1 00:00:03,310 --> 00:00:06,130 Bonjour à tous. 2 00:00:06,700 --> 00:00:12,340 Nous avons achevé la dernière fois la responsabilité des personnes 3 00:00:12,540 --> 00:00:16,780 morales et plus largement, la mise en œuvre de la responsabilité 4 00:00:16,980 --> 00:00:19,390 des personnes physiques comme des personnes morales. 5 00:00:19,990 --> 00:00:24,190 Nous envisageons à présent, dans un chapitre 2, les causes 6 00:00:24,430 --> 00:00:30,370 d'irresponsabilité, le côté face finalement, comment peut-on échapper 7 00:00:30,570 --> 00:00:32,260 à la responsabilité pénale ? 8 00:00:33,430 --> 00:00:37,300 D'entrée de jeu, il convient de réaliser une distinction entre 9 00:00:38,050 --> 00:00:40,930 ce qu'on appelle la responsabilité et l'imputabilité. 10 00:00:41,130 --> 00:00:45,910 L'imputabilité, en effet, exige un minimum de conscience 11 00:00:46,360 --> 00:00:48,040 chez l'individu, chez la personne. 12 00:00:48,430 --> 00:00:51,850 On ne peut imputer, par exemple, une infraction à quelqu'un de dément, 13 00:00:52,050 --> 00:00:52,810 à quelqu'un de fou. 14 00:00:53,680 --> 00:00:58,420 Et le Code pénal distingue  ce que l'on appelle  les causes de 15 00:00:58,620 --> 00:01:02,050 non-responsabilité, qui sont des causes dites objectives 16 00:01:02,250 --> 00:01:03,310 d'irresponsabilité. 17 00:01:03,820 --> 00:01:06,490 Ce que l'on appelle également faits justificatifs. 18 00:01:07,060 --> 00:01:11,320 Autrement dit, des causes d'exonération qui tiennent aux circonstances 19 00:01:11,520 --> 00:01:15,340 extérieures aux personnes impliquées dans les faits et dans la réalisation 20 00:01:15,540 --> 00:01:16,300 de l'infraction. 21 00:01:17,440 --> 00:01:20,380 C'est vraiment l'un des premiers pans d'études, ces causes de 22 00:01:20,580 --> 00:01:25,930 non-responsabilité, des causes objectives des faits justificatifs. 23 00:01:26,710 --> 00:01:31,330 Et de l'autre côté, des causes  de non-imputabilité, qui sont cette 24 00:01:31,530 --> 00:01:35,230 fois-ci subjectives, c'est-à-dire attachées à la personne 25 00:01:35,430 --> 00:01:37,720 impliquée, à la personne concernée. 26 00:01:38,200 --> 00:01:41,620 Dans tous les cas, qu'il s'agisse de causes objectives 27 00:01:41,820 --> 00:01:46,540 d'irresponsabilité, donc de faits justificatifs ou de causes subjectives 28 00:01:46,740 --> 00:01:51,100 d'irresponsabilité, l'infraction disparaît, est neutralisée et la 29 00:01:51,300 --> 00:01:54,760 personne sera pénalement déclarée irresponsable. 30 00:01:55,600 --> 00:02:00,400 Vous l'avez compris, cela conduit à distinguer deux temps. 31 00:02:00,600 --> 00:02:04,020 de développement, deux raisonnements. 32 00:02:04,220 --> 00:02:08,730 Dans une première section, nous envisagerons les causes objectives 33 00:02:08,940 --> 00:02:10,590 d'irresponsabilité pénale. 34 00:02:10,920 --> 00:02:13,620 Une deuxième section sera consacrée aux causes de non-imputabilité, 35 00:02:13,820 --> 00:02:17,010 c'est-à-dire les causes subjectives. 36 00:02:18,240 --> 00:02:20,670 Première section : les causes objectives d'irresponsabilité pénale. 37 00:02:21,060 --> 00:02:25,590 Je l'ai dit, on évoque aussi le terme de fait justificatif qui 38 00:02:25,790 --> 00:02:30,060 consiste en des circonstances qui ôtent à l'acte tout caractère 39 00:02:30,660 --> 00:02:31,470 délictueux. 40 00:02:31,670 --> 00:02:34,980 Ce sont des causes ici extérieures à l'agent. 41 00:02:35,180 --> 00:02:37,620 En cela, elles sont dites objectives. 42 00:02:38,130 --> 00:02:42,480 Lorsqu'il existe un fait justificatif, la responsabilité pénale du délinquant 43 00:02:42,680 --> 00:02:46,890 disparaît en conséquence de la non-application du texte de loi 44 00:02:47,400 --> 00:02:51,330 et par suite, de circonstances particulières dans lesquelles l'acte 45 00:02:51,530 --> 00:02:52,290 a été commis. 46 00:02:52,490 --> 00:02:56,040 Circonstances, encore une fois, extérieures à l'agent. 47 00:02:57,540 --> 00:03:02,040 Je mets à part la création prétorienne de faits justificatifs, 48 00:03:02,240 --> 00:03:07,920 c'est-à-dire vraiment des exemples jurisprudentiels témoignant de 49 00:03:08,120 --> 00:03:14,850 la création par la Cour de cassation de faits justificatifs. 50 00:03:15,240 --> 00:03:18,850 Ce que vous étudierez peut-être en vous spécialisant davantage 51 00:03:19,590 --> 00:03:22,530 un peu plus tard au cours de votre cursus universitaire. 52 00:03:24,870 --> 00:03:28,650 On songe par exemple aux faits justificatifs tirés des droits 53 00:03:28,850 --> 00:03:31,890 de la défense qui permettent, dans certaines circonstances, 54 00:03:32,090 --> 00:03:37,830 de justifier le vol de documents par un salarié dans le cadre de 55 00:03:38,030 --> 00:03:40,890 son entreprise en vue de se défendre dans le cadre d'une instance 56 00:03:41,090 --> 00:03:41,850 prud'homale. 57 00:03:42,050 --> 00:03:44,160 Création ici d'un fait justificatif. 58 00:03:44,580 --> 00:03:48,930 On songe encore à la liberté d'expression qui peut parfois 59 00:03:49,130 --> 00:03:55,410 fonctionner comme un fait justificatif de certaines infractions au nom 60 00:03:55,610 --> 00:03:59,850 de la liberté d'expression, au nom du message que l'on veut 61 00:04:00,050 --> 00:04:03,720 exprimer certaines infractions ont pu être parfois justifiées 62 00:04:03,990 --> 00:04:05,160 par la Cour de cassation. 63 00:04:05,910 --> 00:04:10,170 Je mets à part cette création prétorienne pour me concentrer 64 00:04:10,370 --> 00:04:15,810 sur le Code pénal et au demeurant, le Code pénal de 1810 ne prévoyait 65 00:04:16,010 --> 00:04:19,770 que deux faits justificatifs généraux qui s'appliquaient dans toutes 66 00:04:19,970 --> 00:04:22,410 les circonstances et à toutes les catégories d'infractions, 67 00:04:22,610 --> 00:04:25,650 que ce soient les crimes, les délits, les contraventions. 68 00:04:26,460 --> 00:04:29,640 Il s'agissait  de l'ordre de la loi et du commandement de l'autorité 69 00:04:30,450 --> 00:04:31,210 légitime. 70 00:04:31,560 --> 00:04:37,500 C'est l'ancien article 327  de l'ancien Code pénal et il s'agissait 71 00:04:37,700 --> 00:04:41,700 également de la légitime défense prévue à l'article 328 de l'ancien 72 00:04:41,900 --> 00:04:42,720 Code pénal. 73 00:04:43,350 --> 00:04:47,070 Le Code pénal de 1992, quant à lui, retient trois faits 74 00:04:47,270 --> 00:04:48,840 justificatifs généraux. 75 00:04:49,040 --> 00:04:55,170 D'abord, le fait justificatif de l'article 122-4 alinéa 1 résulte 76 00:04:55,370 --> 00:04:58,380 de la prescription, nous allons le voir, ou de l'autorisation de la loi 77 00:04:58,580 --> 00:05:02,220 ou de l'ordre donné par l'autorité légitime. 78 00:05:02,730 --> 00:05:07,130 Le deuxième fait justificatif est imposé par la nécessité de se défendre. 79 00:05:07,330 --> 00:05:10,140 Il est simplement permis par la loi. 80 00:05:10,340 --> 00:05:12,870 C'est ce que nous verrons à travers l'étude de la légitime défense 81 00:05:13,070 --> 00:05:18,060 et nous verrons qu'il en est de même s'agissant de l'état de nécessité. 82 00:05:18,390 --> 00:05:21,750 Et par ailleurs, nous verrons aussi certains cas spéciaux, 83 00:05:23,070 --> 00:05:28,350 notamment s'agissant de la défense par les forces de l'ordre ou encore 84 00:05:28,950 --> 00:05:32,130 s'agissant de la question de savoir si le consentement de la victime 85 00:05:32,400 --> 00:05:36,810 en lui-même constitue ou non un fait justificatif.  86 00:05:37,440 --> 00:05:40,860 Nous envisageons d'abord dans un premier paragraphe, l'ordre de 87 00:05:41,060 --> 00:05:43,950 la loi ou le commandement de l'autorité légitime. 88 00:05:45,450 --> 00:05:50,490 L'ancien Code pénal de 1810 prévoyait qu'il n'y avait ni crime ni délit 89 00:05:50,690 --> 00:05:54,000 lorsque l'homicide, les blessures et les coups étaient ordonnés par 90 00:05:54,200 --> 00:05:56,670 la loi et commandés par l'autorité légitime. 91 00:05:57,480 --> 00:06:02,280 Le Code pénal de 1992 a simplifié et généralisé cette cause de 92 00:06:02,480 --> 00:06:03,240 justification. 93 00:06:03,440 --> 00:06:07,560 L’ordre ou la permission de la loi vaut à lui seul justification. 94 00:06:07,760 --> 00:06:11,220 L’ordre donné par une autorité légitime, quant à lui, 95 00:06:11,420 --> 00:06:15,630 peut fonctionner comme un acte, un fait justificatif si l'acte 96 00:06:15,830 --> 00:06:18,540 sollicité n'est pas manifestement illégal. 97 00:06:18,740 --> 00:06:22,380 Parfois, nous allons le voir, une infraction peut se justifier 98 00:06:22,580 --> 00:06:25,950 simplement par le fait que l'acte est permis par la loi ou par le 99 00:06:26,150 --> 00:06:27,930 commandement d'une autorité légitime. 100 00:06:28,650 --> 00:06:33,440 L'article 122-4 du Code pénal auquel je vous renvoie envisage ces deux cas. 101 00:06:33,640 --> 00:06:37,350 Nous envisageons d'abord dans un premier point, A, l'ordre de la loi, 102 00:06:37,550 --> 00:06:40,920 puis nous verrons le commandement de l'autorité légitime. 103 00:06:42,690 --> 00:06:44,640 A : l'ordre de la loi. 104 00:06:44,970 --> 00:06:49,740 J'envisage ici l'alinéa premier de l'article 122- 4. 105 00:06:50,310 --> 00:06:54,990 Je cite : "N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit 106 00:06:55,190 --> 00:06:59,100 un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou 107 00:06:59,300 --> 00:07:03,130 réglementaires." Par exemple, des médecins qui sont tenus au 108 00:07:03,330 --> 00:07:07,960 secret professionnel en vertu de l'article 226-13 du Code pénal 109 00:07:08,590 --> 00:07:12,220 ne seront pas poursuivis pénalement pour violation de ce secret 110 00:07:12,700 --> 00:07:17,290 professionnel lorsque la loi les oblige à faire des déclarations. 111 00:07:17,710 --> 00:07:21,280 On songe par exemple à l'obligation pour eux de déclarer telle ou telle 112 00:07:21,480 --> 00:07:22,630 maladie contagieuse. 113 00:07:23,620 --> 00:07:27,550 De même, les médecins ne seront pas davantage poursuivis pour violation 114 00:07:27,750 --> 00:07:31,180 du secret professionnel lorsque la loi les autorise à faire ces 115 00:07:31,380 --> 00:07:32,140 déclarations. 116 00:07:32,530 --> 00:07:36,160 On songe par exemple aux faits pour les médecins de révéler des 117 00:07:36,360 --> 00:07:39,730 violences dont seraient victimes des enfants, ou encore au fait 118 00:07:39,930 --> 00:07:43,900 de révéler, avec l'accord de la victime, des sévices laissant à 119 00:07:44,100 --> 00:07:47,530 penser que des violences sexuelles ou au sein du couple sont commises. 120 00:07:47,730 --> 00:07:51,430 Je vise ici l'article 226-14 du Code pénal. 121 00:07:52,540 --> 00:07:54,610 Nous pouvons mobiliser d'autres exemples encore. 122 00:07:57,670 --> 00:08:02,890 Le directeur du Journal officiel, tenu d'insérer une déclaration 123 00:08:03,090 --> 00:08:05,500 d'association, ne se rend pas coupable de diffamation. 124 00:08:06,490 --> 00:08:11,020 C'est un arrêt de la chambre criminelle rendu le 17 février 1981, 125 00:08:11,220 --> 00:08:12,940 bulletin criminel numéro 63. 126 00:08:13,510 --> 00:08:16,720 De même n'est pas coupable le directeur d'un journal tenu d'insérer une 127 00:08:16,920 --> 00:08:21,580 annonce légale, chambre criminelle, 24 janvier 2006, bulletin criminel 128 00:08:21,780 --> 00:08:22,900 numéro 23. 129 00:08:24,580 --> 00:08:28,210 Cet article 122-4 du Code pénal vise non seulement la permission 130 00:08:28,410 --> 00:08:31,930 qui résulte d'un texte légal, mais aussi l'autorisation résultant 131 00:08:32,130 --> 00:08:33,580 de dispositions réglementaires. 132 00:08:34,450 --> 00:08:37,300 La disposition réglementaire en question peut être prise en vertu 133 00:08:37,500 --> 00:08:40,480 d'une loi et ainsi légitimer tout crime ou délit. 134 00:08:41,020 --> 00:08:44,530 Si elle résulte d'un décret, elle ne peut en revanche justifier 135 00:08:44,730 --> 00:08:46,060 qu'un fait contravention. 136 00:08:46,260 --> 00:08:51,460 À relire cet alinéa 1er "N'est pas pénalement responsable la personne 137 00:08:51,660 --> 00:08:54,250 qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions 138 00:08:54,450 --> 00:08:58,510 législatives ou réglementaires" il faut mettre en exergue deux 139 00:08:58,710 --> 00:08:59,470 conséquences. 140 00:08:59,670 --> 00:09:05,350 D'abord, première conséquence, la culpabilité de l'auteur disparaît 141 00:09:05,550 --> 00:09:08,470 dès que son comportement est permis par un texte. 142 00:09:08,980 --> 00:09:11,530 Non plus obligé par le texte, mais simplement permis. 143 00:09:12,040 --> 00:09:16,810 Par exemple, une saisie d'objets qui serait réalisée par les officiers 144 00:09:17,010 --> 00:09:21,220 de police judiciaire ne constitue pas un vol, car le Code de procédure 145 00:09:21,420 --> 00:09:26,680 pénale leur permet, les autorise en effet, d'effectuer des perquisitions 146 00:09:26,980 --> 00:09:27,740 et saisies. 147 00:09:28,120 --> 00:09:31,900 De même, il est possible de participer sous pseudonyme aux échanges 148 00:09:32,230 --> 00:09:32,990 électroniques. 149 00:09:33,190 --> 00:09:35,750 On voit que, et vous le verrez en troisième année dans le cadre 150 00:09:37,030 --> 00:09:41,680 du cours de procédure pénale, la loi autorise ici ces enquêteurs 151 00:09:41,880 --> 00:09:45,880 à réaliser certains actes, sans pour autant  qu'ils ne se 152 00:09:46,080 --> 00:09:47,830 rendent coupables d'infractions. 153 00:09:48,280 --> 00:09:51,910 De même, autre exemple encore, l'individu qui arrête l'auteur 154 00:09:52,360 --> 00:09:56,290 d'un crime flagrant ne se rend pas coupable d'arrestation arbitraire. 155 00:09:56,490 --> 00:09:57,250 Pourquoi ? 156 00:09:57,490 --> 00:09:59,950 Parce que l'article 73 du Code de procédure pénale, 157 00:10:00,150 --> 00:10:04,660 que vous étudierez, l'autorise à conduire la personne au commissariat. 158 00:10:06,310 --> 00:10:09,340 Première conséquence, la culpabilité de l'auteur disparaît 159 00:10:10,660 --> 00:10:12,760 dès que son comportement est permis par un texte. 160 00:10:13,150 --> 00:10:15,580 Et deuxième conséquence, cet ordre ou cette permission de 161 00:10:15,780 --> 00:10:19,630 la loi n'est valable que s'il s'agit bien d'un texte de loi ou d'un 162 00:10:19,830 --> 00:10:20,920 texte réglementaire. 163 00:10:21,120 --> 00:10:24,610 Loi au sens formel ici pour renvoyer aux distinctions que nous avons 164 00:10:24,810 --> 00:10:26,410 abordées au début de ce cours. 165 00:10:27,040 --> 00:10:31,810 Et la question se pose dans ce cadre de savoir si la coutume peut 166 00:10:32,010 --> 00:10:35,740 être envisagée sous cet angle et s'il faut l'assimiler à la loi. 167 00:10:36,400 --> 00:10:41,050 La jurisprudence, notamment, a pu justifier, au nom de la coutume, 168 00:10:41,590 --> 00:10:45,220 les fessées et corrections imposées par les parents, ce qui n'est plus 169 00:10:45,420 --> 00:10:48,100 valable aujourd'hui, à leurs enfants ou encore par les 170 00:10:48,300 --> 00:10:49,810 instituteurs à leurs élèves. 171 00:10:50,470 --> 00:10:54,820 De même, la jurisprudence justifie, au nom de l'autorisation de la coutume, 172 00:10:55,150 --> 00:10:59,620 les blessures résultant de la pratique de sports tels que la boxe, 173 00:10:59,820 --> 00:11:03,340 tel encore que le rugby dès lors que cette pratique est conforme 174 00:11:03,540 --> 00:11:04,300 aux règles du jeu. 175 00:11:05,530 --> 00:11:07,660 De manière générale, on considère qu'une simple coutume 176 00:11:07,860 --> 00:11:11,140 ne peut être invoquée par la personne, sauf si la loi y fait référence. 177 00:11:11,340 --> 00:11:14,740 Comme c'est le cas par exemple pour la tauromachie, la corrida 178 00:11:15,220 --> 00:11:18,820 qui peut justifier, nous l'avions vu, certains actes de cruauté envers 179 00:11:19,020 --> 00:11:19,780 les animaux. 180 00:11:21,220 --> 00:11:26,320 S'agissant ensuite, B, du commandement de l'autorité légitime, 181 00:11:26,830 --> 00:11:33,130 je vise cette fois l'alinéa 2 de l'article 122-4 du Code pénal : 182 00:11:33,520 --> 00:11:36,670 "N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte 183 00:11:36,870 --> 00:11:41,500 commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement 184 00:11:41,700 --> 00:11:45,820 illégal." Se pose la question avant tout de savoir ce qu'est une autorité 185 00:11:46,020 --> 00:11:48,660 légitime, ce que l'on entend par ce terme. 186 00:11:48,860 --> 00:11:52,090 Faut-il l'entendre notamment assez largement ? 187 00:11:52,660 --> 00:11:55,360 Il ne semble pas que cela soit le cas. 188 00:11:55,560 --> 00:11:58,570 Par exemple, un employeur n'est pas une autorité légitime, 189 00:11:59,170 --> 00:12:00,190 selon la jurisprudence. 190 00:12:00,390 --> 00:12:04,480 En effet, l'autorité légitime ne peut être une autorité privée. 191 00:12:04,680 --> 00:12:09,870 Cela exclut  l'employeur qui détient une autorité sur son salarié. 192 00:12:10,070 --> 00:12:15,310 Cela exclut également le parent qui détient une autorité sur son 193 00:12:15,510 --> 00:12:16,270 enfant. 194 00:12:16,470 --> 00:12:19,600 Bien plus, il doit s'agir d'une autorité publique, civilo-militaire, 195 00:12:20,320 --> 00:12:22,960 à condition qu'elle soit légitime. 196 00:12:23,620 --> 00:12:26,380 Sachant par ailleurs que la jurisprudence considère que le 197 00:12:26,580 --> 00:12:30,940 commandement donné par un fonctionnaire de fait doit être considéré comme 198 00:12:31,140 --> 00:12:34,360 émanant d'une autorité légitime, surtout lorsque son autorité est 199 00:12:34,560 --> 00:12:35,830 régulière en apparence. 200 00:12:37,300 --> 00:12:41,230 Dans la mesure où il s'agit d'une injonction adressée à l'agent, 201 00:12:41,430 --> 00:12:44,200 le commandement de l'autorité légitime se rapproche à certains égards 202 00:12:44,650 --> 00:12:47,890 de l'ordre de la loi seulement, et c'est la différence, 203 00:12:48,190 --> 00:12:52,000 l'ordre n'émane pas directement de la loi ici, mais bien d'une 204 00:12:52,200 --> 00:12:55,600 autorité qualifiée, c'est-à-dire publique, civile ou militaire, 205 00:12:56,200 --> 00:12:57,160 et compétente. 206 00:12:58,510 --> 00:13:03,280 Par exemple, évoquons l'hypothèse d'un juge d'instruction qui ordonnerait 207 00:13:03,480 --> 00:13:06,160 la mise en place d'écoutes téléphoniques, d'écoutes judiciaires, 208 00:13:06,360 --> 00:13:12,520 l'enquêteur, l'OPJ qui s'exécute et qui met en place ce dispositif 209 00:13:12,720 --> 00:13:16,270 ainsi autorisé par le juge d'instruction, ne peut être poursuivi 210 00:13:16,470 --> 00:13:19,780 pour atteinte au secret des correspondances, qui est pourtant 211 00:13:19,980 --> 00:13:24,250 une infraction prévue par l'article 226-15 du Code pénal. 212 00:13:24,850 --> 00:13:31,390 En effet, l'OPJ ici a exécuté un 213 00:13:31,590 --> 00:13:34,630 ordre quelque part, un commandement émanant d'une autorité légitime 214 00:13:34,900 --> 00:13:36,580 qu'est le juge d'instruction. 215 00:13:37,270 --> 00:13:39,940 Autre exemple encore, le chef d'établissement pénitentiaire, 216 00:13:40,140 --> 00:13:42,580 qui reçoit un mandat de dépôt du juge d'instruction aux fins de 217 00:13:42,780 --> 00:13:47,500 détention provisoire et qui incarcère un détenu, ne commet pas une 218 00:13:47,700 --> 00:13:48,460 séquestration. 219 00:13:48,660 --> 00:13:50,470 Séquestration qui est pourtant, bien sûr, une infraction pénale. 220 00:13:51,190 --> 00:13:56,950 Le chef d'établissement s'exécute sur la base d'un mandat de dépôt 221 00:13:57,150 --> 00:14:04,690 qui est le titre légal de la détention provisoire qui est délivré par le JLD, 222 00:14:04,890 --> 00:14:07,570 vous le verrez l'année prochaine, saisi lui-même par le juge 223 00:14:07,780 --> 00:14:08,540 d'instruction. 224 00:14:08,740 --> 00:14:13,330 Au-delà de cette première question, la difficulté surgit en réalité 225 00:14:13,530 --> 00:14:16,270 lorsque l'ordre est manifestement illégal. 226 00:14:16,470 --> 00:14:22,210 La doctrine a beaucoup débattu cette question, et notamment sous 227 00:14:22,410 --> 00:14:25,540 l'empire de l'ancien Code pénal, donc du Code pénal de 1810. 228 00:14:25,990 --> 00:14:29,590 La discussion portait sur le point de savoir si le seul commandement 229 00:14:29,790 --> 00:14:33,190 de l'autorité légitime, sans l'ordre de la loi ou contraire 230 00:14:33,390 --> 00:14:37,300 à la loi, un commandement illégal, constituait un fait justificatif. 231 00:14:38,350 --> 00:14:41,560 La loi décidait parfois que l'ordre illégal de l'autorité légitime 232 00:14:41,760 --> 00:14:45,100 ne valait pas fait justificatif, mais excuse absolutoire. 233 00:14:45,300 --> 00:14:49,540 Ainsi, la peine était prononcée contre le supérieur qui avait donné 234 00:14:49,740 --> 00:14:50,500 l'ordre. 235 00:14:50,700 --> 00:14:54,880 Mais cela ne concernait que quelques délits déterminés par les textes 236 00:14:55,080 --> 00:14:57,370 comme les attentats à la liberté individuelle ou encore les abus 237 00:14:57,570 --> 00:14:58,330 d'autorité. 238 00:14:58,530 --> 00:15:02,680 En revanche, s'agissant des autres infractions que celles visées par 239 00:15:02,880 --> 00:15:06,370 ces textes, la question se posait ainsi de savoir si le commandement 240 00:15:06,570 --> 00:15:10,600 illégal constituait à lui seul un fait justificatif. 241 00:15:11,110 --> 00:15:15,130 La difficulté était, je l'ai dit, très débattue en doctrine 242 00:15:15,330 --> 00:15:20,770 et trois orientations ont pu se dégager à travers les réflexions 243 00:15:20,970 --> 00:15:21,730 doctrinales. 244 00:15:22,120 --> 00:15:24,400 Première orientation possible pour certains, l'obéissance, 245 00:15:25,810 --> 00:15:30,040 même à un ordre illégal, était toujours un fait justificatif, 246 00:15:30,240 --> 00:15:34,510 car en toute circonstance, l'inférieur est tenu à l'obéissance 247 00:15:34,710 --> 00:15:39,880 envers son supérieur et doit exécuter ses ordres sans pouvoir apprécier 248 00:15:40,780 --> 00:15:42,760 ses ordres ni bien sûr, les discuter. 249 00:15:43,270 --> 00:15:47,290 Le subordonné pouvait être poursuivi pénalement s'il ne respectait pas, 250 00:15:47,490 --> 00:15:48,800 en revanche, l'ordre reçu. 251 00:15:49,000 --> 00:15:52,390 C'est ce qu'on appelle la thèse de l'obéissance passive. 252 00:15:53,620 --> 00:15:59,760 Dans une deuxième conception possible, à l'inverse, et pour d'autres auteurs, 253 00:16:02,860 --> 00:16:06,910 le subordonné devait apprécier la légalité de l'ordre reçu et 254 00:16:07,110 --> 00:16:11,380 refuser de l'accomplir s'il lui apparaissait manifestement illégal. 255 00:16:11,580 --> 00:16:15,550 Ainsi, l'exécution d'un ordre illégal ne saurait, dans cette conception, 256 00:16:15,750 --> 00:16:16,720 justifier l'acte accompli. 257 00:16:16,990 --> 00:16:20,680 C'est la thèse de l'obéissance raisonnée, dite également des 258 00:16:20,890 --> 00:16:22,840 baïonnettes intelligentes. 259 00:16:23,800 --> 00:16:27,160 Et enfin, troisième dispositif, système possible. 260 00:16:28,120 --> 00:16:32,050 Pour certains plus modérés, il conviendrait de distinguer l'ordre 261 00:16:32,250 --> 00:16:36,550 manifestement illégal auquel on doit désobéir et l'ordre dont 262 00:16:36,750 --> 00:16:42,340 l'illégalité n'est pas évidente qui vaut ici fait justificatif 263 00:16:43,000 --> 00:16:44,440 pour celui qui l'exécute. 264 00:16:45,310 --> 00:16:48,520 Dans cette conception-là, l'illégalité manifeste de l'ordre 265 00:16:48,720 --> 00:16:52,540 empêcherait d'invoquer le fait justificatif, tandis que l'illégalité 266 00:16:52,870 --> 00:16:57,070 non manifeste serait cause de justification. 267 00:16:58,660 --> 00:17:01,120 La jurisprudence s'est prononcée dans le sens de la punition du 268 00:17:01,320 --> 00:17:04,080 fonctionnaire civil ayant exécuté un ordre illégal. 269 00:17:04,280 --> 00:17:08,580 Elle a pu le faire dans un arrêt rendu par la chambre criminelle 270 00:17:08,780 --> 00:17:13,590 le 17 février 1855, tandis que certains textes allaient dans le 271 00:17:13,790 --> 00:17:18,810 sens de la justification du subordonné, sauf acte manifestement illégal. 272 00:17:19,320 --> 00:17:23,880 On songe par exemple au décret du 18 mars 1986 portant code de 273 00:17:24,080 --> 00:17:25,440 déontologie de la police. 274 00:17:26,700 --> 00:17:30,600 Ce troisième système que j'évoquais à l'instant est celui que retiendra 275 00:17:30,840 --> 00:17:37,710 le Code pénal de 1992, prévu à l'article 122-4 alinéa 276 00:17:37,910 --> 00:17:39,780 2 de ce code. 277 00:17:40,170 --> 00:17:45,630 Le fait justificatif ne fonctionnera pas, en effet, si l'illégalité 278 00:17:45,830 --> 00:17:51,570 est grossière, manifeste et pour apprécier cela, les juges doivent 279 00:17:51,770 --> 00:17:55,740 notamment prendre en compte la nature de l'acte, mais aussi la 280 00:17:55,940 --> 00:18:02,280 place de l'exécutant dans la hiérarchie qui peut avoir effectivement une 281 00:18:02,480 --> 00:18:09,930 influence et notamment quant à la capacité du subordonné à apprécier 282 00:18:10,130 --> 00:18:12,810 lui-même l'illégalité, manifestement, de cet acte. 283 00:18:13,380 --> 00:18:16,140 Bien sûr, il reste à déterminer les hypothèses dans lesquelles 284 00:18:16,340 --> 00:18:18,600 cet acte est manifestement illégal. 285 00:18:19,170 --> 00:18:22,050 Tel est le cas, par exemple, s'il s'agit de porter atteinte 286 00:18:22,250 --> 00:18:25,890 à la vie ou à l'intégrité corporelle ou de soumettre une personne à 287 00:18:26,090 --> 00:18:29,340 la torture ou encore à la destruction de biens de manière clandestine 288 00:18:29,540 --> 00:18:32,610 par des moyens dangereux pour les personnes. 289 00:18:33,210 --> 00:18:36,660 Je songe notamment à un arrêt rendu par la Chambre criminelle le 13 290 00:18:36,860 --> 00:18:41,400 octobre 2004 bulletin numéro 243 ou encore tel est le cas, 291 00:18:41,600 --> 00:18:44,160 par exemple, d'écoutes illégales. 292 00:18:45,660 --> 00:18:49,690 Très concrètement, et c'est vrai que c'est du cas par cas, 293 00:18:49,890 --> 00:18:53,820 mais il y a des évidences, on comprend facilement que l'auteur 294 00:18:54,020 --> 00:18:57,390 d'un crime contre l'humanité ou l'auteur d'un crime de guerre ne 295 00:18:57,590 --> 00:19:00,870 peut jamais se réfugier derrière l'ordre reçu pour échapper à sa 296 00:19:01,070 --> 00:19:01,830 responsabilité. 297 00:19:02,880 --> 00:19:06,570 Tout au plus la juridiction peut-elle tenir compte de cette situation 298 00:19:06,770 --> 00:19:08,370 pour déterminer la peine. 299 00:19:08,970 --> 00:19:11,550 Il en est de même s'agissant du militaire qui accepte d'accomplir 300 00:19:11,750 --> 00:19:14,250 des actes contraires à la loi, aux coutumes de guerre et aux 301 00:19:14,450 --> 00:19:15,600 conventions internationales. 302 00:19:15,800 --> 00:19:21,030 Peut-être l'agent pourrait-il dans ces hypothèses, comme d'ailleurs 303 00:19:21,230 --> 00:19:24,600 dans celles plus générales d'exécution d'un ordre illégal insusceptibles 304 00:19:24,800 --> 00:19:28,410 de faire disparaître sa responsabilité pénale et sa responsabilité civile, 305 00:19:30,240 --> 00:19:33,210 invoquer la contrainte morale, qui est une cause de non-imputabilité 306 00:19:34,830 --> 00:19:37,410 que nous verrons plus tard, une cause subjective 307 00:19:37,610 --> 00:19:41,940 d'irresponsabilité, si l'agent parvient à démontrer que sa volonté 308 00:19:42,140 --> 00:19:45,060 a été annihilée par celle de son supérieur. 309 00:19:45,390 --> 00:19:46,890 C'est d'ailleurs ce qui est intéressant, vous le verrez, 310 00:19:47,090 --> 00:19:49,590 dans l'analyse de ces causes d’irresponsabilités objectives 311 00:19:49,790 --> 00:19:53,280 et subjectives, c'est de voir les ponts, les corrélations qu'il est 312 00:19:53,480 --> 00:19:55,170 possible d'établir entre ces différentes causes. 313 00:19:56,640 --> 00:20:00,300 En France, on songe à différentes affaires célèbres. 314 00:20:00,930 --> 00:20:07,830 Par exemple, la Cour de cassation a pu affirmer qu'est responsable 315 00:20:08,070 --> 00:20:11,520 l'officier de police judiciaire qui procède à des écoutes téléphoniques 316 00:20:11,720 --> 00:20:15,330 sur ordre d'un président de la République souhaitant préserver 317 00:20:15,530 --> 00:20:17,850 certains éléments de sa vie privée. 318 00:20:18,050 --> 00:20:20,640 Elle l'a affirmé notamment dans un arrêt du 30 septembre 2008. 319 00:20:21,660 --> 00:20:25,920 On songe notamment à cette affaire des écoutes téléphoniques. 320 00:20:26,910 --> 00:20:31,710 On songe également à l'affaire des paillotes corses qui a donné 321 00:20:31,910 --> 00:20:34,730 lieu à un arrêt du 13 octobre 2004. 322 00:20:34,930 --> 00:20:37,500 Je vous y renvoie. 323 00:20:37,700 --> 00:20:42,630 Notamment dans cette affaire, la Cour a pu considérer qu'un colonel 324 00:20:42,830 --> 00:20:47,040 de gendarmerie devait se douter de l'acte manifestement illégal 325 00:20:47,240 --> 00:20:51,180 de l'ordre donné par le préfet Bonnet de détruire en cachette 326 00:20:51,380 --> 00:20:55,170 une paillote construite illégalement sur le territoire maritime. 327 00:20:56,220 --> 00:20:59,340 Ça donne lieu ici, bien sûr, à des questions pratiques qui, 328 00:21:00,780 --> 00:21:04,420 par la suite, pourraient conduire à vous interroger dans le cadre 329 00:21:04,620 --> 00:21:07,650 de différents examens et concours que vous passerez, mais sous un 330 00:21:07,850 --> 00:21:12,810 angle aussi plus théorique et d'analyse de droit, ça donne lieu aussi à 331 00:21:13,010 --> 00:21:17,850 de belles décisions de la Cour de cassation qui méritent tout 332 00:21:18,050 --> 00:21:19,470 autant analyse. 333 00:21:21,060 --> 00:21:25,560 Nous verrons la prochaine fois un autre fait justificatif, 334 00:21:25,760 --> 00:21:29,310 une autre cause objective d'irresponsabilité qui est la légitime 335 00:21:29,510 --> 00:21:30,270 défense.