1 00:00:05,580 --> 00:00:08,680 Après avoir vu les garanties qui protègent les travaux et les ouvrages 2 00:00:08,880 --> 00:00:11,220 publics, je vous propose de nous intéresser aux garanties qui protègent 3 00:00:11,420 --> 00:00:14,300 les administrés contre les travaux et les ouvrages publics. 4 00:00:14,500 --> 00:00:18,260 Section 2 : les garanties contre les travaux et ouvrages publics. 5 00:00:18,500 --> 00:00:21,880 Dans cette dernière section, on va se pencher sur les garanties 6 00:00:22,080 --> 00:00:24,620 principales dont disposent les administrés contre les travaux 7 00:00:24,820 --> 00:00:25,660 et les ouvrages publics. 8 00:00:25,860 --> 00:00:28,420 Pour ce faire, on va d’abord s’intéresser au contentieux de 9 00:00:28,620 --> 00:00:31,540 la réparation des dommages qui auraient été causés par des travaux 10 00:00:31,740 --> 00:00:33,660 ou des ouvrages publics, c’est ce qu’on verra dans le premier 11 00:00:33,860 --> 00:00:34,620 paragraphe. 12 00:00:34,820 --> 00:00:37,780 Ensuite, on se penchera sur le contentieux de la démolition des 13 00:00:37,980 --> 00:00:41,160 ouvrages publics mal plantés, c’est ce qu’on verra dans le paragraphe 14 00:00:41,360 --> 00:00:42,120 2. 15 00:00:42,320 --> 00:00:45,220 Paragraphe 1 : le contentieux de la réparation des dommages causés 16 00:00:45,420 --> 00:00:47,800 par des travaux ou ouvrages publics. 17 00:00:48,000 --> 00:00:50,620 En ce qui concerne les travaux et les ouvrages publics, 18 00:00:50,820 --> 00:00:54,020 des régimes spéciaux de protection des administrés ont été créés depuis 19 00:00:54,220 --> 00:00:57,100 longtemps, puisque ça remonte au moins à la fin du 18ᵉ siècle. 20 00:00:57,360 --> 00:01:01,480 L’idée avec ce type de régime, c’est de faciliter l’indemnisation 21 00:01:01,680 --> 00:01:04,700 des personnes qui subiraient des dommages causés par des travaux 22 00:01:04,900 --> 00:01:05,920 ou par des ouvrages publics. 23 00:01:06,120 --> 00:01:09,720 D’un côté, ces travaux et ces ouvrages publics bénéficient d’une protection 24 00:01:09,920 --> 00:01:12,360 particulière puisqu’ils sont réalisés dans l’intérêt général, 25 00:01:12,560 --> 00:01:14,820 c’est ce qu’on a vu dans la section 1, mais c’est justement parce qu’ils 26 00:01:15,020 --> 00:01:18,220 sont réalisés dans l’intérêt général qu’on a décidé que les administrés 27 00:01:18,420 --> 00:01:21,180 devaient aussi bénéficier d’une protection particulière contre 28 00:01:21,380 --> 00:01:23,520 ces travaux et ces ouvrages publics. 29 00:01:23,720 --> 00:01:27,740 Pour le voir, on va d’abord présenter les grandes règles relatives à 30 00:01:27,940 --> 00:01:30,640 la saisine du juge compétent en matière de dommages causés par 31 00:01:30,840 --> 00:01:32,400 des travaux et des ouvrages publics. 32 00:01:32,600 --> 00:01:35,640 Ensuite, on se penchera sur la manière dont le juge procède à 33 00:01:35,840 --> 00:01:36,600 son contrôle. 34 00:01:37,060 --> 00:01:37,820 A. 35 00:01:38,020 --> 00:01:39,640 La saisine du juge. 36 00:01:40,180 --> 00:01:42,820 Avant de voir les conditions de recevabilité du juge, 37 00:01:43,020 --> 00:01:46,300 il faut d’abord s’arrêter sur la répartition juridictionnelle de 38 00:01:46,500 --> 00:01:50,120 ce contentieux, puisqu’en fonction des cas, ce sera le juge administratif 39 00:01:50,320 --> 00:01:53,040 ou le juge judiciaire qui sera compétent. 40 00:01:53,260 --> 00:01:54,020 1. 41 00:01:54,220 --> 00:01:56,800 La répartition des compétences juridictionnelles. 42 00:01:57,000 --> 00:02:00,040 En matière de dommages qui sont causés par des travaux ou des ouvrages 43 00:02:00,240 --> 00:02:03,540 publics, c’est en principe le juge administratif qui est compétent, 44 00:02:03,900 --> 00:02:06,920 mais les choses ne sont pas si simples, car le juge judiciaire dispose 45 00:02:07,120 --> 00:02:09,820 aussi de certaines compétences en la matière, il faut donc faire 46 00:02:10,020 --> 00:02:12,200 attention à bien distinguer les cas. 47 00:02:12,540 --> 00:02:13,300 a. 48 00:02:13,720 --> 00:02:16,280 La compétence de principe du juge administratif. 49 00:02:17,200 --> 00:02:20,500 En matière de dommages causés par des travaux ou des ouvrages publics, 50 00:02:20,700 --> 00:02:23,720 c’est donc le juge administratif qui est compétent en principe. 51 00:02:24,000 --> 00:02:27,000 Mais pour qu’il soit compétent, il faut que le dommage trouve son 52 00:02:27,200 --> 00:02:30,660 origine dans des travaux publics ou dans des ouvrages publics. 53 00:02:30,900 --> 00:02:34,300 Vous voyez que les définitions de ces deux notions, 54 00:02:34,580 --> 00:02:38,000 travail public et ouvrage public, sont très importantes pour déterminer 55 00:02:38,200 --> 00:02:41,640 la compétence de principe du juge administratif en matière de réparation. 56 00:02:41,840 --> 00:02:44,380 Je vous renvoie donc aux éléments de définition qu’on a donnés dans 57 00:02:44,580 --> 00:02:46,260 les vidéos précédentes. 58 00:02:46,480 --> 00:02:49,020 Cela dit, il faut ici préciser les choses. 59 00:02:49,480 --> 00:02:52,080 Certes, les notions de travail public et d’ouvrage public sont 60 00:02:52,280 --> 00:02:54,980 essentielles pour déterminer la compétence du juge administratif, 61 00:02:55,220 --> 00:02:57,400 mais en ce qui nous concerne, on a dit que le juge administratif 62 00:02:57,600 --> 00:03:00,820 était en principe compétent pour ce qu’on appelle les dommages causés 63 00:03:01,020 --> 00:03:02,700 par des travaux ou des ouvrages publics. 64 00:03:02,900 --> 00:03:06,060 Autrement dit, ce qui nous intéresse ici, c’est cette notion de dommages 65 00:03:06,260 --> 00:03:08,240 causés par des travaux ou des ouvrages publics. 66 00:03:08,440 --> 00:03:11,460 Or, pour déterminer ce qu’est un dommage causé par des travaux ou 67 00:03:11,660 --> 00:03:14,700 des ouvrages publics, il faut savoir définir les travaux 68 00:03:14,900 --> 00:03:16,440 et les ouvrages publics, c’est ce qu’on a fait dans les 69 00:03:16,640 --> 00:03:19,920 cours précédents, mais il faut aussi savoir que le juge administratif 70 00:03:20,120 --> 00:03:24,100 adopte une conception relativement extensive de ce qu’est un dommage 71 00:03:24,300 --> 00:03:26,400 qui résulte de travaux ou d’ouvrages publics. 72 00:03:27,260 --> 00:03:30,800 Si le juge administratif adopte une approche relativement extensive 73 00:03:31,000 --> 00:03:33,980 des dommages causés par des travaux ou des ouvrages publics, 74 00:03:34,180 --> 00:03:37,020 c’est pour maximiser sa compétence. 75 00:03:37,480 --> 00:03:40,840 Comment procède-t-il pour maximiser sa compétence ? 76 00:03:41,040 --> 00:03:44,160 D’abord, le juge administratif a tendance à reconnaître facilement 77 00:03:44,360 --> 00:03:48,640 un lien de causalité entre un dommage et des travaux ou des ouvrages publics, 78 00:03:48,840 --> 00:03:51,720 c’est-à-dire qu’il n’est pas très exigeant quant à la caractérisation 79 00:03:51,920 --> 00:03:53,380 de ce lien de causalité. 80 00:03:53,840 --> 00:03:58,000 Autrement dit, même lorsque le lien entre les travaux et le dommage 81 00:03:58,200 --> 00:04:01,700 est ténu ou indirect, le juge administratif tend à considérer 82 00:04:01,900 --> 00:04:04,100 que les travaux sont à l’origine du dommage. 83 00:04:04,300 --> 00:04:07,180 En bref, dès lors qu’un travail public ou un ouvrage public concourt 84 00:04:07,380 --> 00:04:11,710 à un dommage, le juge administratif a tendance à reconnaître sa compétence. 85 00:04:11,910 --> 00:04:15,360 En revanche, si le dommage a une cause première qui est étrangère 86 00:04:15,560 --> 00:04:19,320 à un travail ou à un ouvrage public, le juge administratif ne sera pas 87 00:04:19,520 --> 00:04:20,280 compétent. 88 00:04:20,480 --> 00:04:24,520 Ensuite, l’approche extensive du dommage causé par des travaux ou 89 00:04:24,720 --> 00:04:27,700 des ouvrages publics résulte des différentes manières dont peuvent 90 00:04:27,900 --> 00:04:29,540 être causés les dommages. 91 00:04:30,960 --> 00:04:34,720 Le dommage peut résulter de la réalisation ou du fonctionnement 92 00:04:34,920 --> 00:04:37,100 de l’ouvrage public, c’est l’hypothèse la plus classique, 93 00:04:37,440 --> 00:04:40,400 mais le dommage peut aussi résulter de la seule présence de l’ouvrage 94 00:04:40,600 --> 00:04:43,880 public quand bien même celui-ci fonctionnerait normalement. 95 00:04:44,120 --> 00:04:47,600 Enfin, le dommage peut aussi être causé par la non-réalisation de 96 00:04:47,800 --> 00:04:51,040 travaux et parfois par l’absence d’un ouvrage dont on considère 97 00:04:51,240 --> 00:04:52,840 qu’il est pourtant indispensable. 98 00:04:53,600 --> 00:04:55,740 De ce point de vue, vous pouvez déjà retenir une distinction sur 99 00:04:55,940 --> 00:04:57,780 laquelle on reviendra parce qu’elle est très importante dans la 100 00:04:57,980 --> 00:05:01,380 détermination des régimes de responsabilité, à savoir la distinction 101 00:05:01,580 --> 00:05:05,380 qui est faite entre les dommages inhérents et les dommages accidentels. 102 00:05:05,700 --> 00:05:08,080 Les dommages inhérents, qui sont aussi parfois qualifiés 103 00:05:08,280 --> 00:05:10,660 de dommages permanents, ce sont des dommages qui ne sont 104 00:05:10,860 --> 00:05:13,840 pas accidentels, c’est-à-dire qu’ils sont la conséquence nécessaire 105 00:05:14,040 --> 00:05:15,820 de l’ouvrage ou de son fonctionnement. 106 00:05:16,060 --> 00:05:20,260 En bref, il s’agit des diverses nuisances qui résultent presque 107 00:05:20,460 --> 00:05:22,820 inévitablement de l’ouvrage et de son fonctionnement. 108 00:05:23,060 --> 00:05:26,420 Ça peut être des pollutions sonores, ça peut être des pollutions olfactives, 109 00:05:26,700 --> 00:05:27,460 etc. 110 00:05:28,440 --> 00:05:31,320 À côté de ça, il y a ce qu’on appelle les dommages accidentels, 111 00:05:31,520 --> 00:05:34,500 c’est-à-dire les dommages qui ne sont pas censés se produire et 112 00:05:34,700 --> 00:05:37,740 qui résultent généralement d’un fonctionnement anormal de l’ouvrage. 113 00:05:37,940 --> 00:05:40,560 On dit qu’ils sont accidentels précisément parce qu’ils ne sont 114 00:05:40,760 --> 00:05:41,850 pas inhérents à l’ouvrage. 115 00:05:42,050 --> 00:05:42,810 b. 116 00:05:43,010 --> 00:05:43,770 Les compétences exceptionnelles du juge judiciaire. 117 00:05:47,580 --> 00:05:50,700 Si je parle de compétences exceptionnelles au pluriel, 118 00:05:51,000 --> 00:05:53,820 c’est parce qu’en matière de dommages causés par des travaux ou des ouvrages 119 00:05:54,020 --> 00:05:56,480 publics, les compétences du juge judiciaire ne présentent pas de 120 00:05:56,680 --> 00:05:59,860 lien logique entre elles puisqu’elles reposent sur des fondements assez 121 00:06:00,060 --> 00:06:00,820 différents. 122 00:06:01,020 --> 00:06:03,920 Il faut bien retenir qu’en la matière, le juge judiciaire est compétent 123 00:06:04,120 --> 00:06:06,680 de manière simplement exceptionnelle, car, comme on l’a vu, 124 00:06:06,880 --> 00:06:09,060 c’est le juge administratif qui est en principe compétent. 125 00:06:09,580 --> 00:06:13,560 On va s’arrêter sur les deux grandes hypothèses de compétences du juge 126 00:06:13,760 --> 00:06:14,520 judiciaire. 127 00:06:14,720 --> 00:06:18,280 premier i : les dommages causés dans le cadre d’une relation de 128 00:06:18,480 --> 00:06:19,440 droit privé. 129 00:06:20,000 --> 00:06:23,840 Pour le dire de manière générale, si la victime est dans une relation 130 00:06:24,040 --> 00:06:27,260 de droit privé avec le propriétaire de l’ouvrage public ou avec la 131 00:06:27,460 --> 00:06:30,600 personne qui réalise les travaux publics, les dommages causés par 132 00:06:30,800 --> 00:06:33,400 cet ouvrage ou par ces travaux relèveront de la compétence du 133 00:06:33,600 --> 00:06:37,320 juge judiciaire puisqu’ici, on fait primer la relation juridique 134 00:06:37,520 --> 00:06:38,400 de droit privé. 135 00:06:38,620 --> 00:06:40,760 Je vous donne les hypothèses principales. 136 00:06:41,020 --> 00:06:45,500 La première grande hypothèse, c’est lorsque la victime et le 137 00:06:45,700 --> 00:06:48,600 responsable sont liés par un contrat de droit privé. 138 00:06:48,940 --> 00:06:52,340 La seconde grande hypothèse, c’est celle des usagers des SPIC, 139 00:06:52,540 --> 00:06:54,940 c’est-à-dire des services publics, industriels et commerciaux. 140 00:06:55,180 --> 00:06:58,520 Si l’usager d’un SPIC est victime d’un ouvrage ou d’un travail public, 141 00:06:58,920 --> 00:07:00,680 c’est le juge judiciaire qui est compétent. 142 00:07:01,120 --> 00:07:04,520 Ça s’explique généralement parce que les usagers des SPIC sont souvent 143 00:07:04,720 --> 00:07:06,320 dans une relation contractuelle de droit privé. 144 00:07:06,520 --> 00:07:08,740 Or, je viens de vous indiquer que lorsqu’une personne est dans une 145 00:07:08,940 --> 00:07:12,420 relation contractuelle de droit privé, c’est le juge judiciaire qui est 146 00:07:12,620 --> 00:07:13,380 compétent. 147 00:07:13,580 --> 00:07:16,320 Mais l’usager d’un SPIC peut aussi être dans une relation légale ou 148 00:07:16,520 --> 00:07:19,780 réglementaire, voire ne pas avoir de relation juridique dès lors 149 00:07:19,980 --> 00:07:22,360 qu’il utilise le SPIC de manière illicite. 150 00:07:22,820 --> 00:07:26,340 Dans tous ces cas, ce sera quand même le juge judiciaire qui sera 151 00:07:26,540 --> 00:07:27,300 compétent. 152 00:07:27,540 --> 00:07:30,570 Attention, la compétence du juge judiciaire ne vaut que pour les 153 00:07:30,770 --> 00:07:33,100 dommages qui sont causés aux usagers des SPIC. 154 00:07:33,820 --> 00:07:38,140 Si un dommage est causé par l’ouvrage d’un SPIC à une personne qui n’en 155 00:07:38,340 --> 00:07:42,080 est pas usager, c’est le juge administratif qui redevient compétent. 156 00:07:42,420 --> 00:07:45,480 Autrement dit, la compétence du juge judiciaire, elle ne vaut que 157 00:07:45,680 --> 00:07:49,800 pour les usagers des SPIC et non pas pour les tiers, c’est-à-dire 158 00:07:50,000 --> 00:07:53,620 pour les personnes qui seraient tiers par rapport au SPIC. 159 00:07:53,940 --> 00:07:57,300 Deuxième i : les dommages constituant une voie de fait. 160 00:07:58,200 --> 00:08:01,520 La deuxième grande hypothèse où le juge judiciaire sera compétent 161 00:08:01,720 --> 00:08:04,420 pour les dommages causés par des travaux ou des ouvrages publics, 162 00:08:04,620 --> 00:08:06,000 c’est celle dite de la voie de fait. 163 00:08:06,300 --> 00:08:10,320 En effet, la réalisation de travaux publics ou la construction d’ouvrages 164 00:08:10,520 --> 00:08:13,040 publics peuvent constituer ce qu’on appelle une voie de fait. 165 00:08:13,640 --> 00:08:17,860 En 2013, le Tribunal des conflits a donné une nouvelle définition 166 00:08:18,060 --> 00:08:22,220 à la voie de fait avec son arrêt Bergoend qui a été rendu le 17 167 00:08:22,420 --> 00:08:23,400 juin 2013. 168 00:08:23,800 --> 00:08:24,700 Qu’est-ce qu’une voie de fait ? 169 00:08:25,120 --> 00:08:28,360 De manière générale, c’est une action irrégulière de 170 00:08:28,560 --> 00:08:32,260 l’administration qui a pour conséquence soit de porter atteinte à la liberté 171 00:08:32,460 --> 00:08:36,700 individuelle, soit d’aboutir à l’extinction du droit de propriété. 172 00:08:37,260 --> 00:08:40,220 Or, selon l’arrêt Bergoend, deux grands types d’actions 173 00:08:40,420 --> 00:08:42,940 administratives peuvent avoir ces conséquences, donc constituer des 174 00:08:43,140 --> 00:08:43,900 voies de fait. 175 00:08:44,100 --> 00:08:47,420 D’abord, c’est la première hypothèse, l’administration peut avoir procédé 176 00:08:47,620 --> 00:08:51,820 dans des conditions irrégulières à l’exécution forcée d’une décision. 177 00:08:52,080 --> 00:08:55,660 Pour constituer une voie de fait, cette exécution forcée irrégulière 178 00:08:55,920 --> 00:08:58,400 doit avoir pour conséquence de porter atteinte à la liberté 179 00:08:58,600 --> 00:09:02,060 individuelle ou d’aboutir à l’extinction du droit de propriété. 180 00:09:02,500 --> 00:09:05,200 Ensuite, c’est la seconde hypothèse de la voie de fait, l’administration 181 00:09:05,400 --> 00:09:08,820 peut avoir adopté une décision qui est manifestement insusceptible 182 00:09:09,020 --> 00:09:10,960 d’être rattachée à ses pouvoirs. 183 00:09:11,160 --> 00:09:13,460 Et là encore, pour pouvoir être qualifié de voie de fait, 184 00:09:13,760 --> 00:09:16,580 il faut que cette opération ait pour conséquence de porter atteinte 185 00:09:16,780 --> 00:09:20,900 à la liberté individuelle ou d’aboutir à l’extinction du droit de propriété. 186 00:09:21,680 --> 00:09:25,160 En ce sens, la réalisation de travaux publics ou la construction d’ouvrages 187 00:09:25,360 --> 00:09:29,280 publics peuvent très bien constituer une voie de fait si ces opérations 188 00:09:29,480 --> 00:09:31,880 répondent à l’une de ces deux définitions, et en particulier, 189 00:09:32,080 --> 00:09:34,060 c’est le plus fréquent, si elles répondent à la seconde 190 00:09:34,260 --> 00:09:35,480 de ces deux définitions. 191 00:09:35,860 --> 00:09:38,640 Quelle est la conséquence principale de la caractérisation d’une voie 192 00:09:38,840 --> 00:09:39,600 de fait ? 193 00:09:39,800 --> 00:09:42,320 C’est que son contentieux relève toujours du juge judiciaire. 194 00:09:42,520 --> 00:09:43,280 Pourquoi ? 195 00:09:43,480 --> 00:09:46,420 Tout simplement parce qu’il s’agit des domaines de protection naturelle 196 00:09:46,620 --> 00:09:49,620 du juge judiciaire, à savoir la protection de la liberté individuelle 197 00:09:49,820 --> 00:09:51,700 et la protection du droit de propriété. 198 00:09:51,900 --> 00:09:54,680 Mais attention, pour qu’il y ait voie de fait, donc pour qu’il y 199 00:09:54,880 --> 00:09:57,760 ait les compétences du juge judiciaire, il ne suffit pas d’une atteinte 200 00:09:57,960 --> 00:10:01,180 à n’importe quelle liberté et il ne suffit pas d’une simple atteinte 201 00:10:01,380 --> 00:10:02,400 au droit de propriété. 202 00:10:02,760 --> 00:10:06,040 En ce qui concerne l’atteinte à la liberté par une action irrégulière 203 00:10:06,240 --> 00:10:09,040 de l’administration, il faut que cette action irrégulière 204 00:10:09,240 --> 00:10:12,880 porte atteinte à ce qu’on appelle au sens strict la liberté individuelle. 205 00:10:13,080 --> 00:10:17,040 La liberté individuelle correspond en gros au droit de ne pas être 206 00:10:17,240 --> 00:10:19,160 détenu arbitrairement. 207 00:10:19,940 --> 00:10:22,860 En matière de travaux ou d’ouvrages publics, on a du mal à voir comment 208 00:10:23,060 --> 00:10:25,300 une telle voie de fait pourrait se réaliser. 209 00:10:25,500 --> 00:10:28,240 Concrètement, c’est donc la seconde hypothèse qui nous intéresse le plus, 210 00:10:28,540 --> 00:10:30,440 à savoir l’atteinte au droit de propriété. 211 00:10:30,660 --> 00:10:33,020 Mais comme je vous l’ai dit, pour qu’il y ait voie de fait, 212 00:10:33,280 --> 00:10:36,260 donc pour qu’il y ait compétences du juge judiciaire, il ne suffit 213 00:10:36,460 --> 00:10:38,580 pas d’une simple atteinte au droit de propriété. 214 00:10:38,860 --> 00:10:42,200 Il faut que l’action irrégulière de l’administration conduise à 215 00:10:42,400 --> 00:10:44,280 l’extinction du droit de propriété. 216 00:10:44,540 --> 00:10:47,120 C’est là où on peut envisager que des travaux publics ou des ouvrages 217 00:10:47,320 --> 00:10:50,540 publics puissent constituer une voie de fait, ce qui ferait relever 218 00:10:50,740 --> 00:10:54,160 le contentieux de la compétence du juge judiciaire. 219 00:10:54,960 --> 00:10:58,300 Bref, vous voyez que pour qu’il y ait compétences du juge judiciaire, 220 00:10:58,560 --> 00:11:02,060 il faut une atteinte très grave et c’est justement ce qui va justifier 221 00:11:02,260 --> 00:11:04,980 la compétence du juge judiciaire, même lorsque cette atteinte est 222 00:11:05,180 --> 00:11:07,800 provoquée par la réalisation de travaux publics ou par la construction 223 00:11:08,000 --> 00:11:08,760 d’ouvrages publics. 224 00:11:09,200 --> 00:11:13,560 Voilà la deuxième grande exception à la compétence de principe qui 225 00:11:13,760 --> 00:11:16,680 est normalement celle du juge administratif en matière de travaux 226 00:11:16,880 --> 00:11:18,000 ou d’ouvrages publics. 227 00:11:19,320 --> 00:11:20,080 2. 228 00:11:20,280 --> 00:11:23,200 Les règles de la recevabilité juridictionnelle. 229 00:11:23,980 --> 00:11:27,440 En ce qui concerne la recevabilité de l’action en réparation de dommages 230 00:11:27,640 --> 00:11:29,660 qui seraient causés par des travaux ou par des ouvrages publics, 231 00:11:29,860 --> 00:11:32,480 je vais vous évoquer les deux règles principales. 232 00:11:32,680 --> 00:11:36,380 D’abord, pour pouvoir saisir le juge, il faut respecter la règle de la 233 00:11:36,580 --> 00:11:37,940 décision préalable. 234 00:11:38,280 --> 00:11:41,200 Pour l’expliquer en bref, la personne qui aurait été victime 235 00:11:41,400 --> 00:11:43,880 d’un dommage ne peut pas saisir directement le juge. 236 00:11:44,160 --> 00:11:47,100 Elle doit d’abord faire une demande d’indemnisation à l’administration 237 00:11:47,300 --> 00:11:50,600 et ce n’est que si l’administration rejette sa demande que la victime 238 00:11:50,800 --> 00:11:51,600 pourra saisir le juge. 239 00:11:51,800 --> 00:11:55,240 Autrement dit, la victime doit d’abord provoquer une décision 240 00:11:55,440 --> 00:11:58,640 de l’administration avant de pouvoir saisir le juge, c’est ce qu’on 241 00:11:58,840 --> 00:12:01,000 appelle la règle de la décision préalable. 242 00:12:01,740 --> 00:12:04,060 De ce point de vue, il y a une petite subtilité, car on verra 243 00:12:04,260 --> 00:12:07,120 plus tard que la victime peut parfois attaquer non pas l’administration, 244 00:12:07,320 --> 00:12:08,980 mais d’autres personnes qui ont participé aux travaux, 245 00:12:09,180 --> 00:12:11,900 par exemple, les entrepreneurs qui ont réalisé les travaux. 246 00:12:12,100 --> 00:12:15,280 Or, si ces personnes sont des personnes privées, la règle de la décision 247 00:12:15,480 --> 00:12:17,720 préalable ne s’applique pas, c’est-à-dire que la victime pourra 248 00:12:17,920 --> 00:12:19,620 directement saisir le juge. 249 00:12:20,620 --> 00:12:23,540 La seconde grande règle en matière de recevabilité, c’est la règle 250 00:12:23,740 --> 00:12:25,120 des délais de saisine. 251 00:12:25,460 --> 00:12:28,440 Ici, il faut à nouveau distinguer selon que la victime attaque 252 00:12:28,640 --> 00:12:30,640 l’administration ou une personne privée. 253 00:12:30,840 --> 00:12:33,560 Si elle attaque l’administration, la victime dispose d’un délai de 254 00:12:33,760 --> 00:12:37,420 deux mois à compter de la décision préalable de l’administration pour 255 00:12:37,620 --> 00:12:40,100 pouvoir saisir le juge, sachant qu’elle peut provoquer 256 00:12:40,300 --> 00:12:43,080 cette décision préalable quand elle veut, à partir du moment où 257 00:12:43,280 --> 00:12:44,400 elle a subi un dommage. 258 00:12:44,640 --> 00:12:47,900 Autrement dit, la victime va subir un dommage qui est causé par des 259 00:12:48,100 --> 00:12:48,980 travaux ou par un ouvrage public. 260 00:12:49,480 --> 00:12:52,520 À partir de ce moment, elle va pouvoir demander quand 261 00:12:52,720 --> 00:12:55,360 elle veut et sans délai, une indemnisation auprès de 262 00:12:55,560 --> 00:12:56,320 l’administration. 263 00:12:56,520 --> 00:12:59,120 Mais une fois qu’elle a reçu une réponse négative de la part de 264 00:12:59,320 --> 00:13:02,030 l’administration, la victime ne dispose plus que d’un délai de 265 00:13:02,230 --> 00:13:04,230 deux mois pour pouvoir saisir le juge. 266 00:13:04,750 --> 00:13:08,010 En revanche, si la victime attaque une personne privée, 267 00:13:08,210 --> 00:13:10,630 elle n’est pas soumise à ce délai de deux mois pour pouvoir saisir 268 00:13:10,830 --> 00:13:13,790 le juge, puisqu’on vient de voir que la règle de la décision préalable 269 00:13:13,990 --> 00:13:16,050 ne s’applique pas aux personnes privées. 270 00:13:17,450 --> 00:13:20,330 À partir de là, la responsabilité des personnes attaquées pourra 271 00:13:20,530 --> 00:13:21,430 être engagée. 272 00:13:21,630 --> 00:13:23,530 C’est ce qu’on verra dans la prochaine vidéo.