1 00:00:05,100 --> 00:00:10,740 Nous avons vu que le droit de l'Union 2 00:00:10,940 --> 00:00:13,680 européenne comportait des sources différentes, originaires, 3 00:00:14,100 --> 00:00:22,470 dérivées, avec des répartitions traditionnelles, puis une nouvelle 4 00:00:22,670 --> 00:00:24,840 distinction ajoutée par le traité de Lisbonne. 5 00:00:25,980 --> 00:00:30,660 Il nous faut dire quelques mots maintenant, B, du statut de ces 6 00:00:30,860 --> 00:00:32,820 sources du droit européen. 7 00:00:33,020 --> 00:00:33,780 B. 8 00:00:35,220 --> 00:00:41,160 Le statut des sources du droit européen, la primauté et l'effet 9 00:00:41,360 --> 00:00:42,120 direct. 10 00:00:44,560 --> 00:00:48,130 La question de la primauté et de l'effet direct se pose à la fois 11 00:00:48,670 --> 00:00:52,120 devant le juge européen, qui donne une réponse générale 12 00:00:52,320 --> 00:00:55,330 pour tous les États membres, et puis devant les juges nationaux 13 00:00:55,530 --> 00:00:58,720 qui adoptent leurs propres techniques, leurs propres solutions. 14 00:01:00,310 --> 00:01:05,880 On est ici dans la présentation de l'ordre européen et donc, 15 00:01:06,080 --> 00:01:09,550 on regarde quel est le statut de ces sources, du point de vue du 16 00:01:09,750 --> 00:01:13,030 droit européen, le point de vue du juge européen. 17 00:01:14,920 --> 00:01:18,430 Le juge européen a reconnu progressivement, dans certaines 18 00:01:18,630 --> 00:01:23,470 conditions et avec certaines limites, l'effet direct du droit européen, 19 00:01:23,920 --> 00:01:25,660 il a admis également sa primauté. 20 00:01:25,860 --> 00:01:27,940 D'abord, un mot, 1,  sur l'effet  direct, 21 00:01:29,290 --> 00:01:32,980 pour noter qu'il peut y avoir quelque chose de paradoxal, dans la doctrine 22 00:01:33,180 --> 00:01:33,940 de l'effet direct. 23 00:01:34,140 --> 00:01:34,900 Pourquoi ? 24 00:01:36,400 --> 00:01:41,980 Parce que d'abord, l'État promet quelque chose vis-à-vis des autres 25 00:01:42,180 --> 00:01:46,090 États européens, dans un traité ou en votant pour un règlement, 26 00:01:46,290 --> 00:01:47,050 une directive. 27 00:01:47,440 --> 00:01:51,280 Et puis il considérerait, qu'après avoir donné sa parole, 28 00:01:52,300 --> 00:01:56,890 le juge national n'est pas obligé de la tenir, parce qu'il ne l'a 29 00:01:57,090 --> 00:02:01,480 pas donnée aux particuliers, il l'a donnée seulement aux autres 30 00:02:01,680 --> 00:02:02,440 États. 31 00:02:02,980 --> 00:02:06,190 Donc il y a quelque chose de paradoxal, à première vue, dans la doctrine 32 00:02:06,700 --> 00:02:07,460 de l'effet direct. 33 00:02:07,870 --> 00:02:11,170 Mais il peut y avoir aussi des explications, à la doctrine de 34 00:02:11,370 --> 00:02:12,130 l'effet direct.  35 00:02:12,610 --> 00:02:17,440 On peut considérer qu'on s'est entendus pour modifier sa loi, 36 00:02:17,770 --> 00:02:21,760 mais au sens où on attendait que le législateur modifie la loi. 37 00:02:22,120 --> 00:02:26,290 Et le juge ne peut pas se substituer, au titre de la séparation des pouvoirs, 38 00:02:26,490 --> 00:02:27,250 au législateur. 39 00:02:27,450 --> 00:02:33,550 Il faut attendre que le législateur exerce son office, pour que le 40 00:02:33,750 --> 00:02:37,150 juge puisse à son tour,  éventuellement, exercer le sien. 41 00:02:39,050 --> 00:02:43,670 Donc il y a une part sans doute d'artifice, de la doctrine de l'effet 42 00:02:43,870 --> 00:02:45,440 direct, et une part de réalité. 43 00:02:46,220 --> 00:02:51,020 Le juge européen trace une ligne, qui est une ligne très favorable 44 00:02:51,320 --> 00:02:54,350 à l'effet direct du droit européen. 45 00:02:54,980 --> 00:02:59,000 Le principe a été posé à l'endroit du droit originaire : 46 00:02:59,200 --> 00:03:03,650 les traités fondateurs, par le très grand arrêt van Gend 47 00:03:03,850 --> 00:03:06,860 en Loos, un des grands arrêts fondateurs du droit européen, 48 00:03:17,540 --> 00:03:19,670 du 5 février 1963. 49 00:03:20,150 --> 00:03:24,770 Dans cette affaire, le juge européen, la Cour de justice des communautés, 50 00:03:24,970 --> 00:03:30,770 dit que "le droit communautaire, de même qu'il crée des charges 51 00:03:31,040 --> 00:03:37,130 dans le chef des particuliers, est aussi destiné à engendrer des 52 00:03:37,330 --> 00:03:42,080 droits qui entrent dans leur patrimoine juridique". 53 00:03:42,890 --> 00:03:45,770 Alors la référence au patrimoine juridique est peut-être un peu obscure, 54 00:03:46,010 --> 00:03:50,360 mais le sens est clair : il appartient au juge national 55 00:03:50,560 --> 00:03:54,950 d'appliquer le traité sans attendre des lois de transposition, 56 00:03:55,820 --> 00:04:00,230 le traité a créé directement des droits pour les particuliers. 57 00:04:00,530 --> 00:04:05,930 Et cette jurisprudence s'est appliquée à l'essentiel des grandes garanties 58 00:04:06,130 --> 00:04:06,890 du droit européen. 59 00:04:07,130 --> 00:04:10,580 Les grandes garanties du droit européen sont d'effet direct, 60 00:04:11,000 --> 00:04:14,500 il n'y a pas besoin ni de lois nationales, ni d'ailleurs de directives 61 00:04:14,700 --> 00:04:18,770 et de règlements : les traités doivent être appliqués tels quels. 62 00:04:18,970 --> 00:04:24,110 Il en va ainsi pour la suppression 63 00:04:24,310 --> 00:04:27,380 des droits de douane et des restrictions quantitatives entre 64 00:04:27,580 --> 00:04:30,740 les États membres, la circulation des marchandises, des personnes, 65 00:04:32,210 --> 00:04:36,320 les règles relatives à la concurrence, l'interdiction des ententes : 66 00:04:36,770 --> 00:04:41,150 les éléments essentiels du droit originaires sont d'effet direct. 67 00:04:43,850 --> 00:04:46,790 Pour le droit dérivé, il faut distinguer. 68 00:04:47,180 --> 00:04:52,190 La question ne se pose pas pour les règlements, je l'ai dit, 69 00:04:52,520 --> 00:04:59,870 l'article 288 prévoit lui-même que "le règlement obligatoire dans 70 00:05:00,070 --> 00:05:04,730 tous ses éléments est directement applicable dans tout État membre". 71 00:05:05,990 --> 00:05:11,390 La publicité suffit, les juridictions doivent l'appliquer, 72 00:05:11,720 --> 00:05:15,460 ils doivent lui faire produire des effets en droit interne, 73 00:05:15,660 --> 00:05:19,900 ils doivent l'appliquer aux litiges entre particuliers, sans besoin 74 00:05:20,620 --> 00:05:24,100 d'acte de transposition. 75 00:05:24,300 --> 00:05:30,490 "Il produit", dit la Cour, "des effets immédiats et aptes 76 00:05:30,690 --> 00:05:35,380 à conférer aux particuliers des droits, que les juridictions nationales 77 00:05:35,740 --> 00:05:43,380 ont l'obligation de protéger", c'est l'arrêt Politi du 14 décembre 78 00:05:43,580 --> 00:05:44,470 1971. 79 00:05:48,730 --> 00:05:53,290 Le règlement, c'est clair, pour la décision, c'est moins clair. 80 00:05:53,490 --> 00:05:57,850 D'un côté, elle s'adresse au destinataire, mais de l'autre, 81 00:05:58,050 --> 00:06:00,790 on l'a vu, elle est obligatoire à tous ses éléments. 82 00:06:01,480 --> 00:06:08,410 L'interprétation du juge européen est l'introduction d'une distinction 83 00:06:08,610 --> 00:06:11,290 très importante aussi pour les directives, entre l'effet horizontal 84 00:06:12,760 --> 00:06:15,400 et l'effet vertical de la décision. 85 00:06:15,910 --> 00:06:16,690 Ça veut dire quoi ? 86 00:06:16,960 --> 00:06:22,330 Ça veut dire que si la décision s'adresse aux États, 87 00:06:22,530 --> 00:06:27,610 à un, plusieurs, tous les États visés individuellement, mais qu'elle 88 00:06:27,810 --> 00:06:32,860 comporte des obligations, pour l'État, de se comporter d'une 89 00:06:33,060 --> 00:06:38,050 certaine façon au profit des particuliers, alors les particuliers 90 00:06:38,290 --> 00:06:46,060 doivent pouvoir invoquer directement la décision à l'encontre de l'État 91 00:06:46,420 --> 00:06:49,870 destinataire, devant le juge national. 92 00:06:50,920 --> 00:06:51,700 Effet vertical, pourquoi ? 93 00:06:52,060 --> 00:06:55,090 Parce que c'est le particulier contre l'État, dans cette relation 94 00:06:55,290 --> 00:06:58,420 verticale, qu'on doit pouvoir invoquer la décision. 95 00:07:00,310 --> 00:07:05,770 Si un particulier est bénéficiaire de la décision, même si elle est 96 00:07:05,970 --> 00:07:11,920 adressée à l'État, il doit pouvoir en obtenir l'application  devant 97 00:07:12,190 --> 00:07:19,210 le juge national, voyez l'arrêt Franz Grad du 6 octobre 1970. 98 00:07:19,780 --> 00:07:22,030 Mais attention ! 99 00:07:22,230 --> 00:07:24,610 Ça ne concerne que les relations verticales : État/administré. 100 00:07:26,590 --> 00:07:34,210 En revanche, un particulier ne peut pas utiliser la décision contre 101 00:07:34,410 --> 00:07:36,100 un autre particulier. 102 00:07:36,940 --> 00:07:45,700 La décision adressée à l'État crée des obligations pour l'État. 103 00:07:46,240 --> 00:07:49,930 Un particulier peut en bénéficier contre l'État, mais non pas contre 104 00:07:50,170 --> 00:07:54,250 un autre particulier, qui n'est pas destinataire de la 105 00:07:54,450 --> 00:07:57,700 décision, qui n'est donc pas lié par la décision, voyez, 106 00:07:58,300 --> 00:08:02,860 par exemple, l'affaire Hansa Fleisch de 1992. 107 00:08:03,220 --> 00:08:07,960 On trouve là un concept qui est essentiel pour les directives. 108 00:08:09,130 --> 00:08:13,880 On l'a dit, les directives fixent un objectif et laissent au choix 109 00:08:14,080 --> 00:08:15,520 les moyens pour l'atteindre. 110 00:08:15,970 --> 00:08:19,480 Mais très tôt, "les directives ont été rédigées de façon très 111 00:08:19,680 --> 00:08:24,640 précises, claires, inconditionnelles", a dit le juge, de façon à ce que 112 00:08:24,970 --> 00:08:34,450 elles puissent être appliquées sans besoin d'acte de transposition. 113 00:08:34,870 --> 00:08:40,600 On trouve là le concept qui est le concept à l'origine de l'affaire 114 00:08:40,800 --> 00:08:41,560 van Gend en Loos. 115 00:08:42,400 --> 00:08:45,460 Si dans l'affaire van Gend en Loos, on a considéré que les dispositions 116 00:08:45,660 --> 00:08:48,670 du traité étaient directement applicables pour les particuliers, 117 00:08:48,910 --> 00:08:52,150 c'est parce qu'elles étaient claires, précises, inconditionnelles et 118 00:08:52,350 --> 00:08:55,960 il n'y avait pas besoin d'un acte de transposition, pour qu'elles 119 00:08:56,160 --> 00:08:58,350 produisent leur effet devant le juge. 120 00:08:58,550 --> 00:09:04,930 "Il y a des directives", observe le juge, "qui sont rédigées 121 00:09:05,830 --> 00:09:06,610 de la même façon". 122 00:09:07,000 --> 00:09:14,110 Et alors, face à ces directives, leur effet direct peut éventuellement 123 00:09:14,380 --> 00:09:19,660 être reconnu, voyez l'affaire van 124 00:09:19,860 --> 00:09:26,830 Duyn de 1974, mais à condition que les délais de transposition 125 00:09:27,370 --> 00:09:36,970 soient écoulés, voyez l'affaire Tullio Ratti du 5 avril 1979. 126 00:09:39,560 --> 00:09:44,210 Ce que montre et précise l'affaire Ratti est aussi un autre élément 127 00:09:44,410 --> 00:09:48,590 essentiel : c'est que si la directive est claire, précise et 128 00:09:48,790 --> 00:09:54,650 inconditionnelle, si elle ne nécessite pas un acte complémentaire pour 129 00:09:54,850 --> 00:09:57,320 être appliquée, si elle peut être appliquée telle quelle, 130 00:09:57,710 --> 00:10:03,800 elle doit l'être dans les relations entre le particulier et l'État. 131 00:10:04,400 --> 00:10:07,970 C'est l'effet direct vertical des directives. 132 00:10:08,330 --> 00:10:12,050 C'est dans ces relations, qui sont des relations verticales 133 00:10:12,250 --> 00:10:14,810 au sens où ce sont des relations d'assujettissement : l'État au-dessus 134 00:10:15,680 --> 00:10:21,650 et le sujet assujetti à l'État, dans cette situation verticale, 135 00:10:21,920 --> 00:10:25,850 le particulier doit pouvoir invoquer la directive contre l'État. 136 00:10:28,070 --> 00:10:32,230 La jurisprudence est allée loin, mais pas jusqu'à l'effet vertical. 137 00:10:32,840 --> 00:10:35,390 Elle est allée loin, parce que la question s'est posée 138 00:10:37,130 --> 00:10:42,770 des relations entre des particuliers et des entités, comme des entreprises 139 00:10:42,970 --> 00:10:49,940 publiques, des établissements contrôlés par l'État, mais qui ont des activités 140 00:10:50,140 --> 00:10:50,900 économiques. 141 00:10:51,100 --> 00:10:55,460 Est-ce que, dans ce type de situation, on est dans une relation verticale 142 00:10:55,700 --> 00:10:57,410 ou dans une relation horizontale ? 143 00:10:57,610 --> 00:11:04,910 Et le juge est allé assez loin, du moins parce qu'il considère 144 00:11:05,110 --> 00:11:09,860 qu'on peut parfois voir le souverain : l'État, et donc la verticalité 145 00:11:10,060 --> 00:11:13,070 derrière ce qui paraît être une activité économique, 146 00:11:13,400 --> 00:11:15,920 mais contrôlée par l'État. 147 00:11:16,190 --> 00:11:24,770 C'est l'arrêt Foster du 12 juillet 1990, dans lequel le juge a considéré 148 00:11:24,970 --> 00:11:29,780 que "un organisme qui, quelle que soit son forme juridique", 149 00:11:29,980 --> 00:11:35,210 même une entreprise, "a été chargé, en vertu d'un acte 150 00:11:35,410 --> 00:11:40,100 de l'autorité publique, d'accomplir, sous le contrôle de 151 00:11:40,300 --> 00:11:44,020 cette dernière", l'autorité publique, "un service d'intérêt public et 152 00:11:44,220 --> 00:11:49,250 qui dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport 153 00:11:49,550 --> 00:11:53,120 aux règles applicables dans les relations entre particuliers, 154 00:11:55,190 --> 00:12:00,650 doit appliquer les directives comme l'État, la directive doit lui être 155 00:12:00,950 --> 00:12:02,750 directement applicable". 156 00:12:02,990 --> 00:12:04,910 Donc elle va être directement applicable à l'État, 157 00:12:05,120 --> 00:12:10,430 aux collectivités locales, au démembrement de l'administration 158 00:12:10,670 --> 00:12:17,090 non pourvue de la personnalité morale, à l'administration fiscale, 159 00:12:17,290 --> 00:12:26,150 bien entendu ; mais aussi à ces organismes à qui on a conféré une 160 00:12:26,350 --> 00:12:31,160 mission d'intérêt général et des prérogatives pour l'exécuter, 161 00:12:31,360 --> 00:12:35,810 alors même qu'ils paraîtraient avoir une fonction davantage 162 00:12:36,200 --> 00:12:36,960 économique. 163 00:12:37,160 --> 00:12:41,870 Alors il importe de bien comprendre : ce dont on parle, c'est l'effet 164 00:12:42,070 --> 00:12:46,670 vertical qui, du point de vue du droit européen est, depuis l'origine, 165 00:12:47,450 --> 00:12:48,950 un effet vertical "de substitution". 166 00:12:49,150 --> 00:12:53,390 C'est-à-dire que ça ne concerne pas les actes généraux, 167 00:12:53,600 --> 00:12:58,160 ça concerne tous les actes, même individuels : il faut appliquer 168 00:12:58,360 --> 00:13:00,860 le droit européen à la place du droit national. 169 00:13:01,970 --> 00:13:07,460 Et donc ce qui est un arrêt assez tardif, comme l'arrêt Perreux du 170 00:13:07,660 --> 00:13:12,440 Conseil d'État en 2009, c'était dans la jurisprudence depuis 171 00:13:12,640 --> 00:13:13,400 l'origine. 172 00:13:13,730 --> 00:13:18,560 Depuis l'origine, l'effet direct vertical du droit européen est 173 00:13:18,760 --> 00:13:19,970 un effet de substitution. 174 00:13:20,170 --> 00:13:23,960 À partir de ce moment-là, une relation verticale, 175 00:13:24,160 --> 00:13:28,760 si c'est clair, précis et inconditionnel, on l'applique à 176 00:13:28,960 --> 00:13:32,090 la place du droit interne : on ne distingue pas acte réglementaire 177 00:13:32,450 --> 00:13:33,320 et acte individuel. 178 00:13:34,370 --> 00:13:40,940 Mais là s'arrête l'effet direct de la directive : elle ne va pas 179 00:13:41,210 --> 00:13:46,310 jusqu'à l'effet direct horizontal, c'est-à-dire que les particuliers 180 00:13:48,320 --> 00:13:52,070 n'ont pas à subir une directive, si elle n'a pas été transposée. 181 00:13:52,270 --> 00:13:57,120 C'était à l'État de la transposer, l'État il doit en répondre, 182 00:13:57,320 --> 00:14:02,190 il est lié dans les relations verticales, mais le juge national 183 00:14:02,390 --> 00:14:06,560 n'a pas l'obligation d'appliquer entre particuliers une directive, 184 00:14:06,860 --> 00:14:09,770 que l'État n'aurait pas transposée. 185 00:14:09,970 --> 00:14:14,180 L'effet direct  horizontal n'est pas reconnu comme une obligation 186 00:14:14,380 --> 00:14:16,970 du juge national par le juge européen. 187 00:14:17,450 --> 00:14:23,630 Il est allé loin vers cet effet direct horizontal, mais il ne l'a 188 00:14:23,840 --> 00:14:24,920 jamais admis. 189 00:14:25,130 --> 00:14:31,130 Le principe est toujours le principe de l'arrêt Marshall du 26 février 1986. 190 00:14:31,330 --> 00:14:34,850 L'effet direct des directives est vertical et pas horizontal, 191 00:14:35,150 --> 00:14:37,070 dans les rapports entre particuliers. 192 00:14:39,040 --> 00:14:46,630 En revanche, le juge national reste un organe de l'État et en tant que tel, 193 00:14:46,870 --> 00:14:54,190 il reste lié par l'obligation d'essayer d'interpréter le droit national, 194 00:14:54,460 --> 00:14:59,320 de façon à éviter, dans toutes les hypothèses, les contrariétés 195 00:14:59,680 --> 00:15:00,970 avec la directive. 196 00:15:01,360 --> 00:15:06,640 Du coup, effet direct ou pas, vertical ou horizontal, 197 00:15:06,840 --> 00:15:10,630 le juge national doit toujours essayer d'interpréter le droit 198 00:15:10,830 --> 00:15:14,440 national en conformité avec la directive : c'est le principe de 199 00:15:14,640 --> 00:15:20,460 l'interprétation conforme, voyez l'arrêt Marleasing du 13 200 00:15:20,660 --> 00:15:22,300 novembre 1990. 201 00:15:22,500 --> 00:15:30,040 Et si l'absence de transposition et l'impossibilité de l'effet direct, 202 00:15:30,240 --> 00:15:38,080 notamment horizontal, provoquent un préjudice au particulier, 203 00:15:38,800 --> 00:15:45,880 alors l'État a l'obligation de le compenser, quelle que soit, 204 00:15:46,080 --> 00:15:49,240 d'ailleurs, l'autorité qui est à l'origine de cette difficulté. 205 00:15:50,290 --> 00:15:53,500 Si la directive n'est pas transposée, si on ne peut pas lui reconnaître 206 00:15:53,920 --> 00:15:59,500 l'effet direct, et si un préjudice résulte de cette non  transposition, 207 00:15:59,950 --> 00:16:05,410 alors l'État doit la compenser et le juge national doit condamner 208 00:16:06,190 --> 00:16:07,990 à réparer le préjudice. 209 00:16:08,230 --> 00:16:12,430 C'est le très important arrêt Francovich, que j'ai déjà cité, 210 00:16:12,730 --> 00:16:16,300 du 19 novembre 1991. 211 00:16:17,950 --> 00:16:23,170 Ces règles, élaborées d'abord pour les traités européens, 212 00:16:23,370 --> 00:16:28,540 s'appliquent également aux traités de l'Union européenne et les accords 213 00:16:28,740 --> 00:16:32,620 mixtes, c'est-à-dire les traités auxquels l'Union européenne est partie. 214 00:16:32,890 --> 00:16:36,250 Si les dispositions sont claires, précises et inconditionnelles, 215 00:16:36,820 --> 00:16:41,110 si elles n'appellent pas un acte complémentaire, alors ils doivent 216 00:16:41,310 --> 00:16:48,070 être appliqués directement, voyez l'affaire Bresciani du 5 217 00:16:48,270 --> 00:16:50,110 février 1976. 218 00:16:51,040 --> 00:17:02,290 On pourrait noter, cependant, que le juge européen ne lit pas 219 00:17:02,490 --> 00:17:07,450 de la même façon les accords du GATT et les accords européens. 220 00:17:07,810 --> 00:17:10,720 Il est plus généreux, s'agissant de l'effet direct du 221 00:17:10,920 --> 00:17:16,960 droit européen, que de l'effet direct du GATT, des engagements 222 00:17:17,160 --> 00:17:17,920 extérieurs. 223 00:17:18,160 --> 00:17:21,880 Il voit plus facilement la nature inconditionnelle quand l'accord 224 00:17:22,080 --> 00:17:28,630 est européen, quand c'est les traités fondateurs, par rapport au même accord, 225 00:17:28,830 --> 00:17:35,260 mais conclu avec l'extérieur, si je peux me permettre une opinion 226 00:17:36,040 --> 00:17:36,800 personnelle. 227 00:17:37,390 --> 00:17:40,000 Effet direct, primauté. 228 00:17:41,500 --> 00:17:42,260 2. 229 00:17:42,460 --> 00:17:43,220 La primauté. 230 00:17:43,420 --> 00:17:48,970 On peut noter que la question de la primauté, en droit international, 231 00:17:49,330 --> 00:17:55,270 ne se pose pas au sens où tout simplement, depuis le 19è siècle, 232 00:17:55,660 --> 00:18:01,600 on peut citer l'affaire du navire Montijo en 1875, entre Colombie 233 00:18:01,800 --> 00:18:02,560 et États-Unis. 234 00:18:02,760 --> 00:18:05,290 Depuis le XIXe siècle, il y a une solution claire et simple : 235 00:18:05,590 --> 00:18:10,030 l'État s'engage par le droit international, par un traité, 236 00:18:10,230 --> 00:18:15,820 une coutume, il promet un certain comportement, il doit tenir sa 237 00:18:16,020 --> 00:18:19,030 promesse et il ne peut pas s'abriter derrière son droit national, 238 00:18:19,240 --> 00:18:24,640 même constitutionnel, pour justifier l'inexécution de 239 00:18:24,840 --> 00:18:26,170 ses obligations. 240 00:18:26,370 --> 00:18:30,820 Donc il n'y a pas à distinguer loi, acte administratif, Constitution, 241 00:18:31,990 --> 00:18:34,990 le droit interne, c'est le droit interne, on ne peut pas l'utiliser 242 00:18:35,230 --> 00:18:40,120 pour justifier l'inexécution des engagements internationaux. 243 00:18:40,510 --> 00:18:44,890 C'est la position traditionnelle du droit international et c'est, 244 00:18:45,580 --> 00:18:49,060 avec des nuances, la position du droit européen. 245 00:18:49,260 --> 00:18:55,880 D'abord, c'est la position du droit 246 00:18:56,080 --> 00:18:58,250 européen dans les actions dites "en manquement". 247 00:18:58,670 --> 00:19:02,300 Si on viole le droit européen, si la Commission s'en plaint, 248 00:19:02,630 --> 00:19:07,520 si on va devant le juge européen et qu'un État est accusé d'avoir 249 00:19:07,720 --> 00:19:13,880 méconnu ses obligations européennes, il ne peut pas invoquer utilement 250 00:19:14,210 --> 00:19:18,860 le droit constitutionnel, c'est inopérant. 251 00:19:19,550 --> 00:19:23,630 Ça ne justifiera pas l'inexécution du droit européen, voyez par exemple 252 00:19:23,830 --> 00:19:31,040 l'affaire Commission contre Belgique, du 6 mai 1980. 253 00:19:31,240 --> 00:19:32,920 C'est assez banal, du point de vue du droit européen. 254 00:19:33,440 --> 00:19:38,900 La révolution du droit européen, le changement profond du droit 255 00:19:39,100 --> 00:19:41,180 européen, est purement procédural. 256 00:19:41,380 --> 00:19:45,050 C'est-à-dire qu'au lieu de se limiter à une question de manquement, 257 00:19:45,250 --> 00:19:49,460 de responsabilité, le droit européen, par la voie de la question 258 00:19:49,660 --> 00:19:54,350 préjudicielle, interfère dans l'office du juge national lui-même. 259 00:19:55,040 --> 00:19:58,250 Et il dit au juge national : "Puisque tu ne peux pas t'abriter 260 00:19:59,240 --> 00:20:04,640 derrière ta Constitution, tu dois toi-même éviter la difficulté, 261 00:20:04,940 --> 00:20:08,450 en écartant les lois nationales et les constitutions nationales". 262 00:20:08,930 --> 00:20:12,710 Ce n'est pas la règle qui change, c'est le cadre procédural. 263 00:20:12,910 --> 00:20:16,190 Et ce changement procédural a effectivement quelque chose d'un 264 00:20:16,390 --> 00:20:18,770 peu révolutionnaire, parce que traditionnellement, le droit 265 00:20:18,970 --> 00:20:21,980 international intervient après coup : l'État fait ses choix, 266 00:20:22,700 --> 00:20:27,890 si au nom de la Constitution, il ne tient pas la promesse qu'il 267 00:20:28,090 --> 00:20:30,960 avait exprimée, il viole ses engagements, il répare, 268 00:20:31,780 --> 00:20:32,540 il est  responsable. 269 00:20:33,380 --> 00:20:39,740 Le droit européen, la révolution, c'est donc l'affaire Costa contre Enel, 270 00:20:39,990 --> 00:20:41,630 très grande affaire, grande affaire fondatrice, 271 00:20:42,320 --> 00:20:49,910 Flaminio Costa contre Enel, du 15 juillet 1964, dans lequel 272 00:20:50,210 --> 00:20:58,840 le juge des communautés considère qu'"il appartient au juge national, 273 00:20:59,040 --> 00:21:05,710 même s'il n'en a pas les prérogatives en droit interne, d'écarter les 274 00:21:05,910 --> 00:21:08,680 règles nationales contraires". 275 00:21:11,350 --> 00:21:13,920 Costa contre Enel, c'est le principe général de primauté : 276 00:21:14,120 --> 00:21:19,390 il ne vise pas spécialement la Constitution, mais le concept rend 277 00:21:19,590 --> 00:21:22,840 inévitable son application à la Constitution. 278 00:21:23,040 --> 00:21:28,180 C'est donc sans surprise que le principe de la primauté de Costa 279 00:21:28,380 --> 00:21:32,140 contre Enel est étendu à la Constitution très tôt, 280 00:21:32,440 --> 00:21:39,610 dans l'affaire Internationale Handelsgesellschaft du 17 décembre 281 00:21:39,810 --> 00:21:53,080 1970, qui considère que la primauté 282 00:21:53,280 --> 00:21:57,640 vaut pour tout élément du droit interne, quel qu'il soit, 283 00:21:57,970 --> 00:22:00,190 y compris la Constitution. 284 00:22:00,640 --> 00:22:04,660 Donc à partir de là, pas de doute possible : 285 00:22:04,960 --> 00:22:10,450 il appartient au juge national d'écarter la Constitution et même 286 00:22:10,660 --> 00:22:15,310 si la Constitution ne lui donne pas cet office, ce pouvoir, 287 00:22:15,640 --> 00:22:21,290 voyez l'affaire Simmenthal du 9 mars 1978. 288 00:22:21,490 --> 00:22:27,700 Donc du point de vue du droit européen, 289 00:22:28,450 --> 00:22:32,380 la primauté ne fait pas de doute, elle s'étend à la Constitution, 290 00:22:32,590 --> 00:22:36,940 et c'est une primauté complète, avec ses différentes facettes. 291 00:22:37,540 --> 00:22:44,440 Dans le jargon européen, on la décrit comme ça : 292 00:22:45,700 --> 00:22:52,300 la primauté donne lieu à l'invocabilité de substitution, c'est-à-dire qu'on 293 00:22:52,500 --> 00:22:56,080 va appliquer le droit européen à la place du droit national ; 294 00:22:56,380 --> 00:23:01,600 l'invocabilité d'exclusion : on va écarter les règles nationales, 295 00:23:01,800 --> 00:23:04,990 même constitutionnelles, contraires ; l'invocabilité 296 00:23:05,190 --> 00:23:10,960 d'interprétation : on va essayer d'interpréter le droit interne 297 00:23:11,350 --> 00:23:20,020 de façon à éviter les contrariétés, voyez l'affaire von Colson de 1984, 298 00:23:20,410 --> 00:23:21,970 où Marleasing est déjà citée. 299 00:23:27,990 --> 00:23:31,710 Le droit européen considère que de la primauté, découle également, 300 00:23:31,910 --> 00:23:37,470 on l'a noté, l'invocabilité de réparation, c'est l'affaire Francovich, 301 00:23:38,370 --> 00:23:39,130 déjà citée. 302 00:23:39,330 --> 00:23:44,430 Si on viole le droit européen, c'étaient des directives, 303 00:23:44,630 --> 00:23:50,120 en l'espèce, si on viole le droit européen, si l'État viole le droit 304 00:23:50,370 --> 00:23:54,990 européen, alors il appartient au juge de le condamner à réparer 305 00:23:55,260 --> 00:23:58,890 les conséquences résultant de la violation. 306 00:23:59,250 --> 00:24:04,440 Et la jurisprudence précise que si la méconnaissance du droit européen 307 00:24:05,190 --> 00:24:09,570 résulte de la volonté même du législateur ou d'une loi expresse, 308 00:24:11,020 --> 00:24:16,200 la responsabilité de l'État n'en est pas moins engagée. 309 00:24:16,400 --> 00:24:20,070 Et même si c'est le législateur qui a provoqué la violation du 310 00:24:20,270 --> 00:24:24,210 droit européen, l'État doit en répondre, c'est les deux arrêts, 311 00:24:24,410 --> 00:24:29,880 les affaires jointes jugées le 5 mars 1996, dans les affaires 312 00:24:30,630 --> 00:24:36,480 Brasseries du pêcheur et Factortame. 313 00:24:36,680 --> 00:24:51,300 Alors, la jurisprudence précise 314 00:24:51,500 --> 00:24:57,600 que la responsabilité est engagée aussi pour la non transposition 315 00:24:57,800 --> 00:25:01,650 des directives, elle précise qu'elle est engagée, quel que soit l'élément 316 00:25:02,070 --> 00:25:04,770 du droit interne qui est en cause. 317 00:25:04,970 --> 00:25:09,870 Donc du point de vue du droit européen, nous verrons le point de vue du 318 00:25:10,070 --> 00:25:12,510 droit français plus tard, au titre de l'exécution, 319 00:25:12,710 --> 00:25:16,080 comment le droit français se conforme à tout ça, mais du point de vue 320 00:25:16,280 --> 00:25:20,370 du droit européen, il n'y a pas vraiment de difficulté en termes 321 00:25:21,030 --> 00:25:24,150 de hiérarchie, parce que c'est la vieille solution du droit 322 00:25:24,350 --> 00:25:28,770 international : on ne  justifie pas la violation d'un engagement 323 00:25:29,910 --> 00:25:34,590 extérieur, international, européen ici, par son propre droit, 324 00:25:34,790 --> 00:25:36,120 y compris constitutionnel. 325 00:25:36,600 --> 00:25:39,870 La révolution, le grand changement est procédural. 326 00:25:40,070 --> 00:25:44,220 C'est-à-dire qu'au lieu d'attendre la violation et le contentieux 327 00:25:44,420 --> 00:25:48,150 de la réparation par la voie de la question préjudicielle, 328 00:25:48,450 --> 00:25:54,090 le juge européen intervient en amont et guide le juge national, 329 00:25:55,140 --> 00:26:00,300 avec un résultat qui n'est pas toujours parfait, mais guide le 330 00:26:00,500 --> 00:26:03,810 juge national, afin qu'il évite en amont la contrariété.