1 00:00:05,800 --> 00:00:10,180 Cette nouvelle vidéo sera consacrée, comme promis, à l’étude de la lésion 2 00:00:10,380 --> 00:00:13,900 en matière immobilière, toujours au titre du montant du 3 00:00:14,100 --> 00:00:14,860 prix de vente. 4 00:00:15,430 --> 00:00:20,650 La lésion est réglementée aux articles 1674 et suivants du Code civil. 5 00:00:21,340 --> 00:00:23,260 Nous verrons quel est son domaine précis. 6 00:00:23,460 --> 00:00:24,220 a. 7 00:00:24,670 --> 00:00:27,040 Quelles sont ses conditions, b. 8 00:00:27,240 --> 00:00:28,000 Ses effets, c. 9 00:00:28,200 --> 00:00:28,960 a. 10 00:00:29,920 --> 00:00:33,880 Le domaine de la rescision pour lésion en matière immobilière. 11 00:00:34,080 --> 00:00:39,580 L’article 1674 du Code civil vise 12 00:00:39,780 --> 00:00:43,720 le prix d’un immeuble, donc tous les droits réels immobiliers 13 00:00:44,080 --> 00:00:45,880 entrent dans les prévisions du texte. 14 00:00:46,450 --> 00:00:50,890 Non seulement le droit de propriété, bien sûr, mais encore tous ses 15 00:00:51,090 --> 00:00:51,850 démembrements. 16 00:00:52,540 --> 00:00:58,120 Une cession d’usufruit ou de droit indivis peut relever de la rescision 17 00:00:58,320 --> 00:00:59,080 pour lésion. 18 00:00:59,980 --> 00:01:03,430 Par ailleurs, l’acte conclu doit obligatoirement être une vente. 19 00:01:03,630 --> 00:01:07,060 L’apport en société, par exemple, n’est pas rescindable 20 00:01:07,260 --> 00:01:09,970 pour cause de lésion, de même pour l’échange. 21 00:01:11,230 --> 00:01:14,980 Par exception, deux catégories de vente ne sont pas rescindables. 22 00:01:15,180 --> 00:01:19,510 D’une part, les ventes qui présentent un caractère aléatoire car, 23 00:01:19,710 --> 00:01:22,810 selon l’adage bien connu, l’aléa chasse la lésion. 24 00:01:23,350 --> 00:01:27,220 Une vente consentie moyennant le paiement d’une rente viagère échappe 25 00:01:28,540 --> 00:01:29,300 à la lésion. 26 00:01:29,920 --> 00:01:33,010 Echappent également à la lésion, d’autre part, les ventes réalisées 27 00:01:33,210 --> 00:01:38,440 par autorité de justice selon l’article 1684 du Code civil. 28 00:01:39,550 --> 00:01:44,050 Notons enfin que l’action en rescision pour lésion est d’ordre public. 29 00:01:44,470 --> 00:01:48,400 Une éventuelle clause de renonciation stipulée dans le contrat de vente 30 00:01:48,700 --> 00:01:49,990 serait donc nulle. 31 00:01:50,190 --> 00:01:50,950 b. 32 00:01:51,970 --> 00:01:54,700 Les conditions de la rescision pour lésion. 33 00:01:56,020 --> 00:02:00,160 Lorsque l’on se situe dans le domaine d’une vente effectivement rescindable, 34 00:02:00,360 --> 00:02:05,770 l’article 1674 pose plusieurs conditions de fond et de procédure 35 00:02:06,010 --> 00:02:07,630 pour que l’action soit possible. 36 00:02:08,500 --> 00:02:14,260 Première condition de fond, la lésion doit être de plus des 7/12ᵉ. 37 00:02:14,860 --> 00:02:19,420 Autrement dit, a contrario, le prix payé doit être inférieur 38 00:02:19,620 --> 00:02:23,230 aux 5/12ᵉ de la valeur réelle du bien. 39 00:02:24,310 --> 00:02:28,390 Cette valeur réelle est déterminée selon l’état du bien au jour de 40 00:02:28,590 --> 00:02:29,530 la conclusion de la vente. 41 00:02:29,980 --> 00:02:34,210 Peu importe que les plus ou moins values postérieures à la vente 42 00:02:35,140 --> 00:02:39,820 soient fortuites ou qu’elles soient la conséquence de l’activité des 43 00:02:40,020 --> 00:02:42,610 parties qui auront amélioré le bien. 44 00:02:43,750 --> 00:02:47,140 Peu importent aussi les circonstances à l’origine de la lésion, 45 00:02:47,380 --> 00:02:49,330 dès lors que celle-ci est caractérisée. 46 00:02:50,350 --> 00:02:56,290 Selon l’article 1675 alinéa deux, en cas de promesse unilatérale de vente, 47 00:02:56,620 --> 00:03:01,540 la lésion s’apprécie au jour de la réalisation, c’est-à-dire au 48 00:03:01,740 --> 00:03:03,040 jour de la levée de l’option. 49 00:03:03,820 --> 00:03:08,050 La règle est logique et importante vu les variations potentielles 50 00:03:08,250 --> 00:03:12,160 de la valeur des biens immobiliers entre la date de signature de la 51 00:03:12,360 --> 00:03:14,920 promesse unilatérale et la date de levée de l’option. 52 00:03:16,060 --> 00:03:19,720 Dans les promesses synallagmatiques conditionnelles, la jurisprudence 53 00:03:21,040 --> 00:03:24,910 décide que la lésion doit être appréciée au jour de la promesse. 54 00:03:25,780 --> 00:03:29,620 Notons enfin, au sujet de la valeur du bien, que celle-ci doit 55 00:03:29,820 --> 00:03:36,220 nécessairement être fixée en fonction du prix du marché par trois experts, 56 00:03:36,550 --> 00:03:40,090 selon l’article 1678 du Code civil. 57 00:03:40,290 --> 00:03:43,720 Un collège de trois experts doit être réuni pour fixer la valeur 58 00:03:43,920 --> 00:03:44,680 objective du bien. 59 00:03:45,790 --> 00:03:49,510 Ce prix, fixé par expert, sera comparé au prix de vente sans 60 00:03:49,710 --> 00:03:53,260 les frais, mais en tenant compte, le cas échéant, des autres formes 61 00:03:53,460 --> 00:03:57,700 de contrepartie qui ont pu être stipulées au contrat à côté du 62 00:03:57,900 --> 00:03:58,660 prix en argent. 63 00:03:59,830 --> 00:04:03,580 Deuxième condition de fonds de la lésion, seul le vendeur peut 64 00:04:03,780 --> 00:04:05,470 l’invoquer et non l’acquéreur. 65 00:04:05,950 --> 00:04:11,140 Cela résulte de la lettre même de l’article 1674 et l’article 66 00:04:11,340 --> 00:04:14,980 1683 du Code civil le redit expressément. 67 00:04:15,180 --> 00:04:21,550 S’agissant des conditions de procédure, le Code civil se montre délibérément 68 00:04:21,750 --> 00:04:25,810 très rigoureux afin d’éviter une remise en cause trop facile des 69 00:04:26,010 --> 00:04:30,370 ventes immobilières, ce qui traduit un souci d’assurer la justice 70 00:04:30,570 --> 00:04:33,940 contractuelle sans sacrifier pour autant la stabilité des contrats, 71 00:04:34,140 --> 00:04:37,660 d’autant plus que le bien a pu être revendu par l’acquéreur. 72 00:04:38,830 --> 00:04:41,470 Cette idée entraîne plusieurs conséquences procédurales. 73 00:04:41,670 --> 00:04:46,330 Premièrement, l’action doit être intentée dans un délai préfixe 74 00:04:46,530 --> 00:04:50,650 de deux ans, article 1676 du Code civil. 75 00:04:51,490 --> 00:04:55,060 Ce délai de deux ans court du jour de la formation de la vente. 76 00:04:55,630 --> 00:04:58,540 Son interruption est possible, mais non sa suspension. 77 00:04:58,740 --> 00:05:05,790 Deuxièmement, de manière assez originale, l’article 1677 prévoit 78 00:05:05,990 --> 00:05:10,020 que l’action du vendeur n’est recevable que si les faits articulés, 79 00:05:10,220 --> 00:05:13,920 c’est-à-dire les faits invoqués par le vendeur qui agit en justice, 80 00:05:14,370 --> 00:05:19,830 sont assez vraisemblables et assez graves pour faire présumer la lésion. 81 00:05:20,030 --> 00:05:25,440 C’est une condition de vraisemblance qui demeure tout à l’appréciation 82 00:05:25,640 --> 00:05:26,400 du juge. 83 00:05:26,600 --> 00:05:31,200 Troisièmement, le collège d’experts doit être réuni et doit rendre 84 00:05:31,400 --> 00:05:35,520 son opinion, opinion que le juge n’est pas obligé de suivre. 85 00:05:36,720 --> 00:05:40,680 Si toutes ces barrières procédurales sont franchies par le vendeur, 86 00:05:41,130 --> 00:05:42,810 il peut agir en rescision. 87 00:05:43,500 --> 00:05:46,140 Quels sont alors les effets de son action ? 88 00:05:46,340 --> 00:05:47,100 c. 89 00:05:47,760 --> 00:05:52,200 Les effets de la rescision pour lésion en matière immobilière. 90 00:05:53,940 --> 00:05:57,720 Une fois la lésion constatée à l’issue de la procédure qui vient 91 00:05:57,920 --> 00:06:01,950 d’être décrite, la balle passe dans le camp de l’acheteur à qui 92 00:06:02,150 --> 00:06:08,190 l’article 1681 du Code civil offre une option, une option que la loi 93 00:06:08,390 --> 00:06:12,240 formule dans les termes suivants : "Dans le cas où l’action en rescision 94 00:06:12,440 --> 00:06:18,030 est admise, l’acquéreur a le choix ou de rendre la chose en retirant 95 00:06:18,230 --> 00:06:22,770 le prix qu’il en a payé, ou de garder le fonds en payant 96 00:06:22,970 --> 00:06:28,650 le supplément du juste prix sous la déduction du 10ᵉ du prix total". 97 00:06:30,180 --> 00:06:35,430 Le but de cette disposition est de permettre le sauvetage du contrat. 98 00:06:36,090 --> 00:06:37,620 De deux choses l’une, en effet. 99 00:06:38,130 --> 00:06:41,430 Soit l’acquéreur prend parti pour la nullité de la vente, 100 00:06:41,630 --> 00:06:46,140 d’où les restitutions réciproques dont parle l’article 1681. 101 00:06:47,160 --> 00:06:51,750 Soit il décide de sauver la vente en rachetant la lésion, 102 00:06:52,050 --> 00:06:53,640 selon l’expression consacrée. 103 00:06:53,840 --> 00:07:01,050 L’acheteur doit alors payer ce que le Code civil appelle le supplément 104 00:07:01,250 --> 00:07:02,010 du juste prix. 105 00:07:02,210 --> 00:07:06,600 L’acheteur garde cependant une partie de la bonne affaire qu’il 106 00:07:06,800 --> 00:07:12,000 avait faite, car 1/10ᵉ du prix total est déduit du supplément à payer. 107 00:07:13,740 --> 00:07:18,150 Cette sanction très originale est destinée à combiner au mieux la 108 00:07:18,350 --> 00:07:21,420 justice contractuelle avec la sécurité des transactions. 109 00:07:22,320 --> 00:07:26,220 Le Code civil cherche aussi à combiner les intérêts du vendeur avec ceux 110 00:07:26,420 --> 00:07:31,320 de l’acquéreur, voire avec ceux du sous-acquéreur si le bien a 111 00:07:31,520 --> 00:07:32,280 été revendu. 112 00:07:33,120 --> 00:07:37,440 Car le sous-acquéreur peut en effet être évincé par le vendeur originaire 113 00:07:37,710 --> 00:07:39,300 qui avait été victime de la lésion. 114 00:07:40,080 --> 00:07:44,430 Le Code civil offre au sous-acquéreur la même option qu’au premier acheteur, 115 00:07:44,970 --> 00:07:47,370 celui qui lui a revendu le bien. 116 00:07:48,900 --> 00:07:52,920 Il convient à présent d’apporter plusieurs précisions relatives 117 00:07:53,120 --> 00:07:55,590 au calcul du supplément du juste prix. 118 00:07:55,790 --> 00:07:58,470 Nous allons faire un peu de mathématiques. 119 00:07:58,670 --> 00:08:02,370 L’hypothèse est celle dans laquelle l’acquéreur choisit de racheter 120 00:08:02,570 --> 00:08:06,480 la lésion en payant le supplément du juste prix plutôt que d’invoquer 121 00:08:06,780 --> 00:08:07,770 la nullité de la vente. 122 00:08:09,230 --> 00:08:12,930 Pendant longtemps, ce calcul du supplément n’a pas posé de difficulté 123 00:08:13,130 --> 00:08:15,780 parce que la monnaie était globalement stable. 124 00:08:15,980 --> 00:08:20,970 L’acquéreur verse alors au vendeur la différence entre le prix convenu 125 00:08:21,170 --> 00:08:25,860 payé et la valeur réelle du bien au jour de la vente moins 1/10ᵉ. 126 00:08:27,000 --> 00:08:30,300 Mais à une certaine époque, une difficulté est née de la forte 127 00:08:30,500 --> 00:08:34,470 dépréciation monétaire, autrement dit de l’inflation galopante. 128 00:08:35,670 --> 00:08:39,060 En matière de paiement d’une somme d’argent, le principe qui s’applique 129 00:08:39,260 --> 00:08:44,500 en droit civil est celui du nominalisme monétaire, qui signifie que 10 130 00:08:44,700 --> 00:08:48,540 000 francs ou 10 000 € sont toujours 10 000 francs ou 10 000 €, 131 00:08:48,900 --> 00:08:52,260 même deux ans plus tard, même trois ou quatre ans plus tard, 132 00:08:52,740 --> 00:08:56,460 au moment où le supplément du juste prix est effectivement payé. 133 00:08:57,330 --> 00:09:00,990 Il faut noter à cet égard que c’est seulement l’action en justice qui 134 00:09:01,190 --> 00:09:03,840 doit être introduite dans un délai préfixe de deux ans. 135 00:09:04,140 --> 00:09:08,310 Il se peut, la procédure étant longue, que le supplément du juste prix 136 00:09:08,510 --> 00:09:10,140 soit versé bien des années plus tard. 137 00:09:10,340 --> 00:09:15,810 Or, ce nominalisme monétaire, qui fait que 10 000 € sont toujours 138 00:09:16,010 --> 00:09:20,190 10 000 €, pouvait paraître très injuste pour le vendeur dans 139 00:09:20,390 --> 00:09:23,580 l’hypothèse où la monnaie s’était beaucoup dépréciée depuis la date 140 00:09:23,780 --> 00:09:24,540 de la vente. 141 00:09:24,780 --> 00:09:27,120 Si bien que l’acheteur, dans l’exercice de son option, 142 00:09:27,320 --> 00:09:31,080 n’avait d’ailleurs strictement aucun intérêt à demander la nullité 143 00:09:31,280 --> 00:09:32,040 du contrat. 144 00:09:32,730 --> 00:09:36,180 En raison de l’inflation monétaire, le rachat de la lésion ne lui coûtait 145 00:09:36,570 --> 00:09:40,410 pas grand-chose au regard de la bonne affaire qu’il avait réalisée. 146 00:09:41,610 --> 00:09:43,230 Voici un exemple chiffré. 147 00:09:44,070 --> 00:09:48,300 Voilà un immeuble qui valait 100 et qui a été payé 30. 148 00:09:49,020 --> 00:09:53,790 Il en vaut 300, quatre ans plus tard, quand le supplément du juste prix 149 00:09:53,990 --> 00:09:54,750 doit être payé. 150 00:09:55,710 --> 00:09:58,770 Si on applique le principe du nominalisme monétaire, 151 00:09:59,340 --> 00:10:05,420 le supplément du juste prix est égal à 100, qui est la valeur réelle 152 00:10:05,620 --> 00:10:09,200 au jour de la vente, moins 30 qui correspond à ce qui 153 00:10:09,400 --> 00:10:10,160 a été payé. 154 00:10:10,360 --> 00:10:16,880 100 moins 30, 70, 70 auxquels il faut encore soustraire 1/10ᵉ du 155 00:10:17,080 --> 00:10:20,300 prix total, 1/10ᵉ de 100, donc 10. 156 00:10:20,500 --> 00:10:26,000 Ici, le supplément du juste prix est donc égal à 70 moins 10, 157 00:10:26,420 --> 00:10:27,890 soit 60. 158 00:10:28,090 --> 00:10:33,800 L’acheteur doit donc payer 60 pour racheter la lésion, alors que le 159 00:10:34,000 --> 00:10:36,040 bien a triplé de valeur. 160 00:10:36,240 --> 00:10:39,110 Il valait 100 objectivement au moment de la vente, il en vaut 161 00:10:39,310 --> 00:10:41,840 300 quand le supplément du juste prix est réglé. 162 00:10:42,740 --> 00:10:46,100 Si l’acheteur ici choisissait la nullité de la vente au titre de 163 00:10:46,300 --> 00:10:50,270 son option, il devrait restituer un immeuble qui vaut 300. 164 00:10:50,470 --> 00:10:53,870 Ici, il suffit de payer un supplément qui vaut 60. 165 00:10:54,200 --> 00:10:58,490 On comprend que l’acheteur n’a aucun intérêt à demander la nullité. 166 00:10:58,690 --> 00:11:02,120 Il préférera payer un supplément du juste prix de 60. 167 00:11:02,320 --> 00:11:06,860 C’est pour lutter contre cette aubaine pour l’acheteur que la 168 00:11:07,060 --> 00:11:10,730 Cour de cassation a décidé, dans le silence total du Code civil, 169 00:11:10,930 --> 00:11:14,480 d’appliquer, pour le calcul du supplément du juste prix, 170 00:11:14,680 --> 00:11:20,150 le mécanisme de la dette de valeur, au lieu de s’en tenir au principe 171 00:11:20,350 --> 00:11:21,650 du nominalisme monétaire. 172 00:11:22,430 --> 00:11:26,780 Dès lors, ce qui est dû par l’acquéreur du bien qui rachète la lésion, 173 00:11:27,410 --> 00:11:31,610 ce n’est plus une somme d’argent nominal, mais c’est une valeur 174 00:11:31,810 --> 00:11:34,070 qui tient compte des variations monétaires. 175 00:11:35,270 --> 00:11:39,740 Deux décisions sont à l’origine de cette solution nouvelle et très 176 00:11:39,940 --> 00:11:40,700 importante. 177 00:11:41,000 --> 00:11:44,210 Un premier arrêt, rendu par la première chambre civile de la Cour 178 00:11:44,410 --> 00:11:49,910 de cassation le 7 juin 1966, décide que le supplément de prix 179 00:11:50,270 --> 00:11:54,920 doit être calculé non sur la valeur vénale de l’immeuble au moment 180 00:11:55,120 --> 00:11:59,690 de la vente, mais sur sa valeur réelle au jour où le règlement 181 00:11:59,890 --> 00:12:01,640 complémentaire doit intervenir. 182 00:12:02,720 --> 00:12:09,200 Une deuxième décision de la troisième chambre civile du 22 janvier 1970 183 00:12:09,860 --> 00:12:14,690 a ajouté que cette réévaluation ne doit porter que sur la partie 184 00:12:14,890 --> 00:12:19,130 impayée du juste prix et non sur la fraction qui a été payée à 185 00:12:19,330 --> 00:12:21,950 l’origine, laquelle demeure intangible. 186 00:12:23,090 --> 00:12:27,050 Si l’on reprend notre exemple chiffré, on aboutit à la solution suivante. 187 00:12:27,680 --> 00:12:31,970 La somme de 30, qui a été payée lors de la vente, n’est pas réévaluée. 188 00:12:32,170 --> 00:12:36,020 C’est la jurisprudence de 1970 que l’on vient de citer. 189 00:12:37,250 --> 00:12:39,710 Cette règle est favorable à l’acheteur. 190 00:12:40,820 --> 00:12:45,440 Lors de la vente, l’acheteur a payé 30 un bien qui valait 100, 191 00:12:45,980 --> 00:12:51,920 donc il a payé les 3/10ᵉ de la valeur du bien, 30 au lieu de 100. 192 00:12:52,790 --> 00:12:54,640 La fraction payée, c’était 3/10ᵉ. 193 00:12:55,700 --> 00:13:01,580 A contrario, la fraction impayée 194 00:13:01,780 --> 00:13:02,630 était de 7/10ᵉ. 195 00:13:04,280 --> 00:13:08,420 La solution consiste tout simplement à appliquer cette fraction impayée, 196 00:13:08,620 --> 00:13:13,790 7/10ᵉ, à la valeur de l’immeuble au jour du paiement du supplément 197 00:13:13,990 --> 00:13:19,070 du juste prix, donc 7/10ᵉ de 300, ce qui donne 210. 198 00:13:19,270 --> 00:13:23,780 C’est ainsi que fonctionne le mécanisme de la dette de valeur que l’on 199 00:13:23,980 --> 00:13:26,360 retrouve dans de nombreux domaines du droit civil. 200 00:13:27,380 --> 00:13:33,230 Il reste encore une étape qui consiste dans la déduction du 10ᵉ du prix total. 201 00:13:34,130 --> 00:13:38,030 Selon la jurisprudence, ce 10ᵉ à déduire doit être calculé 202 00:13:38,230 --> 00:13:42,230 en tenant compte des deux versements successifs : le versement initial 203 00:13:42,530 --> 00:13:43,880 et le versement complémentaire. 204 00:13:44,720 --> 00:13:47,510 Cette règle résulte d’un arrêt rendu par la troisième chambre 205 00:13:47,710 --> 00:13:51,740 civile de la Cour de cassation le 4 décembre 1973. 206 00:13:52,460 --> 00:13:53,570 On reprend notre exemple. 207 00:13:56,000 --> 00:14:00,050 Ce 10ᵉ va s’appliquer aux 30 qui constituent le versement initial, 208 00:14:00,250 --> 00:14:04,080 plus les 210 qui constituent le versement complémentaire. 209 00:14:04,580 --> 00:14:10,910 Il faut donc déduire le 10ᵉ de 30 plus 210, soit le 10ᵉ de 240. 210 00:14:11,110 --> 00:14:16,970 1/10ᵉ de 240, c’est 24, donc il faut déduire 24 du supplément 211 00:14:17,170 --> 00:14:18,320 que l’on a calculé tout à l’heure. 212 00:14:18,520 --> 00:14:22,640 210, c’est le calcul auquel on avait abouti, moins 24, 213 00:14:22,880 --> 00:14:28,280 le 10ᵉ à déduire, on aboutit à un supplément du juste prix de 186. 214 00:14:29,690 --> 00:14:32,660 Grâce à la technique de la dette de valeur, le supplément du juste 215 00:14:32,860 --> 00:14:38,540 prix est par conséquent de 186 au lieu de 60, si on applique le 216 00:14:38,740 --> 00:14:40,550 mécanisme du nominalisme monétaire. 217 00:14:40,910 --> 00:14:43,130 La différence est très sensible. 218 00:14:43,330 --> 00:14:48,830 À noter enfin que selon l’article 1682 alinéa premier du Code civil, 219 00:14:49,340 --> 00:14:52,970 le vendeur a également droit aux intérêts du supplément du juste 220 00:14:53,170 --> 00:14:58,100 prix à partir du jour de la demande en rescision qu’il a formée devant 221 00:14:58,300 --> 00:14:59,060 le juge. 222 00:14:59,390 --> 00:15:04,080 Le taux d’intérêt légal s’applique et ces intérêts compensent la privation 223 00:15:04,280 --> 00:15:07,320 de jouissance qu’a éprouvée le vendeur qui avait droit dès l’origine 224 00:15:07,620 --> 00:15:08,760 au prix juste. 225 00:15:08,960 --> 00:15:12,170 D’après la Cour de cassation, troisième chambre civile, 226 00:15:12,370 --> 00:15:16,950 le 3 mai 1972, ces intérêts du supplément doivent être calculés 227 00:15:17,220 --> 00:15:22,620 en tenant compte de la dette de valeur, donc sur un capital qui varie en 228 00:15:22,820 --> 00:15:24,600 fonction de la valeur de l’immeuble. 229 00:15:24,800 --> 00:15:28,260 D’où de subtils calculs à effectuer pour les juges du fond.