1 00:00:05,710 --> 00:00:06,470 Bonjour. 2 00:00:07,750 --> 00:00:11,800 On l'a vu, le principe du consentement à l'impôt est à l'origine de la 3 00:00:12,000 --> 00:00:15,250 matière qui est la nôtre et au cœur encore aujourd'hui de la matière 4 00:00:15,450 --> 00:00:16,210 qui est la nôtre. 5 00:00:16,420 --> 00:00:20,830 Il vient à être précisé par de très nombreuses règles, 6 00:00:21,030 --> 00:00:23,890 et en particulier par un certain nombre de règles qu'on peut qualifier 7 00:00:24,090 --> 00:00:29,430 de classiques, tant elles sont apparues directement dans la foulée 8 00:00:30,070 --> 00:00:33,040 de la consécration en 1789, du principe du consentement à l'impôt. 9 00:00:33,240 --> 00:00:36,310 Voyons brièvement à ce stade, pour les évoquer en introduction, 10 00:00:36,580 --> 00:00:39,130 paragraphe deuxième : les règles classiques, 11 00:00:39,330 --> 00:00:42,450 qualifions-les comme telles, du droit budgétaire. 12 00:00:42,650 --> 00:00:44,350 Le droit budgétaire, de quoi s'agit-il ? 13 00:00:45,670 --> 00:00:49,300 On l'a vu, le consentement à l'impôt, c'est fondamentalement l'idée que 14 00:00:49,500 --> 00:00:52,280 le prélèvement de l'impôt doit être autorisé par ceux qui le payent, 15 00:00:52,480 --> 00:00:53,710 ils doivent y consentir. 16 00:00:54,400 --> 00:00:58,450 Mais évidemment, une fois que l'impôt est levé, la question qui se pose 17 00:00:58,650 --> 00:00:59,740 est de savoir comment le dépenser. 18 00:01:01,630 --> 00:01:05,500 D'un point de vue de légitimation, d'un point de vue politique, 19 00:01:05,700 --> 00:01:07,990 mais aussi juridique, ces deux questions ne sont pas 20 00:01:08,190 --> 00:01:08,950 sans lien. 21 00:01:09,150 --> 00:01:12,400 J'entends par là que c'est toujours plus facile a priori de convaincre 22 00:01:12,600 --> 00:01:15,940 quelqu'un qu'on va lui prendre de l'argent en lui expliquant ce 23 00:01:16,140 --> 00:01:16,900 qu'on va faire de cet argent. 24 00:01:17,710 --> 00:01:21,520 C'est précisément cette idée qui est à l'origine du droit budgétaire. 25 00:01:21,760 --> 00:01:25,930 La notion de budget, on le verra, c'est une notion d'acte 26 00:01:26,170 --> 00:01:29,500 qui vient prévoir et autoriser un certain nombre de recettes, 27 00:01:29,700 --> 00:01:30,610 mais aussi de dépenses. 28 00:01:31,750 --> 00:01:38,860 Cette idée de budget, cette idée qu'il faut planifier 29 00:01:39,060 --> 00:01:41,080 la manière dont l'argent va être levé, mais surtout dépensé, 30 00:01:41,620 --> 00:01:44,740 cette notion était déjà présente historiquement, à travers un certain 31 00:01:44,940 --> 00:01:47,890 nombre de documents qu'on pourrait qualifier de budgétaires avant 32 00:01:48,090 --> 00:01:51,310 même la Révolution française, mais d'une façon qui n'était pas 33 00:01:51,510 --> 00:01:54,730 véritablement codifiée, qui n'était pas imposée par une 34 00:01:54,930 --> 00:01:55,780 règle supérieure. 35 00:01:56,770 --> 00:01:59,560 Il était difficile de parler de droits véritablement, mais plutôt 36 00:01:59,760 --> 00:02:01,960 de pratiques ou de coutumes à certains égards. 37 00:02:03,190 --> 00:02:06,520 C'est dans la foulée du principe du consentement à l'impôt, 38 00:02:06,720 --> 00:02:09,940 que le constituant d'abord, et les législateurs qui se sont 39 00:02:10,140 --> 00:02:16,090 succédé ensuite, ont tenté de mettre en œuvre, de concrétiser cette 40 00:02:16,290 --> 00:02:20,080 idée assez basique, selon laquelle, pour que le consentement à l'impôt 41 00:02:20,280 --> 00:02:23,100 puisse fonctionner, pour que les représentants des contribuables 42 00:02:23,500 --> 00:02:26,560 puissent, de manière éclairée, accepter la levée des impôts, 43 00:02:26,760 --> 00:02:28,650 il fallait leur donner des informations. 44 00:02:28,850 --> 00:02:31,580 Il fallait leur donner une sorte d'engagement sur la façon dont 45 00:02:31,780 --> 00:02:33,880 ensuite l'argent prélevé serait dépensé. 46 00:02:34,540 --> 00:02:40,780 Et c'est la raison pour laquelle, dès le tout début du du 19e siècle, 47 00:02:41,680 --> 00:02:46,120 sont apparues un certain nombre de règles, de principes, 48 00:02:46,480 --> 00:02:49,330 qualifiés de droit budgétaire, puisqu'ils sont relatifs, 49 00:02:49,530 --> 00:02:53,230 je le répète, à la prévision de recettes et de dépenses, 50 00:02:53,430 --> 00:02:55,930 et surtout de dépenses, c'est le point le plus important, 51 00:02:56,680 --> 00:03:01,240 avec la manière dont ont été façonnés un certain nombre de documents, 52 00:03:01,440 --> 00:03:04,450 ce sont ces budgets, un certain nombre de documents 53 00:03:04,780 --> 00:03:09,250 qui devaient être systématiquement élaborés par les gouvernements, 54 00:03:09,640 --> 00:03:13,630 présentés donc aux représentants des contribuables, afin de les 55 00:03:13,830 --> 00:03:18,190 convaincre de l'utilité qu'il y avait à accepter la levée de nouveaux 56 00:03:18,390 --> 00:03:19,150 impôts. 57 00:03:21,010 --> 00:03:24,200 Pour une raison assez assez compréhensible, vous allez le voir, 58 00:03:24,400 --> 00:03:29,320 ce n'est pas directement dans les années qui ont suivi 1789, 59 00:03:29,590 --> 00:03:35,770 mais c'est plutôt sous la Restauration que ces mécanismes budgétaires 60 00:03:35,970 --> 00:03:41,230 ont été affinés, que des règles sont venues expliquer la manière 61 00:03:41,430 --> 00:03:46,570 dont chaque année, les gouvernements successifs devaient présenter leur 62 00:03:46,770 --> 00:03:50,230 demande de création ou de lever des impôts existants, 63 00:03:50,830 --> 00:03:53,080 au regard de la manière dont l'argent serait dépensé. 64 00:03:53,560 --> 00:03:56,740 Sous la Restauration, et en particulier par un texte 65 00:03:57,250 --> 00:04:00,040 qui est une ordonnance, mais qu'on qualifierait aujourd'hui 66 00:04:00,240 --> 00:04:04,900 de loi, du 14 septembre 1822, donc au cœur de la Restauration. 67 00:04:05,100 --> 00:04:06,220 14 septembre 1822. 68 00:04:08,140 --> 00:04:11,470 Cette ordonnance est venue poser tout un tas de mécanismes qu'on 69 00:04:11,670 --> 00:04:16,420 va préciser un petit peu plus tard, qui viennent expliquer la manière 70 00:04:16,620 --> 00:04:20,110 dont ces documents budgétaires devaient être d'abord élaborés 71 00:04:20,310 --> 00:04:23,590 par les gouvernements, présentés ensuite au Parlement, 72 00:04:23,790 --> 00:04:28,900 précisant notamment les différents postes de dépenses, la ventilation 73 00:04:29,800 --> 00:04:33,400 des dépenses qui pourront être réalisées, grâce aux impôts 74 00:04:33,600 --> 00:04:35,200 préalablement levés. 75 00:04:35,710 --> 00:04:38,170 Pourquoi est-ce que c'est Louis XVIII, sous la Restauration, 76 00:04:38,560 --> 00:04:40,330 qui a cru utile de préciser cela ? 77 00:04:41,320 --> 00:04:46,330 Je crois utile de citer une formule d'un ancien membre de la Cour des 78 00:04:46,530 --> 00:04:48,280 comptes, Jacques Magnet, qui, je crois, résume très bien 79 00:04:48,480 --> 00:04:49,240 les choses. 80 00:04:49,510 --> 00:04:51,730 Il dit la chose suivante : "L'administration royale", 81 00:04:51,930 --> 00:04:55,660 donc sous la Restauration en 1822, "sachant bien que la crise financière 82 00:04:55,860 --> 00:04:58,780 de l'Ancien Régime avait été la cause immédiate de sa dissolution", 83 00:04:59,440 --> 00:05:05,630 et du destin de Louis XVI, "s'astreignait elle-même à des 84 00:05:05,830 --> 00:05:08,150 règles strictes posées par de nombreuses ordonnances, 85 00:05:08,480 --> 00:05:12,500 dont celle du 14 septembre 1822 n'est que la plus célèbre." Pour 86 00:05:12,700 --> 00:05:16,130 dire les choses un peu différemment, et on est au cœur de cette logique 87 00:05:16,330 --> 00:05:17,390 de légitimation… 88 00:05:19,130 --> 00:05:22,100 Un roi a perdu sa tête, pour le dire un peu simplement 89 00:05:22,370 --> 00:05:27,230 sur la manière dont il n'est pas parvenu, à la différence de Jean 90 00:05:27,430 --> 00:05:31,730 sans Terre, à convaincre du fait que des impôts devaient être levés. 91 00:05:32,690 --> 00:05:35,930 Et c'est ce qui a conduit donc aux épisodes révolutionnaires et 92 00:05:36,130 --> 00:05:39,560 à la mise en place par les révolutionnaires de ces mécanismes 93 00:05:39,760 --> 00:05:44,360 nouveaux, juridiquement fondés désormais de consentement à l'impôt, 94 00:05:44,560 --> 00:05:46,940 et donc les prolongements qu'on a vus la dernière fois, 95 00:05:47,140 --> 00:05:51,350 avec l'annualité notamment de ce consentement qui doit être donné 96 00:05:51,550 --> 00:05:52,310 tous les ans. 97 00:05:52,510 --> 00:05:58,520 Mais la précision de tout cela, avec l'idée de renforcer ce principe 98 00:05:58,720 --> 00:06:04,490 du consentement, de rendre encore plus évidente cette légitimation 99 00:06:04,760 --> 00:06:08,630 par des règles de procédure, c'est donc Louis XVIII qui, 100 00:06:08,840 --> 00:06:17,660 peut-être craignant de perdre à son tour sa tête, a souhaité multiplier 101 00:06:17,870 --> 00:06:21,950 ces mécanismes qui pouvaient l'aider, lui et ses successeurs, 102 00:06:22,150 --> 00:06:25,640 les gouvernements qui lui succéderaient, à convaincre les 103 00:06:25,840 --> 00:06:27,890 représentants du peuple, les parlements, qu'il était 104 00:06:28,090 --> 00:06:29,630 effectivement pertinent de lever les impôts. 105 00:06:29,830 --> 00:06:32,930 Car en effet, tout cela servirait à telle ou telle dépense, 106 00:06:33,130 --> 00:06:34,790 à couvrir telle ou telle politique publique, dirait-on aujourd'hui, 107 00:06:35,840 --> 00:06:39,800 et donc à légitimer, je le répète, la levée de l'impôt. 108 00:06:41,600 --> 00:06:46,670 Je ne sais pas si c'est peut-être allé au-delà de la familiarité 109 00:06:46,870 --> 00:06:50,420 que de rappeler que ce sont les chats échaudé qui craignent l'eau 110 00:06:50,620 --> 00:06:55,620 froide, mais il y a bien cette idée de la conscience de la fragilité 111 00:06:57,170 --> 00:07:03,770 d'un gouvernement, qui peut conduire celui-ci à essayer de multiplier 112 00:07:04,010 --> 00:07:09,140 les mécanismes pour tenter de convaincre du caractère bon, 113 00:07:09,470 --> 00:07:12,200 de ce qu'il fait juste, de ce qu'il fait légitime donc. 114 00:07:14,300 --> 00:07:17,240 Voilà pour ces mécanismes, très brièvement décrits à ce stade, 115 00:07:17,440 --> 00:07:19,460 sur lesquels on reviendra bien sûr, c'est juste pour poser un cadre 116 00:07:19,660 --> 00:07:20,420 intellectuel. 117 00:07:20,620 --> 00:07:23,510 Je rappelle que j'insiste sur cela à ce stade d'introduction. 118 00:07:23,710 --> 00:07:26,720 Mais, on l'a vu jusqu'à présent, des mécanismes essentiellement 119 00:07:26,920 --> 00:07:30,320 procéduraux, puisqu'il s'agit de recueillir un consentement, 120 00:07:30,520 --> 00:07:34,940 et donc c'est une manière de faire, c'est un processus purement procédural, 121 00:07:35,540 --> 00:07:38,630 sur la levée des impôts et avec des techniques qu'on va préciser, 122 00:07:39,440 --> 00:07:42,620 relatives à l'élaboration de ces documents budgétaires. 123 00:07:43,880 --> 00:07:44,660 Ça n'a pas changé. 124 00:07:44,860 --> 00:07:48,410 Aujourd'hui, ces mécanismes fonctionnent à peu près de la même 125 00:07:48,610 --> 00:07:51,170 manière qu'en 1822, à très peu de choses près. 126 00:07:53,120 --> 00:07:54,620 C'est pratiquement similaire. 127 00:07:55,640 --> 00:07:58,490 Cette logique processuelle, tous les ans, le Parlement, 128 00:07:58,690 --> 00:07:59,930 on le verra, vote une loi de finances. 129 00:08:00,130 --> 00:08:02,480 Tous les ans, le conseil d'administration de l'Université 130 00:08:02,680 --> 00:08:06,680 Panthéon-Assas vote un budget, avec les représentants des différentes 131 00:08:06,880 --> 00:08:07,640 parties prenantes. 132 00:08:08,030 --> 00:08:10,300 Et c'est vrai pour l'ensemble des administrations publiques, 133 00:08:10,500 --> 00:08:11,930 le conseil municipal pour la commune, etc. 134 00:08:13,220 --> 00:08:16,160 Donc une incarnation, une traduction des principes que 135 00:08:16,360 --> 00:08:19,160 l'on vient de voir, à l'échelle de l'État ou à l'échelle des autres 136 00:08:19,360 --> 00:08:20,120 administrations publiques. 137 00:08:20,320 --> 00:08:23,240 Mais ce n'est pas tout, et c'est le deuxième point qu'il 138 00:08:23,440 --> 00:08:26,580 faut voir maintenant, une sorte de nouveauté finalement, 139 00:08:26,870 --> 00:08:32,360 avec la montée en puissance d'un certain nombre de mécanismes juridiques 140 00:08:32,560 --> 00:08:35,270 également, vous allez voir, mais qui visent à légitimer d'une 141 00:08:35,470 --> 00:08:41,120 manière plus substantielle la levée de l'impôt, et la gestion de l'argent 142 00:08:41,320 --> 00:08:42,080 public. 143 00:08:42,280 --> 00:08:44,570 Les deux choses allant bien sûr ensemble, on vient de le comprendre. 144 00:08:45,230 --> 00:08:48,740 Pour légitimer la levée de l'impôt, il y a souvent à expliquer la manière 145 00:08:48,940 --> 00:08:50,120 dont l'impôt sera ensuite dépensé. 146 00:08:50,660 --> 00:08:53,540 Comment cette légitimation substantielle de la gestion publique 147 00:08:54,290 --> 00:08:55,070 apparaît aujourd'hui ? 148 00:08:55,310 --> 00:08:56,750 Voyons cela dans une deuxième section. 149 00:08:58,490 --> 00:09:04,130 Il se trouve que dès 1789, l'idée que pour légitimer la levée 150 00:09:04,330 --> 00:09:08,030 de l'impôt des principes substantiels pouvait être posée, cette idée 151 00:09:08,330 --> 00:09:13,070 était présente à travers un article que nous verrons très en détail, 152 00:09:13,270 --> 00:09:15,920 mais plutôt l'année prochaine, c'est l'article 13 de la Déclaration 153 00:09:16,120 --> 00:09:16,880 des droits de l'homme et du citoyen. 154 00:09:17,080 --> 00:09:17,840 Pourquoi ? 155 00:09:18,040 --> 00:09:22,460 Parce que l'article 13 de la Déclaration pose le principe, 156 00:09:22,660 --> 00:09:25,100 que je cite, selon lequel, "Pour l'entretien de la force publique 157 00:09:25,400 --> 00:09:27,830 et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est 158 00:09:28,030 --> 00:09:30,710 indispensable." C'est le principe de la nécessité de l'impôt. 159 00:09:30,910 --> 00:09:32,900 Il est nécessaire qu'un impôt soit prélevé. 160 00:09:33,100 --> 00:09:35,870 À l'époque, disait-on, essentiellement pour financer les 161 00:09:36,070 --> 00:09:36,950 dépenses d'administration. 162 00:09:37,150 --> 00:09:39,680 Aujourd'hui, évidemment, l'impôt a bien d'autres fonctions, 163 00:09:39,880 --> 00:09:40,640 nous le verrons. 164 00:09:40,840 --> 00:09:44,690 "Mais — c'est ce point qui m'intéresse plus encore —, elle doit être également 165 00:09:44,890 --> 00:09:48,320 répartie, cette contribution publique, cet impôt, entre tous les citoyens 166 00:09:48,620 --> 00:09:55,070 en raison de leur faculté." C'est aujourd'hui le principe le plus 167 00:09:55,270 --> 00:09:58,100 sollicité devant le Conseil constitutionnel par les requérants, 168 00:09:58,300 --> 00:10:00,660 notamment à la faveur de questions prioritaires de constitutionnalité. 169 00:10:00,930 --> 00:10:03,930 C'est le principe qu'on qualifie aujourd'hui d'égalité devant l'impôt, 170 00:10:04,130 --> 00:10:06,120 d'égalité devant les charges publiques pour être plus précis. 171 00:10:06,600 --> 00:10:09,090 Ce principe d'égalité devant les charges publiques, celui sur lequel 172 00:10:09,290 --> 00:10:13,590 l'ensemble des citoyens doivent payer en fonction de leur capacité, 173 00:10:13,830 --> 00:10:18,270 en fonction de leurs facultés, disait-on à l'époque — capacité 174 00:10:18,470 --> 00:10:21,930 contributive, dirait-on aujourd'hui —, est un principe absolument fondateur 175 00:10:22,130 --> 00:10:24,090 qui, vous le comprenez, vise à légitimer l'impôt. 176 00:10:24,510 --> 00:10:28,740 L'impôt sera prélevé au prorata de la richesse des uns et des autres, 177 00:10:28,940 --> 00:10:31,500 pourrait-on dire de manière peu simplificatrice. 178 00:10:32,040 --> 00:10:33,390 Ça sert à légitimer l'impôt. 179 00:10:33,630 --> 00:10:35,700 Ce principe est posé dès 1789. 180 00:10:35,900 --> 00:10:39,090 C'est un principe de fond et ça n'est pas un principe de procédure. 181 00:10:39,540 --> 00:10:42,570 Sauf qu'à la vérité, c'est essentiellement un principe 182 00:10:42,960 --> 00:10:47,610 fiscal, au sens où il s'agit de la manière de façonner l'impôt, 183 00:10:47,970 --> 00:10:51,090 de le répartir, et donc ce sont des problématiques relativement 184 00:10:51,290 --> 00:10:56,520 techniques qui sont derrière cette affirmation, cet article 13 de la DDHC. 185 00:10:56,850 --> 00:10:58,930 Et c'est ce qu'on verra dans le détail l'année prochaine. 186 00:10:59,130 --> 00:11:02,160 Je vous donne d'ores et déjà rendez-vous au deuxième semestre 187 00:11:02,360 --> 00:11:05,490 de la troisième année de licence pour envisager, dans le cadre d'un 188 00:11:05,690 --> 00:11:08,550 enseignement de droit fiscal, que j'aurais le plaisir d'assurer 189 00:11:08,750 --> 00:11:11,760 également, si je suis toujours en vie l'année prochaine. 190 00:11:13,500 --> 00:11:15,870 C'est là qu'on verra dans le détail ce principe et la manière dont 191 00:11:16,070 --> 00:11:18,690 il se traduit techniquement aujourd'hui dans la manière dont, 192 00:11:18,990 --> 00:11:22,230 au quotidien, l'impôt est levé, façonné, contrôlé notamment par 193 00:11:22,430 --> 00:11:23,190 le conseil constitutionnel. 194 00:11:23,670 --> 00:11:25,440 Principe essentiellement de techniques fiscales. 195 00:11:26,100 --> 00:11:30,270 Je vous renvoie à l'année prochaine, même si il est a priori au cœur 196 00:11:30,470 --> 00:11:33,750 des préoccupations de droit des finances publiques. 197 00:11:33,960 --> 00:11:39,930 Mais c'est donc plus du droit fiscal que du droit budgétaire ou financier. 198 00:11:40,130 --> 00:11:42,780 Au-delà de cet article 13, plus récemment donc, 199 00:11:44,010 --> 00:11:46,170 de nouveaux principes, ce sont ceux qui vont nous intéresser 200 00:11:46,370 --> 00:11:52,080 cette année, se sont développés pour accompagner, pour renforcer 201 00:11:52,280 --> 00:11:54,660 la logique de légitimation qu'on a vue jusqu'à présent. 202 00:11:55,350 --> 00:11:56,110 Pour deux raisons. 203 00:11:57,570 --> 00:12:02,700 La première, c'est d'abord le poids de ce que l'on qualifie aujourd'hui 204 00:12:02,900 --> 00:12:04,080 de prélèvements obligatoires. 205 00:12:04,280 --> 00:12:06,150 Je le dis tout de suite, cette expression de prélèvements 206 00:12:06,350 --> 00:12:10,740 obligatoires inclut d'une part les impôts, mais également un certain 207 00:12:10,940 --> 00:12:13,110 nombre de cotisations de sécurité sociale. 208 00:12:14,010 --> 00:12:16,620 Nous les verrons dans le détail, ces différentes expressions. 209 00:12:16,820 --> 00:12:21,600 Bref, les statistiques sont extrêmement claires. 210 00:12:22,200 --> 00:12:26,370 Elles sont à peu près similaires pour l'ensemble des pays développés, 211 00:12:27,690 --> 00:12:32,100 montrant comment, sur le long terme et depuis la Première Guerre mondiale, 212 00:12:32,300 --> 00:12:36,060 pratiquement, l'ensemble des États du monde, avec quelques fluctuations, 213 00:12:36,630 --> 00:12:41,100 ont eu tendance à accroître le montant des sommes prélevées, 214 00:12:41,300 --> 00:12:42,510 des prélèvements obligatoires, des impôts principalement, 215 00:12:43,050 --> 00:12:46,020 des cotisations de sécurité sociale, tout simplement pour financer plus 216 00:12:46,220 --> 00:12:48,150 de politiques publiques, plus de redistribution. 217 00:12:48,840 --> 00:12:51,690 C'est tout particulièrement vrai en France qui, vous le savez, 218 00:12:51,890 --> 00:12:55,410 est un des pays du monde, et le pays de l'OCDE parmi les 219 00:12:55,610 --> 00:12:59,430 pays développés, celui avec le Danemark, qui prélève le plus d'impôts 220 00:12:59,630 --> 00:13:03,240 et de cotisations sociales lorsque l'on rapporte cela à la richesse 221 00:13:03,440 --> 00:13:04,260 nationale, au PIB. 222 00:13:04,560 --> 00:13:07,410 Encore une expression et une notion que nous verrons en détail. 223 00:13:07,860 --> 00:13:13,350 En France, il se trouve que, historiquement et culturellement, 224 00:13:14,280 --> 00:13:17,790 nous sommes parmi les pays qui prélèvent le plus d'impôt, 225 00:13:18,270 --> 00:13:19,200 de prélèvements obligatoires. 226 00:13:19,530 --> 00:13:23,970 Avec un risque, c'est celui qu'on a pu qualifier il y a quelque temps 227 00:13:24,170 --> 00:13:24,930 de "ras-le-bol fiscal". 228 00:13:25,620 --> 00:13:30,030 Ce sentiment partagé par plus ou moins de contribuables, 229 00:13:30,240 --> 00:13:33,720 que l'impôt devient insupportable, que la pression fiscale devient 230 00:13:33,920 --> 00:13:38,040 trop importante, avec des risques d'insurrection peut-être pas 231 00:13:38,240 --> 00:13:41,880 équivalents à ceux qu'on a connus en 1789, par exemple en France, 232 00:13:42,080 --> 00:13:43,590 ou en 1215 en Angleterre. 233 00:13:45,240 --> 00:13:49,490 Mais la révolte, mouvement des Gilets jaunes il y a quelques années, 234 00:13:49,690 --> 00:13:52,950 et on a connu des choses équivalentes dans les années précédentes d'ailleurs, 235 00:13:53,460 --> 00:13:55,170 avec les Bonnets rouges, vous vous en souvenez peut-être, 236 00:13:55,380 --> 00:13:59,280 en Bretagne, à la suite de la hausse d'un certain nombre de taxes sur 237 00:13:59,480 --> 00:14:00,450 les carburants notamment. 238 00:14:00,650 --> 00:14:05,130 Bref, ces mouvements de gronde, liés plus ou moins directement, 239 00:14:05,330 --> 00:14:08,820 mais souvent de manière assez directe à l'augmentation d'un certain nombre 240 00:14:09,020 --> 00:14:11,190 d'impôts, sont toujours possibles. 241 00:14:11,520 --> 00:14:15,450 Et là encore, même si ça ne se traduit pas par des insurrections 242 00:14:15,650 --> 00:14:18,990 armées, cela peut se traduire par des mouvements tout de même de 243 00:14:19,190 --> 00:14:21,690 résistance, même physiques, des manifestations et au-delà, 244 00:14:21,890 --> 00:14:24,570 comme avec le mouvement des Gilets jaunes ou, tout simplement à des 245 00:14:24,770 --> 00:14:26,010 mouvements de rejet politique. 246 00:14:26,790 --> 00:14:30,420 Et chaque gouvernement, un certain nombre de présidents 247 00:14:30,620 --> 00:14:35,940 de la République savent qu'ils ont parfois pas mal à perdre sur 248 00:14:38,940 --> 00:14:42,050 leur incapacité à justifier leur politique fiscale. 249 00:14:42,250 --> 00:14:45,960 Ça n'est jamais absolument tout ce qui fait une élection, 250 00:14:46,160 --> 00:14:49,230 mais il suffit de suivre les débats électoraux depuis un certain nombre 251 00:14:49,430 --> 00:14:52,140 d'années pour se rendre compte de la place qu'a pris la discussion 252 00:14:52,340 --> 00:14:53,100 fiscale. 253 00:14:53,300 --> 00:14:58,890 Donc, il y a évidemment un risque d'autant plus grand de mécontenter 254 00:14:59,090 --> 00:15:01,610 les contribuables que les impôts augmentent. 255 00:15:03,410 --> 00:15:07,280 Premier élément : face, de fait, à cette augmentation du 256 00:15:07,480 --> 00:15:12,680 niveau de la pression fiscale, de nouvelles armes pour tenter 257 00:15:12,880 --> 00:15:17,570 de convaincre ceux qui paient ces impôts, la nécessité de déployer 258 00:15:17,770 --> 00:15:19,700 de nouvelles armes s'est faite sentir de manière très évidente 259 00:15:19,900 --> 00:15:20,750 en France, mais pas seulement. 260 00:15:21,590 --> 00:15:22,350 On le verra. 261 00:15:23,750 --> 00:15:28,100 Et le deuxième facteur explicatif de ces nouvelles règles de légitimation 262 00:15:28,300 --> 00:15:34,670 substantielles tient à la hausse du niveau d'endettement, 263 00:15:35,240 --> 00:15:38,390 du niveau d'endettement de la plupart des États développés. 264 00:15:38,590 --> 00:15:41,090 Et c'est tout particulièrement le cas de la France qui, 265 00:15:41,290 --> 00:15:44,330 là aussi, n'a pas de record pour la peine en la matière, 266 00:15:44,530 --> 00:15:47,930 est plutôt dans la moyenne européenne, un peu au-delà, mais d'une manière 267 00:15:48,130 --> 00:15:50,810 qui n'est pas tout à fait délirante a priori. 268 00:15:51,080 --> 00:15:54,950 Mais la France, comme beaucoup d'États donc, a eu tendance — depuis, 269 00:15:55,150 --> 00:16:00,410 on va le voir, près de 50 ans —, a chaque année dépensé un peu plus 270 00:16:00,610 --> 00:16:05,480 que ce que les recettes courantes permettraient normalement de faire. 271 00:16:05,680 --> 00:16:08,780 C'est-à-dire que chaque année, la France, depuis 1975, 272 00:16:10,910 --> 00:16:17,240 a dû emprunter pour couvrir les dépenses que l'État prévoyait de 273 00:16:17,440 --> 00:16:18,200 réaliser. 274 00:16:18,400 --> 00:16:21,060 On va voir ce phénomène tout à fait dans le détail, 275 00:16:21,260 --> 00:16:22,130 il est essentiel. 276 00:16:22,370 --> 00:16:24,950 Mais ce phénomène qu'on qualifie d'abord de déficit. 277 00:16:25,160 --> 00:16:27,680 Chaque année, le déficit, c'est une différence entre deux flux, 278 00:16:27,980 --> 00:16:30,710 les flux entrants, d'impôts essentiellement, les flux sortants, 279 00:16:30,910 --> 00:16:31,730 l'ensemble des dépenses publiques. 280 00:16:32,000 --> 00:16:34,040 Et à partir du moment où vous dépensez plus que vous ne gagnez, 281 00:16:34,640 --> 00:16:36,740 il faut compenser évidemment la différence. 282 00:16:36,940 --> 00:16:37,700 Et qu'est-ce que vous faites ? 283 00:16:37,900 --> 00:16:38,870 Vous allez emprunter de l'argent. 284 00:16:39,110 --> 00:16:43,130 On le verra, la manière dont l'État emprunte de l'argent sur les marchés 285 00:16:43,330 --> 00:16:46,280 financiers, en émettant des titres de dette, ça s'appelle les obligations. 286 00:16:46,480 --> 00:16:47,960 Bref, nous verrons le détail de tout cela. 287 00:16:48,290 --> 00:16:53,870 Mais en tout cas, il y a des successions de déficits annuels qui, 288 00:16:54,070 --> 00:16:56,810 évidemment, créent une accumulation de dettes. 289 00:16:58,010 --> 00:17:00,860 La dette, ce n'est pas une différence entre des flux, c'est un stock. 290 00:17:01,060 --> 00:17:05,540 C'est l'ensemble de ce qu'on doit à un moment donné, à l'ensemble 291 00:17:05,740 --> 00:17:06,500 des tiers. 292 00:17:07,280 --> 00:17:11,300 Ce phénomène de dette est apparu très important au point — et c'est 293 00:17:11,500 --> 00:17:16,010 ça l'élément, à ce stade, important —, de créer éventuellement 294 00:17:16,210 --> 00:17:20,000 un certain risque, notamment un risque de défaut, c'est-à-dire 295 00:17:20,960 --> 00:17:24,470 un risque à un moment donné, pour un État, de ne plus être capable 296 00:17:24,980 --> 00:17:25,880 de faire face à ses dettes. 297 00:17:26,600 --> 00:17:29,630 Parce qu'il y a un moment où il faut payer des intérêts, 298 00:17:29,830 --> 00:17:34,640 il faut rembourser le capital de ces différents éléments de dette. 299 00:17:35,360 --> 00:17:38,450 Concrètement — et ça s'est rencontré de manière tout à fait évidente, 300 00:17:39,560 --> 00:17:41,780 un certain nombre d'États, la Grèce notamment, mais d'autres 301 00:17:41,980 --> 00:17:44,630 États pourraient en témoigner —, le risque de défaut, 302 00:17:45,080 --> 00:17:47,090 on parlerait de faillite pour une entreprise, on parle de défaut 303 00:17:47,290 --> 00:17:49,520 pour un État, donc d'incapacité à faire face à ses dettes, 304 00:17:49,720 --> 00:17:52,070 peut à un moment se poser véritablement. 305 00:17:52,760 --> 00:17:56,600 C'est la deuxième raison pour laquelle de nouveaux mécanismes permettant 306 00:17:56,930 --> 00:18:00,200 d'accompagner et de faciliter, de légitimer la levée des impôts, 307 00:18:00,400 --> 00:18:01,820 se sont développés. 308 00:18:02,020 --> 00:18:06,440 Concrètement, et nous verrons successivement comment ces mécanismes 309 00:18:06,640 --> 00:18:11,900 d'abord se sont traduits par le 310 00:18:12,100 --> 00:18:16,520 renouvellement des objectifs poursuivis par la gestion de l'argent public 311 00:18:17,390 --> 00:18:22,220 et avec l'apparition de nouvelles règles pesant sur l'ensemble des 312 00:18:22,420 --> 00:18:28,190 administrations, et la manière, parallèlement, à un cadre juridique. 313 00:18:28,460 --> 00:18:31,160 Ce sont des points assez techniques, mais tout à fait fondamentaux. 314 00:18:31,400 --> 00:18:34,940 Un nouveau cadre juridique se développe depuis plusieurs années en France, 315 00:18:35,140 --> 00:18:36,140 comme dans beaucoup de pays du monde. 316 00:18:36,410 --> 00:18:38,450 Nous le verrons ensuite.