1 00:00:05,230 --> 00:00:07,990 Bonjour à tous, nous abordons aujourd'hui donc le premier titre 2 00:00:08,190 --> 00:00:15,010 de ce cours consacré à la légalité pénale, le principe de légalité 3 00:00:15,210 --> 00:00:17,200 des délits et des peines, qui est un principe fondamental 4 00:00:17,530 --> 00:00:21,490 et qui constitue véritablement le socle de toutes vos réflexions 5 00:00:21,690 --> 00:00:24,670 que vous pourrez mener en droit pénal, en procédure pénale également par 6 00:00:24,870 --> 00:00:29,460 ailleurs, cela fait partie des principes fondamentaux de notre droit. 7 00:00:31,090 --> 00:00:34,810 Cela participe aussi de la conception que l'on peut avoir d'une société 8 00:00:35,200 --> 00:00:39,160 et cela, par ailleurs, nourrit des réflexions absolument 9 00:00:39,360 --> 00:00:40,120 passionnantes. 10 00:00:40,320 --> 00:00:42,950 Alors, réflexion ici que j'articulerai en deux temps. 11 00:00:43,150 --> 00:00:47,830 D'abord, dans un premier chapitre, nous étudierons donc le rapport 12 00:00:48,030 --> 00:00:54,610 entre la légalité pénale et la loi, finalement quelles sont les exigences 13 00:00:54,810 --> 00:00:58,350 au regard de ce principe pour le législateur. 14 00:00:58,630 --> 00:01:02,110 Et ensuite, dans un second chapitre, nous étudierons les rapports entre 15 00:01:02,310 --> 00:01:03,700 la légalité pénale et le juge. 16 00:01:04,150 --> 00:01:08,320 Quelles conséquences cela implique pour le juge ? 17 00:01:08,560 --> 00:01:10,930 Quelle exigence s'impose à lui ? 18 00:01:11,770 --> 00:01:15,070 Donc premier chapitre : la légalité pénale et la loi. 19 00:01:15,370 --> 00:01:18,940 Nous revenons donc, nous exposons dans une première section, 20 00:01:19,660 --> 00:01:24,580 très simplement, donc le principe de légalité, qu'est-ce que c'est ? 21 00:01:25,090 --> 00:01:27,040 Section première : le principe de légalité. 22 00:01:28,210 --> 00:01:31,390 Alors en droit pénal français, le principe est clair, 23 00:01:31,600 --> 00:01:35,500 un comportement ne peut être puni, ne peut être réprimé sans avoir 24 00:01:35,700 --> 00:01:38,800 été préalablement incriminé par un texte. 25 00:01:39,790 --> 00:01:45,130 C'est un principe issu de la Révolution de 1789, adopté en vue de lutter 26 00:01:45,330 --> 00:01:48,730 contre l'arbitraire des juges et que l'on peut résumer à travers 27 00:01:48,930 --> 00:01:53,710 l'adage : "Pas d'infraction, pas de peine sans texte." En latin, 28 00:01:53,910 --> 00:01:56,980 et il faut le connaître, ça fait partie des fondamentaux, 29 00:01:57,280 --> 00:02:01,090 en latin : "Nullum crimen, nulla poena sine lege."  Alors 30 00:02:01,290 --> 00:02:05,050 revenons dans un premier point sur la signification même de ce 31 00:02:05,250 --> 00:02:07,030 principe, paragraphe 1er : signification. 32 00:02:07,420 --> 00:02:09,460 Et tout d'abord quels sont les fondements ? 33 00:02:09,660 --> 00:02:12,400 Nous verrons ensuite les conséquences donc A, quels sont les fondements 34 00:02:12,970 --> 00:02:13,870 de ce principe ? 35 00:02:15,310 --> 00:02:18,310 Le principe, je le répète, est qu'aucune incrimination, 36 00:02:18,560 --> 00:02:22,690 mais aussi aucune peine ne peuvent être retenues sans avoir été prévues 37 00:02:22,890 --> 00:02:26,380 par un texte émanant des pouvoirs publics et prévenant les citoyens 38 00:02:26,860 --> 00:02:30,030 de ce qu'ils doivent faire ou ne pas faire sous peine d'encourir 39 00:02:30,230 --> 00:02:31,780 donc une sanction pénale. 40 00:02:32,590 --> 00:02:35,390 Portalis l'écrivait lui-même : "En matière criminelle, 41 00:02:35,590 --> 00:02:39,700 il faut des lois et point de jurisprudence." Donc le principe 42 00:02:39,900 --> 00:02:42,640 de légalité des délits et des peines est un véritable pilier de notre 43 00:02:42,840 --> 00:02:46,150 système pénal qui signifie que seule une loi peut incriminer un 44 00:02:46,350 --> 00:02:49,660 comportement pénalement répréhensible et qui trouve son fondement dans 45 00:02:49,860 --> 00:02:53,710 la nécessité de protéger l'individu et la société. 46 00:02:54,850 --> 00:02:56,210 Pourquoi l'individu tout d'abord ? 47 00:02:56,410 --> 00:03:00,610 Eh bien parce que chacun, chacune d'entre nous doit pouvoir 48 00:03:00,810 --> 00:03:05,410 être averti de ce à quoi il ou elle s'expose s'il ou elle adopte 49 00:03:05,610 --> 00:03:07,510 tel ou tel comportement. 50 00:03:08,320 --> 00:03:12,310 Et finalement, en fixant à l'avance les limites à ne pas franchir, 51 00:03:12,610 --> 00:03:19,240 on lutte contre l'arbitraire du juge qui dispose de moins de marge 52 00:03:19,440 --> 00:03:22,840 de manœuvre, même s'il peut évidemment personnaliser la sanction. 53 00:03:23,920 --> 00:03:27,010 La loi issue de la voie parlementaire et donc du peuple, est finalement 54 00:03:27,210 --> 00:03:30,760 la seule légitime à prévoir une incrimination et une sanction à 55 00:03:30,960 --> 00:03:33,280 dicter donc aux individus le comportement à adopter. 56 00:03:33,580 --> 00:03:37,090 Donc on a là finalement une illustration, une manifestation 57 00:03:37,290 --> 00:03:40,090 de la théorie du contrat social développée par les philosophes 58 00:03:40,290 --> 00:03:42,160 du 18e siècle, et notamment Rousseau. 59 00:03:43,750 --> 00:03:47,770 Et puis le principe de légalité entend également protéger la société 60 00:03:47,970 --> 00:03:51,640 elle-même, c'est-à-dire qu'en dictant les comportements, eh bien la loi 61 00:03:51,840 --> 00:03:55,000 permet de traduire un certain nombre de valeurs auxquelles est attachée 62 00:03:55,200 --> 00:03:58,960 la société, une conscience finalement collective qui se dessine à travers 63 00:03:59,160 --> 00:04:00,070 ces valeurs protégées. 64 00:04:00,940 --> 00:04:03,940 Ces valeurs se traduisent par des peines à l'encontre de ceux qui 65 00:04:04,140 --> 00:04:04,900 les transgressent. 66 00:04:05,470 --> 00:04:09,850 La peine donc prévue par la loi, eh bien non seulement intimide, 67 00:04:10,360 --> 00:04:13,030 mais en outre, assure la cohésion sociale. 68 00:04:13,290 --> 00:04:15,220 Donc cette idée de pacte social, alors je ne reviens pas sur les 69 00:04:15,420 --> 00:04:16,960 fonctions à peine puisque encore une fois, il ne s'agit pas d'un 70 00:04:17,160 --> 00:04:19,600 cours de pénologie, ce cours est dispensé plus tard dans votre cursus, 71 00:04:20,260 --> 00:04:22,840 mais dans tous les cas, on mesure d'ores et déjà l'effet 72 00:04:23,040 --> 00:04:26,500 prophylactique de la loi pénale, c'est-à-dire l'effet dissuasif 73 00:04:26,860 --> 00:04:31,230 dès lors qu'effectivement, le citoyen sait, connaît les risques encourus 74 00:04:32,200 --> 00:04:34,750 s'il s'expose à tel ou tel comportement. 75 00:04:35,800 --> 00:04:37,440 Alors quelles sont les conséquences ensuite, B ? 76 00:04:38,860 --> 00:04:43,750 Eh bien, on peut distinguer ici deux acceptions de la légalité. 77 00:04:43,950 --> 00:04:47,110 D'abord, une égalité dite formelle, ensuite, une légalité dite matérielle. 78 00:04:47,800 --> 00:04:51,850 Alors s'agissant tout d'abord, 1, de la légalité formelle, 79 00:04:52,050 --> 00:04:57,490 précisément, ce principe de légalité signifie que la matière tout entière 80 00:04:57,690 --> 00:05:02,350 relève de la compétence du législateur, de la loi au sens formel, 81 00:05:02,550 --> 00:05:06,940 article 34 de la Constitution : "Le pouvoir exécutif, 82 00:05:07,570 --> 00:05:11,500 le juge, la coutume, ne peuvent jamais ajouter à la 83 00:05:11,700 --> 00:05:16,360 loi." Donc ce principe emporte diverses conséquences que l'on verra, 84 00:05:16,560 --> 00:05:17,320 que l'on étudiera. 85 00:05:17,770 --> 00:05:23,440 Ce principe, notamment, empêche de punir une personne pour 86 00:05:23,640 --> 00:05:25,750 un fait commis avant l'entrée en vigueur de la loi. 87 00:05:26,620 --> 00:05:30,160 C'est ce qu'on appelle donc le principe de non-rétroactivité de 88 00:05:30,360 --> 00:05:34,990 la loi pénale, c'est l'article 112-1 du Code pénal. 89 00:05:35,290 --> 00:05:38,920 Donc on ne peut punir une personne pour un fait commis avant l'entrée 90 00:05:39,120 --> 00:05:43,180 en vigueur de la loi parce que précisément, lorsque le fait a 91 00:05:43,380 --> 00:05:46,420 été commis, aucun texte n'existait. 92 00:05:47,030 --> 00:05:50,620 Et puis ce principe oblige également le juge à délivrer une stricte 93 00:05:50,820 --> 00:05:51,580 interprétation. 94 00:05:52,280 --> 00:05:55,240 Donc c'est le principe d'interprétation stricte que l'on verra également 95 00:05:55,440 --> 00:05:56,200 plus tard. 96 00:05:56,710 --> 00:05:59,920 L'idée est simple, en effet, c'est que si l'on étend trop la 97 00:06:00,120 --> 00:06:02,970 portée du texte, eh bien on risque, on aboutit, in fine, 98 00:06:03,370 --> 00:06:07,000 on risque in fine de condamner la personne sans fondement textuel 99 00:06:07,200 --> 00:06:08,680 à trop étendre la portée d'un texte. 100 00:06:08,880 --> 00:06:11,230 Et ce principe est prévu par l'article 111-4. 101 00:06:11,430 --> 00:06:17,980 Donc ce sont là deux corollaires du principe de légalité, 102 00:06:18,180 --> 00:06:21,580 la non-rétroactivité et la stricte interprétation. 103 00:06:22,280 --> 00:06:26,800 Alors cette légalité au sens formel est souvent dite en réalité sur 104 00:06:27,000 --> 00:06:27,760 le déclin. 105 00:06:28,330 --> 00:06:31,780 On l'a vu lors de l'introduction, la loi au sens strict, 106 00:06:31,980 --> 00:06:34,810 au sens parlementaire est de plus en plus concurrencée par d'autres 107 00:06:35,010 --> 00:06:39,300 pouvoirs dans l'édiction de textes, par le pouvoir exécutif notamment. 108 00:06:39,900 --> 00:06:42,550 Ce sont des choses que nous aurons l'occasion de travailler. 109 00:06:43,930 --> 00:06:46,930 Mais le principe de légalité recouvre également une légalité matérielle 110 00:06:47,130 --> 00:06:51,640 qui s'attache cette fois à la qualité de la loi, donc non plus à la 111 00:06:51,840 --> 00:06:53,110 compétence du législateur. 112 00:06:53,310 --> 00:06:57,790 La légalité matérielle, 2, signifie ici deux choses, 113 00:06:58,510 --> 00:07:03,640 d'une part l'incrimination doit être rédigée en des termes clairs 114 00:07:03,840 --> 00:07:08,590 et précis et d'autre part, le texte doit prévoir une sanction 115 00:07:08,790 --> 00:07:12,400 adéquate et précise afin de cadrer l'action du juge. 116 00:07:12,600 --> 00:07:17,920 Là, c'est cette idée, 117 00:07:18,120 --> 00:07:20,920 effectivement, que le principe de légalité couvre à la fois 118 00:07:21,120 --> 00:07:24,400 l'incrimination et la sanction, ce principe de légalité qui a été 119 00:07:25,900 --> 00:07:32,530 mis en avant par Cesare Beccaria dont je vous avais déjà parlé, 120 00:07:33,550 --> 00:07:36,680 et son fameux Traité de légalité des délits et des peines que je 121 00:07:36,880 --> 00:07:41,140 vous recommande évidemment, dès lors que le droit pénal vous 122 00:07:41,340 --> 00:07:43,660 intéresse peut-être plus que d'autres matières. 123 00:07:46,000 --> 00:07:49,990 Là encore, s'agissant de cette légalité matérielle, le déclin 124 00:07:50,380 --> 00:07:54,880 de ce principe est souvent évoqué, en tout cas, il est assez latent. 125 00:07:55,080 --> 00:07:58,150 D'abord, en effet, si l'on regarde du côté de l'incrimination, 126 00:07:59,080 --> 00:08:02,800 le législateur semble parfois mal rédiger le texte. 127 00:08:03,000 --> 00:08:06,910 Alors parfois, c'est volontaire, parfois, il s'agit pour législateur 128 00:08:07,110 --> 00:08:10,690 de confier corrélativement aux juges de plus en plus de pouvoirs. 129 00:08:10,890 --> 00:08:14,440 Donc c'est vrai que lorsque cette démarche est volontaire de la part 130 00:08:14,640 --> 00:08:20,440 du législateur, on peut relever le fait que la démarche est assez 131 00:08:21,250 --> 00:08:25,480 contre-révolutionnaire, en tout cas, elle contrevient à l'esprit 132 00:08:25,680 --> 00:08:30,190 révolutionnaire qui envisageait d'enfermer les juges dans un corset 133 00:08:30,390 --> 00:08:31,150 de légalité. 134 00:08:33,130 --> 00:08:37,150 Et puis c'est l'idée que finalement, vous avez des textes de loi qui, 135 00:08:37,450 --> 00:08:40,990 en principe, doivent être clairs et précis et parfois, 136 00:08:41,190 --> 00:08:45,250 qui demeurent donc délibérément vagues afin de permettre aux juges 137 00:08:45,520 --> 00:08:49,720 de prendre le relais et de forger eux-mêmes l'interprétation à en donner, 138 00:08:49,920 --> 00:08:52,540 donc en fonction des enjeux répressifs. 139 00:08:53,140 --> 00:08:56,530 On peut donner l'exemple du viol, qui est parfois difficile à distinguer 140 00:08:56,730 --> 00:09:00,520 de l'agression sexuelle, l'exemple du vol également, 141 00:09:01,780 --> 00:09:04,720 étendu, vous verrez ça en droit pénal spécial, la distinction entre 142 00:09:04,920 --> 00:09:06,730 le vol, l'abus de confiance, il y a parfois des confusions. 143 00:09:06,930 --> 00:09:09,640 Qu'est-ce que la soustraction matérielle pour le vol, 144 00:09:09,840 --> 00:09:11,110 la soustraction juridique ? 145 00:09:12,460 --> 00:09:16,780 Le vol, voyez, dans le Code pénal, c'est la soustraction frauduleuse 146 00:09:16,980 --> 00:09:17,740 de la chose d'autrui. 147 00:09:18,000 --> 00:09:21,490 Et sauf qu'en pratique, on a dû se poser la question de 148 00:09:21,690 --> 00:09:26,070 savoir si, au-delà de l'hypothèse classique d'un rapt physique, 149 00:09:26,340 --> 00:09:29,650 voler un sac à main, par exemple, eh bien l'incrimination 150 00:09:30,190 --> 00:09:33,160 ne pouvait-elle pas couvrir d'autres hypothèses ? 151 00:09:33,360 --> 00:09:36,340 Par exemple, je vous confie volontairement un objet, 152 00:09:36,880 --> 00:09:39,640 vous refusez de me le rendre, est-ce que c'est du vol ? 153 00:09:39,840 --> 00:09:42,150 Voyez alors même que j'ai remis volontairement le bien. 154 00:09:43,540 --> 00:09:46,900 Voilà donc vous voyez que le texte est assez vague et finalement, 155 00:09:47,100 --> 00:09:52,770 c'est au juge ici de venir préciser la portée de l'incrimination donc 156 00:09:52,970 --> 00:09:56,620 au regard des enjeux répressifs et au demeurant, la jurisprudence 157 00:09:56,820 --> 00:10:00,550 a peu développé ici une conception juridique de la soustraction, 158 00:10:00,750 --> 00:10:03,460 expliquant que le vol, finalement, enfin la soustraction, 159 00:10:03,820 --> 00:10:08,320 consiste à se comporter, même momentanément, comme le 160 00:10:08,520 --> 00:10:09,280 propriétaire. 161 00:10:09,480 --> 00:10:12,100 Donc dès lors que la personne refuse de rendre la chose, même remise 162 00:10:12,370 --> 00:10:15,580 volontairement, eh bien on pourrait considérer qu'il s'agit d'un vol. 163 00:10:16,720 --> 00:10:23,560 De même, le texte ne précise pas ce qu'il en est du vol d'informations, 164 00:10:23,760 --> 00:10:27,610 voyez, donc l'information qui est un objet du coup dématérialisé. 165 00:10:27,810 --> 00:10:31,480 Voilà, donc il faut aussi, c'est aussi la liberté du droit 166 00:10:31,680 --> 00:10:36,070 pénal que de pouvoir se mouvoir, donc en fonction des enjeux et 167 00:10:37,150 --> 00:10:40,810 donc en cela, il est vrai, nous le verrons, que le rôle du 168 00:10:41,010 --> 00:10:42,460 juge est très complémentaire. 169 00:10:42,660 --> 00:10:44,950 Alors c'est complémentaire mais en même temps, c'est risqué, 170 00:10:45,150 --> 00:10:47,320 parce qu'il est vrai que plus le texte est imprécis, plus le texte 171 00:10:47,520 --> 00:10:52,120 est vague et plus le juge sera tenté de l'étendre et donc au mépris 172 00:10:52,320 --> 00:10:55,090 finalement, des exigences, peut-être, de la légalité pénale. 173 00:10:55,630 --> 00:10:58,810 Et donc c'est de là que provient cette idée de déclin, 174 00:10:59,010 --> 00:11:04,810 si vous voulez, de déclin et de glissement vers ce qu'on appelle 175 00:11:05,010 --> 00:11:05,830 le gouvernement des juges. 176 00:11:06,030 --> 00:11:11,080 Voilà et puis quant à la sanction, là encore, on peut relever un certain 177 00:11:11,280 --> 00:11:14,620 déclin dans la mesure où la légalité se trouve confrontée au principe 178 00:11:14,820 --> 00:11:20,920 d'individualisation et à la personnalisation croissante de la peine. 179 00:11:22,330 --> 00:11:25,750 L'application qui en est faite peut témoigner sous certains aspects 180 00:11:26,620 --> 00:11:32,350 d'un arbitraire du juge puisque finalement, d'un côté, 181 00:11:32,550 --> 00:11:37,090 la loi fixe un maximum de peines à ne pas dépasser, de l'autre côté, 182 00:11:37,290 --> 00:11:40,480 le juge peut tout à fait fixer une peine inférieure, parfois moindre 183 00:11:40,680 --> 00:11:43,930 au regard des faits, voire carrément dispenser la personne 184 00:11:44,130 --> 00:11:44,890 de peine. 185 00:11:45,400 --> 00:11:48,220 Cette liberté concerne le prononcé de la peine par la juridiction 186 00:11:48,420 --> 00:11:51,520 de jugement donc lors de la condamnation, mais également 187 00:11:52,150 --> 00:11:55,840 l'exécution des peines puisque les juridictions d'application 188 00:11:56,040 --> 00:11:59,290 des peines, le JAP, pourront, enfin ces juridictions pourront 189 00:11:59,490 --> 00:12:05,750 par la suite aménager cette sanction, au point finalement que se creuse 190 00:12:05,950 --> 00:12:10,730 considérablement l'écart entre la peine encourue ab initio et 191 00:12:10,930 --> 00:12:13,280 donc au regard du texte, dans une conception très légaliste, 192 00:12:13,730 --> 00:12:16,570 la peine prononcée par le juge au stade de la condamnation, 193 00:12:16,770 --> 00:12:20,300 donc lorsque la décision est rendue, et puis la peine finalement exécutée. 194 00:12:22,010 --> 00:12:24,440 Voilà donc ce sont des éléments ici qui permettent déjà d'esquisser 195 00:12:24,640 --> 00:12:26,930 une forme de déclin du principe de la légalité. 196 00:12:27,470 --> 00:12:30,050 Quelle est ensuite, après, la signification de ce principe ? 197 00:12:30,250 --> 00:12:31,010 Quelle est sa portée ? 198 00:12:31,610 --> 00:12:33,980 Alors sa portée, disons un mot d'abord sur la valeur même de ce 199 00:12:34,180 --> 00:12:34,940 principe. 200 00:12:35,140 --> 00:12:35,900 A. 201 00:12:36,590 --> 00:12:41,270 Le principe de légalité avait déjà émergé dans le cadre de la philosophie 202 00:12:41,470 --> 00:12:48,030 des Lumières, donc, qui effectivement, l'avait développé. 203 00:12:48,230 --> 00:12:50,180 On retrouvait aussi un des éléments relatifs à l'individualisation 204 00:12:50,380 --> 00:12:54,140 de la peine, mais il est véritablement consacré avec la Révolution de 205 00:12:54,340 --> 00:12:59,720 1789 et la Déclaration des droits de l'homme qui sera consacrée. 206 00:13:00,260 --> 00:13:04,160 Je vous cite en effet l'article 5 de la DDH : "Tout ce qui n'est 207 00:13:04,360 --> 00:13:08,870 pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être 208 00:13:09,070 --> 00:13:14,000 contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas."  Article 7 : "Nul homme ne 209 00:13:14,200 --> 00:13:17,960 peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par 210 00:13:18,160 --> 00:13:21,980 la loi et selon les formes qu'elle a prescrites."  Article 8 : 211 00:13:22,180 --> 00:13:25,310 "Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée 212 00:13:25,510 --> 00:13:28,070 antérieurement au délit et légalement appliquée", ce qui renvoie ici 213 00:13:28,270 --> 00:13:29,030 à la non-rétroactivité. 214 00:13:29,950 --> 00:13:34,700 Et voilà donc articles 5, 7 et 8 qu'il faut avoir en tête ici, 215 00:13:35,090 --> 00:13:38,330 le socle même de ce principe de légalité. 216 00:13:39,290 --> 00:13:43,190 Et donc ces articles de la DDH, et le principe est consacré par 217 00:13:43,390 --> 00:13:46,820 le Code napoléonien de 1810, et désormais par le Code pénal 218 00:13:47,020 --> 00:13:52,460 à travers l'article 111-3, je cite 111-3 : "Nul ne peut être 219 00:13:52,660 --> 00:13:55,250 puni pour un crime ou un délit dont les éléments ne sont pas définis 220 00:13:55,450 --> 00:13:58,640 par la loi ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis 221 00:13:58,840 --> 00:14:02,480 par le règlement." Parce que la matière contraventionnelle relève 222 00:14:02,810 --> 00:14:04,430 du règlement, du pouvoir exécutif. 223 00:14:04,970 --> 00:14:07,820 Et puis, je continue : "Nul ne peut être puni d'une peine 224 00:14:08,020 --> 00:14:10,550 qui n'est pas prévue par la loi si l'infraction est un crime ou 225 00:14:10,750 --> 00:14:14,480 un délit, ou par le règlement si l'infraction est une contravention."  226 00:14:15,740 --> 00:14:19,400 Ce principe est également évoqué par la Déclaration universelle 227 00:14:19,600 --> 00:14:21,980 des droits de l'homme de 1948, signée par l'ONU. 228 00:14:22,460 --> 00:14:28,010 Ce sont les articles 11-2 et 22-2, par l'article 7 de la Convention 229 00:14:28,210 --> 00:14:29,930 européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés 230 00:14:30,130 --> 00:14:34,610 fondamentales également, l'article 15 du Pacte de New York 231 00:14:34,810 --> 00:14:39,170 relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, 232 00:14:39,370 --> 00:14:42,440 et puis ce principe est également consacré par la Charte des droits 233 00:14:42,640 --> 00:14:46,370 fondamentaux de l'Union européenne que j'évoquais, signée à Nice en 2000, 234 00:14:46,570 --> 00:14:47,720 et c'est l'article 49. 235 00:14:48,200 --> 00:14:50,150 Donc ce qu'il faut avoir à l'esprit, eh bien est que finalement, 236 00:14:50,350 --> 00:14:54,740 ce principe a valeur désormais législative, constitutionnelle 237 00:14:54,940 --> 00:14:56,060 et internationale. 238 00:14:57,470 --> 00:15:01,580 Et par ailleurs, il faut souligner que l'article 111-4 du Code pénal 239 00:15:01,850 --> 00:15:05,150 dispose, je rappelle que la loi dispose, la loi ne stipule pas, 240 00:15:06,020 --> 00:15:10,250 l'article 111-4 dispose que, je cite, "la loi pénale est 241 00:15:10,450 --> 00:15:13,460 d'interprétation stricte", ce qui contribue donc à déterminer 242 00:15:13,660 --> 00:15:17,210 la portée exacte du principe de légalité, et de son côté, 243 00:15:17,450 --> 00:15:21,290 l'article 112-1 prévoit, je cite : "Sont seuls punissables 244 00:15:21,490 --> 00:15:25,070 les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été 245 00:15:25,370 --> 00:15:30,290 commis." Donc le Code consacre ainsi le principe de non-rétroactivité 246 00:15:30,490 --> 00:15:33,470 de la répression qui est le corollaire de la légalité. 247 00:15:33,670 --> 00:15:37,870 Alors, cela étant, ce principe est aujourd'hui parfois critiqué 248 00:15:38,070 --> 00:15:40,100 et souffre de tempérament, c'est l'objet du grand B : 249 00:15:40,300 --> 00:15:41,060 tempérament. 250 00:15:42,830 --> 00:15:46,340 Alors ce principe fait aujourd'hui l'objet de critiques, 251 00:15:47,090 --> 00:15:50,900 sous prétexte notamment qu'il serait difficilement compatible avec certaines 252 00:15:51,100 --> 00:15:56,600 données de la science criminologique moderne, c'est-à-dire que certains 253 00:15:56,800 --> 00:16:01,850 estiment que quelques personnes sont dangereuses avant même de 254 00:16:02,050 --> 00:16:05,450 commettre une infraction et qu'il serait alors opportun de prendre 255 00:16:05,650 --> 00:16:09,230 immédiatement une mesure à leur encontre sans attendre la commission 256 00:16:09,430 --> 00:16:10,190 d'une infraction. 257 00:16:10,460 --> 00:16:13,130 Donc une mesure de sûreté, si vous voulez, plutôt qu'une peine, 258 00:16:13,760 --> 00:16:17,420 toute la difficulté et la critique étant de savoir ce que l'on entend 259 00:16:17,620 --> 00:16:20,660 par dangerosité, qui n'est pas une notion juridique, 260 00:16:20,860 --> 00:16:24,950 mais un état de fait soumis à l'appréciation des experts, 261 00:16:25,150 --> 00:16:28,400 voilà, dangerosité qui est une notion criminologique à l'origine, 262 00:16:28,600 --> 00:16:33,470 mais qui est aujourd'hui le fondement de différentes mesures qui figurent 263 00:16:33,670 --> 00:16:35,270 dans le Code pénal. 264 00:16:37,190 --> 00:16:42,130 Donc ce Code de procédure pénale, ce principe fait aussi par ailleurs 265 00:16:42,330 --> 00:16:45,530 donc l'objet de tempérament, outre les critiques que je viens 266 00:16:45,730 --> 00:16:46,490 d'évoquer. 267 00:16:47,810 --> 00:16:54,800 En effet, autant jadis la peine visait à intimider le délinquant, 268 00:16:55,400 --> 00:17:00,740 autant aujourd'hui, la peine aspire davantage, ou en tout cas, 269 00:17:00,940 --> 00:17:04,420 les pouvoirs publics aspirent davantage à ce que la peine serve à garantir 270 00:17:04,620 --> 00:17:07,120 la réinsertion sociale de l'individu. 271 00:17:07,320 --> 00:17:10,600 Donc la peine peut être ainsi réduite en fonction de l'attitude du délinquant 272 00:17:10,800 --> 00:17:14,850 ou au contraire, le traitement peut être prolongé si nécessaire. 273 00:17:15,050 --> 00:17:19,570 L'exécution de la peine peut être adoucie, donc c'est l'idée, 274 00:17:19,770 --> 00:17:22,180 là encore, enfin c'est la question qu'il faut se poser de la fonction 275 00:17:22,380 --> 00:17:27,580 de la peine, notamment, bien sûr, la fonction et l'influence, 276 00:17:27,780 --> 00:17:31,750 les impacts de la privation de liberté, est-ce qu'il existe d'autres 277 00:17:32,380 --> 00:17:34,090 alternatives à l'incarcération ? 278 00:17:34,290 --> 00:17:37,870 J'entends dans les hypothèses où l'emprisonnement ou la réclusion 279 00:17:38,560 --> 00:17:41,290 criminelle sont prévus, est-ce que la prison est la réponse 280 00:17:41,490 --> 00:17:42,250 à tout ? 281 00:17:42,450 --> 00:17:45,340 Est-ce que la privation de liberté dans des conditions indignes, 282 00:17:45,540 --> 00:17:48,070 puisque nous avons été condamnés plusieurs fois par la Cour européenne 283 00:17:48,270 --> 00:17:50,140 des droits de l'homme, est une solution ? 284 00:17:50,680 --> 00:17:56,740 Nous savons que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté 285 00:17:56,940 --> 00:18:02,290 dénonce régulièrement les conditions 286 00:18:02,490 --> 00:18:07,420 indignes de détention et notamment à la suite de la crise sanitaire. 287 00:18:09,250 --> 00:18:13,270 C'est d'ailleurs un parallèle assez intéressant qui avait été établi 288 00:18:13,470 --> 00:18:16,870 lors de la crise sanitaire, c'était que cette privation de 289 00:18:17,070 --> 00:18:22,060 liberté qu'ont connue les Français permettait de se rendre compte 290 00:18:22,580 --> 00:18:28,120 donc en 2020, de la restriction 291 00:18:28,320 --> 00:18:32,830 déjà considérable que constitue la "simple", entre guillemets, 292 00:18:33,070 --> 00:18:37,570 privation de liberté dans un contexte qui n'est pas le contexte carcéral. 293 00:18:38,770 --> 00:18:45,280 Donc la question est celle de savoir dans quelle mesure on peut déjà 294 00:18:45,480 --> 00:18:48,280 assurer une privation de liberté qui soit bien sûr digne, 295 00:18:48,490 --> 00:18:50,860 conforme à la dignité des droits de l'homme et conforme à la dignité 296 00:18:51,060 --> 00:18:55,870 humaine, et ce qui n'est en l'état pas le cas quand on connaît la 297 00:18:56,070 --> 00:18:59,170 situation de nos prisons françaises, et puis ensuite, la question de 298 00:18:59,370 --> 00:19:02,670 savoir s'il n'existe pas d'autres alternatives possibles. 299 00:19:02,870 --> 00:19:05,620 Voilà, je vous renvoie là encore à ce que vous étudierez plus tard 300 00:19:05,820 --> 00:19:11,590 en droit de la peine, sur et notamment d'autres solutions 301 00:19:11,790 --> 00:19:14,230 en droit comparé, de prisons ouvertes, par exemple. 302 00:19:14,830 --> 00:19:16,390 En tout cas, il y a matière à réflexion. 303 00:19:16,810 --> 00:19:20,200 Alors et puis par ailleurs, tempérament également, 304 00:19:20,920 --> 00:19:25,330 certaines incriminations sont parfois floues sur la définition même de 305 00:19:25,530 --> 00:19:29,230 l'élément matériel, et ce, au mépris de l'exigence de légalité 306 00:19:29,430 --> 00:19:30,190 matérielle. 307 00:19:31,120 --> 00:19:33,790 Nous étudierons par exemple, en travaux dirigés, la définition 308 00:19:33,990 --> 00:19:37,810 du harcèlement qui était définie par la loi du 17 janvier 2002 comme 309 00:19:38,010 --> 00:19:41,260 le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles, 310 00:19:41,460 --> 00:19:42,540 sans aucune autre précision. 311 00:19:44,230 --> 00:19:47,980 La disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel. 312 00:19:48,180 --> 00:19:50,230 Qu'est-ce qu'un harcèlement ? 313 00:19:50,430 --> 00:19:51,200 C'est le fait de harceler. 314 00:19:51,400 --> 00:19:53,320 On voit que la formule relève de la tautologie. 315 00:19:53,520 --> 00:19:56,320 Donc le législateur a dû intervenir par la suite. 316 00:19:56,830 --> 00:19:59,950 Même chose pour l'inceste, nous étudierons certaines décisions 317 00:20:00,820 --> 00:20:04,420 qui ont conduit le législateur à intervenir et à préciser cette 318 00:20:04,620 --> 00:20:05,380 notion d'inceste. 319 00:20:05,620 --> 00:20:09,130 La question qui se posait et qui a été portée devant le Conseil 320 00:20:09,330 --> 00:20:14,950 constitutionnel était relative, notamment, au point de savoir si 321 00:20:15,430 --> 00:20:17,680 un cousin au sixième degré est un membre de la famille, 322 00:20:17,880 --> 00:20:21,940 parce qu'on évoquait l'inceste donc au regard d'un membre de la 323 00:20:22,140 --> 00:20:22,900 famille. 324 00:20:23,100 --> 00:20:23,860 Qu'est-ce qu'un membre de la famille ? 325 00:20:24,060 --> 00:20:25,270 Un cousin au sixième degré est-il un membre de la famille ? 326 00:20:25,470 --> 00:20:29,110 Donc nous aurons l'occasion de développer en travaux dirigés 327 00:20:29,310 --> 00:20:31,330 différents exemples, différentes manifestations de cette 328 00:20:31,530 --> 00:20:34,960 légalité pénale du contrôle, par ailleurs, qui en est fait par 329 00:20:35,500 --> 00:20:39,010 les juridictions ordinaires, le juge répressif, mais aussi par, 330 00:20:39,210 --> 00:20:43,450 bien sûr, le Conseil constitutionnel, qui offre là de nouvelles perspectives, 331 00:20:43,780 --> 00:20:47,860 je l'avais dit, c'est en matière pénale, alors il est vrai davantage 332 00:20:48,060 --> 00:20:53,170 en procédure, mais aussi en pénal substantiel, que la QPC a connu 333 00:20:53,370 --> 00:20:56,290 le rayonnement, un rayonnement majeur. 334 00:20:57,450 --> 00:21:00,310 Voilà donc j'en ai terminé pour ce point, nous envisagerons donc 335 00:21:00,510 --> 00:21:03,400 dans une prochaine section l'application de la loi.