1 00:00:05,070 --> 00:00:05,830 Bonjour. 2 00:00:06,840 --> 00:00:12,090 Au titre du contrôle de nécessité du Conseil constitutionnel, 3 00:00:12,450 --> 00:00:14,820 il nous appartient encore d’envisager, mais très rapidement, 4 00:00:15,020 --> 00:00:18,780 vous allez le voir, un certain nombre d’autres exigences parce 5 00:00:18,980 --> 00:00:22,320 que nous reviendrons sur le contenu de ces exigences en envisageant 6 00:00:22,520 --> 00:00:24,810 notamment les questions procédurales ultérieurement. 7 00:00:25,260 --> 00:00:29,610 Un mot à ce stade dans un deuxième paragraphe sur les sanctions fiscales 8 00:00:29,820 --> 00:00:31,800 et leur encadrement constitutionnel. 9 00:00:32,730 --> 00:00:36,090 Notons que, nous verrons le détail, que la loi et la loi elle seule 10 00:00:36,420 --> 00:00:40,080 peut fixer un certain nombre de sanctions qui viennent frapper 11 00:00:40,350 --> 00:00:44,730 des comportements de contribuables en lien avec l’impôt. 12 00:00:45,090 --> 00:00:51,780 Il peut s’agir d’amendes avec un tarif donné par infraction et plus 13 00:00:51,980 --> 00:00:54,290 fréquemment, en matière fiscale, il peut s’agir de majorations, 14 00:00:54,900 --> 00:00:58,950 majoration de l’impôt qui devait être payé, qui n’avait pas été 15 00:00:59,150 --> 00:01:02,610 payé correctement par défaut de déclaration, par exemple. 16 00:01:02,810 --> 00:01:08,370 C’est +10 %, + 40 %, + 80 %, dans certains cas de l’impôt 17 00:01:08,570 --> 00:01:10,470 éludé qui devra être payé en plus. 18 00:01:10,670 --> 00:01:13,710 C’est donc une majoration comme nous le verrons. 19 00:01:14,430 --> 00:01:17,670 La seule idée qui me semble essentielle de retenir à ce stade, 20 00:01:17,870 --> 00:01:20,310 c’est que globalement, le Conseil constitutionnel assimile, 21 00:01:21,270 --> 00:01:26,520 sur le plan du régime juridique, ces sanctions fiscales qui peuvent 22 00:01:26,720 --> 00:01:30,240 être posées par la loi, qui confient à l’administration 23 00:01:30,440 --> 00:01:33,690 fiscale, et pas au juge pénal par hypothèse, à l’administration fiscale 24 00:01:33,930 --> 00:01:40,350 le soin d’exercer ce pouvoir répressif et d’édicter ces sanctions. 25 00:01:40,710 --> 00:01:44,310 Dans ce cas, le régime est équivalent à celui qui pèse sur les sanctions 26 00:01:44,510 --> 00:01:45,270 pénales. 27 00:01:45,470 --> 00:01:48,660 L’ensemble des dispositions de la Déclaration des droits de l’homme 28 00:01:48,860 --> 00:01:51,930 et du citoyen, notamment l’article 8, le principe de proportionnalité 29 00:01:52,130 --> 00:01:56,010 et l’ensemble des exigences liées aux droits de la défense, 30 00:01:56,210 --> 00:02:02,700 s’appliquent, de manière pratiquement identique, à ces sanctions 31 00:02:02,900 --> 00:02:05,640 administratives et aux sanctions pénales. 32 00:02:06,990 --> 00:02:12,120 Il se trouve que, nous y reviendrons, ce sont des centaines de dispositifs 33 00:02:12,320 --> 00:02:14,850 répressifs qui existent en matière fiscale, car certains visent des 34 00:02:15,050 --> 00:02:17,820 comportements très particuliers, attachés à certains impôts, 35 00:02:18,020 --> 00:02:19,500 certaines catégories de contribuables. 36 00:02:19,700 --> 00:02:21,480 Donc, il y en a vraiment plus que des dizaines. 37 00:02:21,680 --> 00:02:23,850 C’est de l’ordre de près de 200 dispositifs. 38 00:02:24,300 --> 00:02:27,480 La plupart d’entre eux ont fait l’objet d’une contestation devant 39 00:02:27,680 --> 00:02:30,120 le Conseil constitutionnel, en particulier à la faveur de QPC 40 00:02:31,350 --> 00:02:34,110 car la plupart de ces sanctions reposent sur des textes antérieurs 41 00:02:35,730 --> 00:02:39,330 à la QPC et qui n’avaient souvent pas fait l’objet d’un contrôle 42 00:02:39,530 --> 00:02:40,290 de constitutionnalité. 43 00:02:40,490 --> 00:02:43,620 Les contribuables s’en sont donné à cœur joie pour contester, 44 00:02:43,820 --> 00:02:45,810 grâce à la QPC, la plupart de ces dispositifs. 45 00:02:46,080 --> 00:02:49,710 Dans l’immense majorité des cas, en particulier pour les dispositifs 46 00:02:50,190 --> 00:02:53,850 les plus appliqués au quotidien par l’administration, le Conseil 47 00:02:54,050 --> 00:02:56,790 a fait preuve de beaucoup de mansuétude en considérant, sans doute à juste 48 00:02:56,990 --> 00:03:00,420 titre, que ces dispositifs respectaient à la Constitution en respectant 49 00:03:00,620 --> 00:03:03,720 les exigences générales qui sont les mêmes, je le répète, 50 00:03:03,920 --> 00:03:05,610 que celles que l’on connaît en matière pénale. 51 00:03:05,820 --> 00:03:10,470 Citons l’action du Conseil constitutionnel du 17 mars 2011 52 00:03:10,770 --> 00:03:15,690 qui a examiné les principales dispositions du Code général des 53 00:03:15,890 --> 00:03:20,370 impôts en matière répressive, en particulier l’article 1728 et 54 00:03:20,570 --> 00:03:23,610 1729 du Code général des impôts, nous reviendrons sur ces deux articles, 55 00:03:24,030 --> 00:03:28,140 qui posent les majorations de droit commun, l’expression n’est pas 56 00:03:28,340 --> 00:03:30,570 très judicieuse, de principe. 57 00:03:31,230 --> 00:03:35,370 Ce sont celles qui visent les infractions à la loi fiscale les 58 00:03:35,570 --> 00:03:36,740 plus fréquentes. 59 00:03:38,610 --> 00:03:43,890 Le Conseil contrôle ces dispositifs, mais avec une rigueur relative 60 00:03:44,090 --> 00:03:47,910 ou peut-être que les dispositifs étaient tout à fait incontestables, 61 00:03:48,630 --> 00:03:50,190 ne portons pas de jugement de valeur à ce stade. 62 00:03:52,470 --> 00:03:55,110 Nous reviendrons sur les sanctions en tant que telles un petit peu 63 00:03:55,310 --> 00:03:56,070 plus tard. 64 00:03:56,270 --> 00:03:58,620 Troisièmement, paragraphe troisième : les pouvoirs d’investigation de 65 00:03:58,820 --> 00:03:59,580 l’administration. 66 00:04:00,660 --> 00:04:04,410 Les pouvoirs de contrôle, globalement, font l’objet régulièrement 67 00:04:04,610 --> 00:04:07,590 de mises en cause sur le fondement de dispositions constitutionnelles, 68 00:04:07,790 --> 00:04:10,170 sur le fondement de l’article 16, garantie des droits, 69 00:04:10,370 --> 00:04:12,510 sur le fondement de l’article 13 également. 70 00:04:12,710 --> 00:04:16,620 Le principe d’égalité peut s’immiscer dans le contrôle de certains 71 00:04:16,820 --> 00:04:18,210 dispositifs procéduraux. 72 00:04:18,600 --> 00:04:21,050 Cela peut sembler étrange, mais c’est comme ça. 73 00:04:21,250 --> 00:04:26,160 Le Conseil constitutionnel vérifie que, indirectement, le principe d’égalité 74 00:04:26,360 --> 00:04:29,940 devant les charges publiques n’est pas menacé par certains mécanismes 75 00:04:30,140 --> 00:04:30,900 de contrôle. 76 00:04:32,430 --> 00:04:34,300 Nous verrons les dispositifs de contrôle ultérieurement, 77 00:04:34,500 --> 00:04:36,150 c’est la raison pour laquelle je passe très vite à ce stade. 78 00:04:36,940 --> 00:04:40,560 Il se trouve que le Conseil constitutionnel accueille avec 79 00:04:41,460 --> 00:04:46,250 une rigueur assez relative, contrôle avec une rigueur assez 80 00:04:46,450 --> 00:04:50,250 relative ces dispositifs de contrôle, pardonnez-moi pour cette répétition, 81 00:04:50,760 --> 00:04:54,720 avec cette formule que je crois intéressante dans sa décision du 82 00:04:54,920 --> 00:04:59,030 29 décembre 1983, donc une décision ancienne, mais qui donne un peu 83 00:04:59,230 --> 00:04:59,990 le « la » . 84 00:05:00,740 --> 00:05:02,800 Le Conseil n’est pas revenu sur cette attitude. 85 00:05:03,000 --> 00:05:04,810 Il a cette formule un peu troublante dans sa décision : "L’exercice 86 00:05:05,740 --> 00:05:09,730 des libertés et droits individuels ne saurait en rien excuser la fraude 87 00:05:09,930 --> 00:05:12,070 fiscale, ni en entraver la légitime répression". 88 00:05:12,400 --> 00:05:15,730 On a presque l’impression d’une sorte d’inversion de l’échelle 89 00:05:15,930 --> 00:05:18,100 des valeurs dès lors qu’on parle de matière fiscale. 90 00:05:18,300 --> 00:05:19,960 Oui, les libertés individuelles, c’est épatant. 91 00:05:20,160 --> 00:05:23,860 Néanmoins, elles ne doivent pas entraver la légitime répression 92 00:05:24,130 --> 00:05:27,340 des infractions fiscales, ni excuser la fraude fiscale, 93 00:05:27,610 --> 00:05:28,870 nous dit le Conseil constitutionnel. 94 00:05:29,590 --> 00:05:32,710 On comprend l’ambiance de la jurisprudence derrière ce considérant, 95 00:05:35,800 --> 00:05:40,930 ambiance qui consiste à confirmer 96 00:05:41,130 --> 00:05:44,380 cette évidence selon laquelle l’administration doit disposer 97 00:05:44,580 --> 00:05:49,390 de pouvoirs de contrôle forts, sans commune mesure avec ce que 98 00:05:49,590 --> 00:05:53,410 les autres administrations peuvent avoir en termes de pouvoir de contrôle, 99 00:05:54,220 --> 00:05:57,850 au regard de ce qui est devenu, par la suite, un objectif de valeur 100 00:05:58,050 --> 00:05:59,980 constitutionnelle dans la bouche du Conseil constitutionnel. 101 00:06:00,180 --> 00:06:03,760 C’est l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, 102 00:06:04,420 --> 00:06:07,480 expression qui revient assez régulièrement depuis 2010 dans 103 00:06:07,680 --> 00:06:09,220 la bouche du Conseil constitutionnel. 104 00:06:09,760 --> 00:06:13,150 Il se trouve que dans certains cas, néanmoins, le Conseil constitutionnel 105 00:06:13,960 --> 00:06:17,170 peut être conduit à contrôler, mais aussi à annuler certains 106 00:06:17,370 --> 00:06:20,860 dispositifs de contrôle, notamment sur le fondement de l’article 107 00:06:21,060 --> 00:06:25,360 66 de la Constitution dans une décision que je viens de citer 108 00:06:25,560 --> 00:06:27,940 où au bout du compte, il avait sanctionné pour une partie 109 00:06:28,300 --> 00:06:31,600 un dispositif dit de perquisition fiscale ou plus exactement de droit 110 00:06:31,800 --> 00:06:33,940 de visite et de saisie, dont nous parlerons un peu plus tard, 111 00:06:34,180 --> 00:06:35,680 dans cette décision de 1983. 112 00:06:35,880 --> 00:06:39,130 Sur un point, il avait considéré qu’il y avait bien une violation 113 00:06:39,330 --> 00:06:42,820 de la Constitution parce que les garanties offertes aux contribuables 114 00:06:43,020 --> 00:06:43,960 n’étaient pas suffisantes. 115 00:06:45,100 --> 00:06:48,010 Cela a pu lui arriver sur des points plus périphériques. 116 00:06:49,780 --> 00:06:52,870 Par exemple, lorsque la loi est venue accorder de nouveaux pouvoirs 117 00:06:53,070 --> 00:06:58,180 d’investigation à l’administration en 2019 pour enquêter sur Internet 118 00:06:58,380 --> 00:07:02,860 en récoltant des informations sur Facebook et autres sites sur lesquels 119 00:07:04,030 --> 00:07:08,560 les personnes physiques livrent leur vie privée, parfois les photos 120 00:07:08,760 --> 00:07:12,180 de leurs bolides et de leurs maisons de luxe, alors que lesdits 121 00:07:12,380 --> 00:07:14,890 contribuables pourraient ne déclarer que pas grand-chose en termes de 122 00:07:15,090 --> 00:07:16,300 revenus à l’administration. 123 00:07:16,500 --> 00:07:19,810 L’administration peut opérer des recoupements grâce à ces 124 00:07:20,010 --> 00:07:20,770 investigations. 125 00:07:20,970 --> 00:07:25,060 Il se trouve que pour pouvoir collecter des masses d’informations sur Internet, 126 00:07:25,810 --> 00:07:30,430 des informations publiques, mais, un cadre législatif s’imposait. 127 00:07:30,700 --> 00:07:34,150 Le législateur a donné ce cadre à l’administration et le Conseil 128 00:07:34,350 --> 00:07:40,670 constitutionnel, au regard des libertés individuelles des particuliers 129 00:07:40,870 --> 00:07:44,980 et des contribuables, est venu contrôler, et sur un point 130 00:07:45,190 --> 00:07:48,550 très mineur, c’est pour ça que je n'insiste pas, est venu considérer 131 00:07:48,750 --> 00:07:50,920 que le dispositif était en partie contraire à la Constitution, 132 00:07:51,670 --> 00:07:54,130 sauf à respecter une réserve d’interprétation. 133 00:07:55,660 --> 00:07:59,650 Le contrôle n’est pas d’une rigueur extrême, mais il est tout de même 134 00:08:00,340 --> 00:08:01,100 présent. 135 00:08:01,300 --> 00:08:03,100 Nous verrons ultérieurement ces pouvoirs d’investigation. 136 00:08:03,300 --> 00:08:09,730 Il faut essayer d’être critique avec son propre réflexe critique. 137 00:08:10,270 --> 00:08:14,770 Il peut arriver aussi que le Conseil constitutionnel constate que le 138 00:08:14,970 --> 00:08:19,420 législateur a été raisonnable dans la manière dont sont configurés 139 00:08:19,620 --> 00:08:22,630 les pouvoirs de contrôle accordés à l’administration, dès lors que 140 00:08:22,830 --> 00:08:25,210 des garanties sont prévues, des délais, des procédures. 141 00:08:26,200 --> 00:08:28,680 Il n’y a pas nécessairement de quoi s’émouvoir. 142 00:08:28,880 --> 00:08:33,070 Le législateur est attentif à ne pas donner une sorte de blanc-seing 143 00:08:33,270 --> 00:08:36,100 à l’administration, pour qu’elle puisse contrôler comme elle l’entend, 144 00:08:36,300 --> 00:08:37,870 qui elle l’entend, dans n’importe quelle situation. 145 00:08:38,070 --> 00:08:40,210 À chaque fois, des garanties assez précises sont offertes aux 146 00:08:40,410 --> 00:08:45,310 contribuables, ce qui peut le plus souvent convaincre le Conseil 147 00:08:45,510 --> 00:08:47,650 constitutionnel de la conformité aux exigences constitutionnelles 148 00:08:47,850 --> 00:08:48,610 desdits dispositifs. 149 00:08:48,810 --> 00:08:55,390 Enfin, pour terminer quatrième et dernier élément attaché à l’idée 150 00:08:55,600 --> 00:09:00,010 de nécessité, c’est la question de la complexité de la loi fiscale 151 00:09:00,210 --> 00:09:02,710 dans un quatrième paragraphe, ou plus exactement de la complexité 152 00:09:02,910 --> 00:09:05,620 parfois excessive de la loi fiscale, pour reprendre une expression 153 00:09:05,820 --> 00:09:07,810 qu’emploie le Conseil constitutionnel. 154 00:09:09,820 --> 00:09:14,140 On retrouve cette idée de nécessité parce que le fait que la loi fiscale 155 00:09:14,340 --> 00:09:17,560 soit complexe est quelque chose de compréhensible. 156 00:09:18,610 --> 00:09:20,830 Il est possible de faire des lois fiscales simples, mais alors elles 157 00:09:21,030 --> 00:09:22,210 risquent d’être particulièrement injustes. 158 00:09:22,780 --> 00:09:26,510 Nous avons déjà insisté sur ce point, dans la majorité des cas, 159 00:09:27,040 --> 00:09:30,280 il est difficile de faire des statistiques, on doit bien considérer 160 00:09:30,480 --> 00:09:33,880 que la complexité de la loi tient au fait qu’elle entend prendre 161 00:09:34,240 --> 00:09:37,720 en compte de nombreuses situations différentes, des comportements 162 00:09:37,920 --> 00:09:40,510 de nature différente des contribuables, pour être au plus près de leur 163 00:09:40,710 --> 00:09:43,690 capacité contributive, pour des raisons d’équité. 164 00:09:43,890 --> 00:09:49,840 Bref, la complexité n’est pas juste l’effet d’une mauvaise rédaction 165 00:09:50,040 --> 00:09:54,610 ou d’une incompétence des parlementaires ou de la direction 166 00:09:54,810 --> 00:09:56,770 de la législation fiscale qui, le plus souvent, tient la plume. 167 00:09:56,970 --> 00:10:02,780 Néanmoins, il faut constater que souvent, la lecture de la loi fiscale 168 00:10:02,980 --> 00:10:06,920 est particulièrement difficile, particulièrement complexe et dans 169 00:10:07,120 --> 00:10:10,550 certaines situations, on peut s’interroger sur le point 170 00:10:10,750 --> 00:10:13,010 de savoir si l’administration n’aurait pas pu, et le Parlement, 171 00:10:13,210 --> 00:10:15,680 faire quelques efforts pour rendre ces textes plus lisibles. 172 00:10:15,880 --> 00:10:23,090 C’était un peu une mode, au tournant des années 2000, 173 00:10:23,290 --> 00:10:25,970 au milieu des années 2000, que de constater ces défauts de 174 00:10:26,170 --> 00:10:27,950 rédaction de la loi fiscale, mais de la loi au-delà. 175 00:10:28,940 --> 00:10:35,810 Le Conseil constitutionnel a voulu marquer son souci de secouer le 176 00:10:36,010 --> 00:10:40,730 Parlement pour qu’il fasse plus attention à cet objectif de valeur 177 00:10:40,930 --> 00:10:43,640 constitutionnelle, a consacré à plusieurs reprises le Conseil 178 00:10:43,840 --> 00:10:45,820 constitutionnel, sans l’appliquer avec beaucoup de ferveur cependant, 179 00:10:46,610 --> 00:10:50,180 qui est l’objectif de clarté et d’intelligibilité de la loi, 180 00:10:50,380 --> 00:10:52,910 objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité 181 00:10:53,110 --> 00:10:55,550 de la loi qu’on retrouve dans de nombreuses décisions du Conseil 182 00:10:55,750 --> 00:10:58,400 constitutionnel qui, pour l’essentiel, mais pas seulement, 183 00:10:58,910 --> 00:11:03,200 découle de l’article 16 de la déclaration et de l’exigence de 184 00:11:03,400 --> 00:11:05,570 garantie des droits qui s’y attachent. 185 00:11:06,500 --> 00:11:09,980 Dans un cas, à ma connaissance, c’est le seul cas, le Conseil 186 00:11:10,180 --> 00:11:13,880 constitutionnel a annulé un dispositif fiscal qui était un dispositif 187 00:11:14,080 --> 00:11:17,600 d’importance en plus, du point de vue politique en tout cas, 188 00:11:17,800 --> 00:11:22,940 dans une décision du 29 décembre 2005 qui portait sur un mécanisme 189 00:11:23,140 --> 00:11:28,750 qui visait à plafonner le niveau de cadeau fiscal susceptible d’être 190 00:11:28,950 --> 00:11:31,220 attaché aux différentes niches fiscales dont les particuliers 191 00:11:31,420 --> 00:11:32,180 pouvaient bénéficier. 192 00:11:32,380 --> 00:11:35,600 Je ne rentre pas dans le détail, mais l’idée est la suivante. 193 00:11:36,020 --> 00:11:38,360 À l’époque, aujourd’hui, ça n’a pas tellement changé, 194 00:11:39,170 --> 00:11:42,320 aux termes du Code général des impôts et de ses dispositions relatives 195 00:11:42,520 --> 00:11:45,500 à l’impôt sur le revenu, c’est de l’ordre de 80 dispositifs 196 00:11:45,770 --> 00:11:49,580 qui peuvent conduire un particulier à bénéficier, sur tel ou tel point, 197 00:11:49,780 --> 00:11:54,230 d’un cadeau fiscal d’importance variable, allant du crédit d’impôt 198 00:11:54,430 --> 00:11:58,340 pour l’emploi de personnel à domicile à un autre crédit d’impôt pour 199 00:11:58,540 --> 00:12:03,200 le fait de faire des travaux de rénovation chez soi et de rénovation 200 00:12:03,400 --> 00:12:04,160 thermique. 201 00:12:04,360 --> 00:12:06,640 Je ne vais pas les citer tous, il y en a des dizaines. 202 00:12:07,310 --> 00:12:09,920 Le gouvernement et le Parlement, à la fin de l’année 2005, 203 00:12:10,120 --> 00:12:12,140 avaient souhaité mettre un peu d’ordre dans ces niches, 204 00:12:12,380 --> 00:12:15,500 mais plutôt que d’en supprimer certaines, il avait voulu, 205 00:12:16,400 --> 00:12:19,460 parallèlement au plafonnement de la plupart de ces niches qui ne 206 00:12:19,660 --> 00:12:21,950 peuvent pas vous permettre de bénéficier d’un cadeau de plus 207 00:12:22,150 --> 00:12:26,750 de X % de ce que vous avez payé de votre impôt, au-delà de ces 208 00:12:26,950 --> 00:12:30,500 plafonds niche par niche, le Parlement avait souhaité créer 209 00:12:30,920 --> 00:12:34,340 un plafonnement général pour que la somme des cadeaux ne puisse 210 00:12:34,540 --> 00:12:35,450 pas dépasser une somme globale. 211 00:12:35,650 --> 00:12:41,480 L’idée pouvait sembler louable, sauf que pour rédiger la disposition 212 00:12:41,680 --> 00:12:46,460 en question, le Parlement avait dû bricoler un mécanisme d’une 213 00:12:46,660 --> 00:12:50,630 extrême complexité parce qu’il fallait faire des renvois à chacune 214 00:12:50,830 --> 00:12:54,140 des 80 ou plus dispositions du Code général des impôts. 215 00:12:54,980 --> 00:12:59,450 La lecture même de la disposition adoptée par le Parlement donnait 216 00:12:59,650 --> 00:13:03,380 des maux de crâne au bout de deux lignes et apparaissait extrêmement 217 00:13:03,580 --> 00:13:05,870 difficile à appliquer concrètement par les contribuables, 218 00:13:06,070 --> 00:13:08,240 par leurs conseils et sans doute aussi par l’administration. 219 00:13:08,960 --> 00:13:13,850 Le Conseil constitutionnel a décidé dans ce cas de figure que la complexité 220 00:13:14,050 --> 00:13:18,650 atteignait un niveau qui non seulement était excessif, mais je cite le 221 00:13:18,850 --> 00:13:22,760 Conseil constitutionnel : "Était non justifié en plus par un motif 222 00:13:22,960 --> 00:13:23,720 d’intérêt général". 223 00:13:23,920 --> 00:13:29,360 "Complexité excessive et non justifiée par un motif d’intérêt général 224 00:13:29,560 --> 00:13:32,480 suffisant", nous dit le Conseil constitutionnel, suggérant que 225 00:13:32,680 --> 00:13:37,100 la complexité est compréhensible, que la complexité excessive même 226 00:13:37,300 --> 00:13:40,460 parfois est compréhensive, ça semble étonnant, mais c’est comme ça. 227 00:13:41,150 --> 00:13:45,170 Sauf que cette complexité excessive, le cas échéant, doit au moins être 228 00:13:45,370 --> 00:13:47,660 motivée par un motif d’intérêt général suffisant, ce qui n’était 229 00:13:47,860 --> 00:13:49,820 pas le cas en l’espèce d’après le Conseil Constitutionnel. 230 00:13:50,030 --> 00:13:52,880 La disposition a été annulée, donc ce plafonnement global n’existe 231 00:13:53,080 --> 00:13:55,100 pas du fait de cette annulation. 232 00:13:56,270 --> 00:13:57,230 Concluons là-dessus. 233 00:13:58,130 --> 00:14:00,440 Il s’est agi très clairement, pour le Conseil constitutionnel, 234 00:14:00,830 --> 00:14:05,390 de réveiller le pouvoir politique en lui faisant prendre conscience 235 00:14:05,590 --> 00:14:09,230 du fait qu’à un certain point de complexité, les choses devenaient 236 00:14:09,430 --> 00:14:10,190 ingérables. 237 00:14:11,000 --> 00:14:15,470 En même temps, force reste de constater qu’il est difficile de simplifier 238 00:14:15,670 --> 00:14:18,050 absolument la rédaction des textes législatifs. 239 00:14:18,500 --> 00:14:21,290 Comme nous le verrons un petit peu plus tard, la vraie réponse 240 00:14:21,490 --> 00:14:25,250 en pratique à cette complexité souvent extrême de la loi fiscale 241 00:14:25,670 --> 00:14:29,300 est donnée par l’administration grâce à la publication d’instructions, 242 00:14:29,500 --> 00:14:35,120 c’est-à-dire de modes d’emploi qui permettent concrètement aux 243 00:14:35,320 --> 00:14:37,610 contribuables et à leurs conseils d’appliquer la loi fiscale, 244 00:14:37,810 --> 00:14:42,770 en la comprenant là où la simple lecture de la loi donne parfois 245 00:14:42,970 --> 00:14:44,540 quelques difficultés, voire des maux de tête. 246 00:14:46,010 --> 00:14:50,090 Pour conclure, le Conseil constitutionnel n’hésite pas parfois 247 00:14:50,290 --> 00:14:54,290 ou n’hésitait pas à développer de nouvelles exigences et de trouver 248 00:14:54,490 --> 00:14:58,580 des points d’application en matière fiscale, même si depuis 2013, 249 00:14:59,850 --> 00:15:03,340 2014, les choses ont eu tendance à se calmer un peu. 250 00:15:04,720 --> 00:15:09,580 La multiplication de ces exigences constitutionnelles à laquelle on 251 00:15:09,780 --> 00:15:13,060 a assisté jusque-là s’est plutôt tarie et les choses semblent rentrer 252 00:15:13,260 --> 00:15:17,230 un peu dans l’ordre, en tout cas se tarir un peu, 253 00:15:17,430 --> 00:15:23,440 je le répète, faisant considérer, faisant à certains avocats considérer 254 00:15:23,680 --> 00:15:27,280 que l’exercice des QPC qui, je vous le dis, a été une sorte 255 00:15:27,580 --> 00:15:32,320 de sport national chez les fiscalistes à partir de 2010, ce sport national 256 00:15:32,520 --> 00:15:36,670 est en train un tout petit peu de se calmer, tant le Conseil 257 00:15:36,870 --> 00:15:41,530 constitutionnel, aujourd’hui, se montre moins rigoureux et moins 258 00:15:41,980 --> 00:15:48,730 gourmand en contrôle et en annulation de dispositions législatives sur 259 00:15:48,930 --> 00:15:50,200 le fondement de dispositions constitutionnelles.