pas moins que pèse une obligation d'être 285 00:16:44,960 --> 00:16:49,620 parfaitement clair, parfaitement cohérent, obligation qui pèse sur 286 00:16:49,820 --> 00:16:52,170 le pouvoir politique et là, le Conseil constitutionnel a jugé 287 00:16:52,370 --> 00:16:55,380 que le pouvoir politique n'avait pas été très cohérent. 288 00:16:55,720 --> 00:16:57,970 Alors là encore, j'en arrête là. 289 00:16:58,170 --> 00:17:01,410 Mais des dizaines de décisions du Conseil constitutionnel reprennent 290 00:17:01,610 --> 00:17:05,340 ce mode de raisonnement, et en particulier pour le cas donc 291 00:17:05,550 --> 00:17:09,260 d'imposition incitative, dissuasive, pour les impositions 292 00:17:09,460 --> 00:17:12,300 seulement de rendement, le Conseil constitutionnel a un 293 00:17:12,500 --> 00:17:17,010 regard un petit peu plus distancié dans, d'une part, l'identification 294 00:17:17,490 --> 00:17:21,480 justement d'une capacité contributive qu'il s'agirait de taxer et les 295 00:17:21,680 --> 00:17:26,400 critères mis en œuvre justement pour la frapper, ce même contrôle 296 00:17:26,600 --> 00:17:31,050 est présent, mais avec un regard peut-être un peu moins perçant 297 00:17:31,710 --> 00:17:34,590 dès lors qu'il ne s'agit pas finalement d'encourager un comportement ou 298 00:17:34,790 --> 00:17:37,950 de le dissuader, mais simplement de trouver une source à taxer. 299 00:17:38,150 --> 00:17:41,670 Néanmoins, je le répète, de multiples décisions reprennent 300 00:17:41,870 --> 00:17:45,030 ce mode de raisonnement qui est au cœur de l'application de l'article 301 00:17:45,230 --> 00:17:46,080 13 de la Déclaration. 302 00:17:46,470 --> 00:17:49,230 C'est un des éléments vraiment central de la jurisprudence 303 00:17:49,430 --> 00:17:50,190 constitutionnelle.