1 00:00:05,540 --> 00:00:06,300 Bonjour. 2 00:00:07,260 --> 00:00:09,520 Après les sources constitutionnelles de la matière fiscale, 3 00:00:09,720 --> 00:00:13,780 voyons les sources internationales, et c'est l'objet d'une deuxième 4 00:00:14,800 --> 00:00:15,560 section. 5 00:00:16,080 --> 00:00:20,940 Il se trouve que le droit fiscal est évidemment au cœur de la 6 00:00:21,140 --> 00:00:24,360 souveraineté de l'État en France, comme partout dans le monde. 7 00:00:25,420 --> 00:00:29,300 Le principe du consentement à l'impôt est fondateur de la démocratie 8 00:00:29,500 --> 00:00:35,020 telle qu'on la connaît aujourd'hui, et aujourd'hui, l'ensemble des 9 00:00:35,220 --> 00:00:37,940 dispositions de la loi fiscale sont toujours âprement discutées 10 00:00:38,140 --> 00:00:41,300 et se retrouvent au cœur des discussions publiques, 11 00:00:41,520 --> 00:00:45,540 politiques, au cœur du débat et au cœur de l'action des gouvernements. 12 00:00:45,740 --> 00:00:49,620 C'est la raison pour laquelle on peut comprendre, a priori, 13 00:00:49,820 --> 00:00:54,700 que chaque gouvernement soit assez soucieux que sa souveraineté nationale 14 00:00:54,900 --> 00:00:58,340 soit respectée, que ses marges de manœuvre politiques ne soient 15 00:00:58,540 --> 00:01:03,080 pas rognées, ce qui a priori suggère que les normes internationales 16 00:01:03,280 --> 00:01:05,980 ne devraient pas se développer outre mesure en matière fiscale. 17 00:01:06,180 --> 00:01:10,020 Et pourtant, c'est un mouvement tout à fait inverse auquel on assiste 18 00:01:10,220 --> 00:01:15,080 depuis aujourd'hui pas mal d'années, à la fois sur le plan européen 19 00:01:15,280 --> 00:01:17,360 puisque les sources européennes sont très présentes, 20 00:01:17,560 --> 00:01:19,940 et de plus en plus présentes en matière fiscale, comme on va le voir, 21 00:01:20,160 --> 00:01:24,240 et plus généralement sur le plan à la fois bilatéral et multilatéral 22 00:01:24,440 --> 00:01:27,480 à l'échelle internationale plus globalement, avec là aussi le 23 00:01:27,680 --> 00:01:30,820 développement d'un certain nombre de normes, et l'actualité nous 24 00:01:31,020 --> 00:01:33,440 donne des illustrations extrêmement intéressantes de cela, 25 00:01:33,640 --> 00:01:37,400 qui viennent finalement limiter les marges de manœuvre de chacun 26 00:01:37,600 --> 00:01:41,100 des États parce que ces derniers le veulent bien, bien entendu, 27 00:01:41,300 --> 00:01:45,720 puisqu'il s'agit évidemment pour eux de décider de travailler ensemble 28 00:01:45,920 --> 00:01:51,220 sur des sujets fiscaux en s'engageant 29 00:01:51,880 --> 00:01:57,320 à un certain nombre de normes qui vont venir peser sur les législations 30 00:01:57,520 --> 00:02:01,400 nationales, puisque dans la grande majorité des pays du monde, 31 00:02:01,600 --> 00:02:05,000 une disposition de la même nature que celle de l'article 55 de la 32 00:02:05,200 --> 00:02:09,280 Constitution prévoit que les normes internationales ont une autorité 33 00:02:09,480 --> 00:02:12,100 supérieure à celle des lois, pour reprendre l'expression française, 34 00:02:12,300 --> 00:02:16,760 et priment sur la législation nationale, viennent contraindre 35 00:02:17,220 --> 00:02:20,340 ensuite les législateurs nationaux dans l'élaboration de leur politique 36 00:02:20,540 --> 00:02:21,300 fiscale. 37 00:02:21,500 --> 00:02:25,940 Alors, il se trouve qu'en matière fiscale, ces normes internationales 38 00:02:26,140 --> 00:02:29,160 ont un certain nombre de spécificités sur lesquelles je veux insister. 39 00:02:29,540 --> 00:02:32,560 En envisageant dans un premier temps, mais c'est pour faire le lien avec 40 00:02:32,760 --> 00:02:36,140 ce qu'on a vu précédemment en matière constitutionnelle, la Convention 41 00:02:36,340 --> 00:02:37,760 européenne des droits de l'homme – il n'y a pas véritablement de 42 00:02:37,960 --> 00:02:43,660 hiérarchie dans le choix que je fais ici de commencer avec la 43 00:02:43,860 --> 00:02:44,840 Convention européenne des droits de l'homme. 44 00:02:45,100 --> 00:02:48,460 Voyons cela dans un premier temps, avant de voir le droit de l'Union 45 00:02:48,660 --> 00:02:54,220 européenne et enfin de voir le droit international public de la 46 00:02:54,420 --> 00:02:57,560 fiscalité, si je peux qualifier les choses ainsi, à travers 47 00:02:57,760 --> 00:03:00,240 principalement les conventions bilatérales et également un certain 48 00:03:00,440 --> 00:03:03,340 nombre de conventions multilatérales, nous terminerons sur ce point. 49 00:03:03,540 --> 00:03:07,740 Sous-section première : la Convention européenne des droits 50 00:03:07,940 --> 00:03:08,700 de l'homme. 51 00:03:09,000 --> 00:03:11,740 Vous l'avez déjà côtoyée, j'imagine, dans le cadre de différents 52 00:03:11,940 --> 00:03:15,620 enseignements, vous le savez, cette convention a été signée à Rome, 53 00:03:15,820 --> 00:03:18,300 tout comme le traité de Rome, mais ça n'est pas la même convention, 54 00:03:18,500 --> 00:03:19,260 en 1950. 55 00:03:19,460 --> 00:03:25,120 Elle est aujourd'hui adossée au Conseil de l'Europe qui regroupe 56 00:03:25,320 --> 00:03:34,040 46 États depuis la mise au banc de la Russie à la suite de la tentative 57 00:03:34,240 --> 00:03:41,060 d'annexion de l'Ukraine en 2022 ; 46 États qui font le choix aujourd'hui 58 00:03:41,260 --> 00:03:45,180 de partager un standard minimal de sauvegarde des droits de l'homme, 59 00:03:45,380 --> 00:03:46,880 de préservation des droits de l'homme. 60 00:03:47,080 --> 00:03:52,520 Et l'autre spécificité, au-delà de cet objectif commun, 61 00:03:54,080 --> 00:03:56,860 de ce système du Conseil de l'Europe et de la Convention européenne 62 00:03:57,060 --> 00:04:00,480 des droits de l'homme, c'est qu'une juridiction spéciale 63 00:04:00,680 --> 00:04:05,760 est chargée de vérifier que l'ensemble des États signataires respectent 64 00:04:05,960 --> 00:04:08,960 effectivement ce standard minimal de respect des droits de l'homme. 65 00:04:09,160 --> 00:04:11,160 Cette juridiction, c'est la Cour européenne des droits de l'homme 66 00:04:11,360 --> 00:04:16,560 qui siège à Strasbourg et qui est composée d'autant de juges qu'il 67 00:04:16,760 --> 00:04:17,600 y a d'États membres. 68 00:04:17,820 --> 00:04:21,240 Un juge français est donc membre de la Cour européenne des droits 69 00:04:21,440 --> 00:04:23,540 de l'homme, Mattias Guyomar, par ailleurs membre du Conseil 70 00:04:23,740 --> 00:04:27,500 d'État en ce moment. 71 00:04:27,700 --> 00:04:32,220 Alors, il se trouve que dans cette convention, de multiples dispositions 72 00:04:32,420 --> 00:04:36,040 sont susceptibles de trouver à s'appliquer en matière fiscale 73 00:04:36,240 --> 00:04:42,130 de manière relativement secondaire ou simplement de temps en temps 74 00:04:42,330 --> 00:04:45,940 – pensons aux dispositions relatives à la torture et aux traitements 75 00:04:46,140 --> 00:04:50,540 inhumains et dégradants, pensons au respect de la vie familiale 76 00:04:50,740 --> 00:04:51,500 normale. 77 00:04:52,240 --> 00:04:59,100 Ces stipulations peuvent à l'occasion trouver à s'appliquer à certaines 78 00:04:59,300 --> 00:05:02,100 opérations conduites par l'administration fiscale qui viendrait 79 00:05:02,300 --> 00:05:06,040 s'amuser – c'est heureusement peu fréquent à ma connaissance –à torturer 80 00:05:06,240 --> 00:05:12,590 un contribuable ou à venir fouiller dans le journal de ses enfants. 81 00:05:12,790 --> 00:05:15,160 Vous me pardonnerez, je dis n'importe quoi simplement 82 00:05:15,360 --> 00:05:19,620 pour illustrer le fait que certaines normes, même si elles peuvent à 83 00:05:19,820 --> 00:05:21,960 l'occasion trouver à s'appliquer à des opérations fiscales, 84 00:05:22,160 --> 00:05:26,300 ne concernent ni principalement ni même véritablement la matière 85 00:05:26,500 --> 00:05:27,260 fiscale. 86 00:05:27,460 --> 00:05:29,820 Certaines normes, en revanche, concernent tout à fait la matière 87 00:05:30,020 --> 00:05:35,410 fiscale et c'est sur elles que l'on va se concentrer, 88 00:05:35,610 --> 00:05:36,370 en évoquant d'abord l'article 6, que vous connaissez sans doute 89 00:05:36,570 --> 00:05:40,920 déjà très bien, et plus encore dans un second temps les articles 1P1, 90 00:05:41,340 --> 00:05:43,540 article premier du premier protocole additionnel à la convention, 91 00:05:43,740 --> 00:05:47,000 et article 14, que vous connaissez peut-être un peu moins et qui sont 92 00:05:47,200 --> 00:05:50,260 tout à fait essentiels, et de plus en plus, en matière fiscale. 93 00:05:51,260 --> 00:05:55,360 Commençons donc par l'article 6 de la convention dans un premier 94 00:05:56,760 --> 00:05:57,520 paragraphe. 95 00:05:57,800 --> 00:06:01,300 Vous l'avez côtoyé, cet article 6, et notamment son premier paragraphe, 96 00:06:01,500 --> 00:06:06,380 vient accorder à toute personne le droit d'être entendu, 97 00:06:06,580 --> 00:06:11,440 de voir sa cause entendue – je cite textuellement – "équitablement, 98 00:06:11,640 --> 00:06:14,640 publiquement dans un délai raisonnable, devant un tribunal indépendant 99 00:06:14,840 --> 00:06:18,280 et impartial établi par la loi qui décidera soit des contestations 100 00:06:18,480 --> 00:06:22,780 de ses droits et obligations à caractère civil, soit des accusations 101 00:06:27,020 --> 00:06:27,980 en matière pénale". 102 00:06:28,320 --> 00:06:31,700 Les articles 6 paragraphe 2 et paragraphe 3 viennent préciser 103 00:06:31,900 --> 00:06:35,000 un certain nombre de garanties offertes à ceux qui sont poursuivis 104 00:06:35,200 --> 00:06:35,960 sur le terrain "pénal". 105 00:06:36,160 --> 00:06:42,260 Alors, vous avez déjà rencontré ce principe d'impartialité offert 106 00:06:42,460 --> 00:06:46,000 aux justiciables en matière civile et pénale, mais comme vous le savez 107 00:06:46,200 --> 00:06:49,520 déjà, ces notions de matière civile et de matière pénale, 108 00:06:49,720 --> 00:06:51,960 au sens de la convention, doivent être entendues dans un 109 00:06:52,160 --> 00:06:55,700 sens spécifique et un sens qui est beaucoup plus large que celui 110 00:06:55,900 --> 00:06:58,280 attaché à ces expressions en droit français, en droit interne. 111 00:06:58,480 --> 00:07:03,200 Donc, concrètement, la matière civile au sens CEDH renvoie quasiment 112 00:07:03,400 --> 00:07:06,420 à tous les litiges avec un enjeu pécuniaire. 113 00:07:06,620 --> 00:07:08,700 Si on parle d'argent, à un moment ou à un autre, 114 00:07:08,900 --> 00:07:12,460 et que le juge doit être saisi de cette question pécuniaire, 115 00:07:12,980 --> 00:07:15,640 c'est une matière qui sera vraisemblablement jugée comme civile 116 00:07:15,840 --> 00:07:17,120 par la Cour européenne des droits de l'homme. 117 00:07:17,320 --> 00:07:20,140 De même que dès lors qu'une sanction est édictée non seulement par un 118 00:07:20,340 --> 00:07:23,100 juge répressif, un juge pénal, mais aussi par l'administration, 119 00:07:23,800 --> 00:07:27,760 cette sanction sera assimilée à une sanction pénale au sens de 120 00:07:27,960 --> 00:07:30,920 la convention, et donc le juge ou l'administration qui édicte 121 00:07:31,120 --> 00:07:35,080 ladite sanction sera assimilé à un tribunal qui doit être indépendant 122 00:07:35,280 --> 00:07:37,020 et impartial au sens de la convention. 123 00:07:37,220 --> 00:07:41,780 Il s'agit donc d'un champ d'application extrêmement large de cet article 6. 124 00:07:42,180 --> 00:07:46,420 Il se trouve qu'en matière fiscale, cet article 6 trouve un certain 125 00:07:46,620 --> 00:07:50,080 nombre de points d'impact, pas tant s'agissant des actes 126 00:07:50,280 --> 00:07:52,320 d'imposition que s'agissant des sanctions. 127 00:07:52,520 --> 00:07:57,980 Donc, commençons en quelques mots par A, les actes d'imposition. 128 00:07:58,460 --> 00:08:02,680 La question peut être vite traitée alors même qu'elle a pu se poser 129 00:08:02,880 --> 00:08:05,680 de façon tout à fait urgente, mais il se trouve que depuis un 130 00:08:06,160 --> 00:08:08,720 grand arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 12 juillet 131 00:08:08,920 --> 00:08:12,500 2001 à la demande de Monsieur Ferrazzini contre Italie – c'était 132 00:08:12,700 --> 00:08:19,600 une affaire italienne – la Cour estime en 2001 que l'article 6, 133 00:08:19,800 --> 00:08:23,920 dans son volet dit civil, ne trouve pas à s'appliquer à la 134 00:08:24,120 --> 00:08:27,610 matière fiscale alors même qu'il jugeait l'inverse précédemment 135 00:08:27,810 --> 00:08:31,120 – c'est donc un revirement important de jurisprudence – en considérant, 136 00:08:31,320 --> 00:08:35,360 et au terme d'une explication assez alambiquée et rédigée de manière 137 00:08:35,560 --> 00:08:40,040 assez confuse à mon sens, que la matière fiscale appartient 138 00:08:40,240 --> 00:08:43,860 au cœur des prérogatives de puissance publique, qu'elle relève de rapports 139 00:08:44,060 --> 00:08:50,200 de droit public, et donc que la notion de litige en matière civile 140 00:08:50,400 --> 00:08:54,480 n'est pas touchée par ces litiges fiscaux. 141 00:08:54,680 --> 00:08:56,190 Et donc, concrètement, ce qu'il faut retenir, 142 00:08:56,390 --> 00:09:00,560 c'est que les litiges qui conduisent un contribuable à contester un 143 00:09:00,760 --> 00:09:05,640 acte d'imposition, un impôt, ne peuvent pas entrer dans ce champ 144 00:09:05,840 --> 00:09:09,600 d'application, ce qui veut concrètement dire que si demain vous allez devant 145 00:09:09,800 --> 00:09:12,420 un juge en France ou dans n'importe quel pays du Conseil de l'Europe 146 00:09:12,620 --> 00:09:16,620 pour contester un acte d'imposition, vous ne pourrez pas reprocher au 147 00:09:16,820 --> 00:09:21,040 juge en question d'être dépendant partial, de ne pas respecter les 148 00:09:21,240 --> 00:09:22,240 différentes garanties par l'article 6. 149 00:09:22,440 --> 00:09:25,180 Vous n'êtes pas protégé par les différentes garanties de l'article 150 00:09:25,380 --> 00:09:28,400 6 si vous contestez un acte d'imposition parce que ça n'est 151 00:09:28,600 --> 00:09:32,640 ni du civil ni du pénal au sens de la CEDH. 152 00:09:32,840 --> 00:09:39,600 Alors, cette jurisprudence s'explique d'abord essentiellement par le 153 00:09:39,800 --> 00:09:42,740 souci de la Cour de ne pas être noyée sous les requêtes de 154 00:09:42,940 --> 00:09:46,680 contribuables, et la Cour a toujours préféré se concentrer sur des sujets 155 00:09:46,880 --> 00:09:49,080 qu'elle estime, pour elle, aujourd'hui et depuis maintenant 156 00:09:49,280 --> 00:09:52,880 pas mal d'années, plus importants, des sujets de torture ou des sujets 157 00:09:53,080 --> 00:10:01,240 de liberté publique dans un sens plus urgent, de sorte que cet arrêt 158 00:10:01,440 --> 00:10:05,100 Ferrazzini a été, pour la Cour, une manière justement de se préserver 159 00:10:05,300 --> 00:10:13,900 un peu de tranquillité en s'abstenant de mettre son nez dans des affaires 160 00:10:14,100 --> 00:10:14,860 fiscales avec des sujets procéduraux qui sont évidemment potentiellement 161 00:10:15,060 --> 00:10:15,820 extrêmement fréquents. 162 00:10:16,020 --> 00:10:16,780 Après, est-ce qu'il faut le regretter ? 163 00:10:16,980 --> 00:10:18,960 À la vérité, je n'en suis pas certain, en tout cas du point de vue français, 164 00:10:19,160 --> 00:10:22,180 où des dispositions législatives déjà extrêmement touffues dans 165 00:10:22,380 --> 00:10:24,880 le livre des procédures fiscales, comme on les évoquera, 166 00:10:25,080 --> 00:10:27,120 viennent protéger les contribuables. 167 00:10:27,320 --> 00:10:31,040 Je ne suis pas certain que si la Cour avait jugé différemment, 168 00:10:31,240 --> 00:10:33,520 les contribuables français auraient été mieux protégés et auraient 169 00:10:33,720 --> 00:10:36,280 bénéficié de nouvelles garanties grâce à la Convention, 170 00:10:36,480 --> 00:10:40,120 garanties que n'offriraient pas les différents principes déjà présents 171 00:10:40,320 --> 00:10:43,660 dans la jurisprudence nationale dans le livre des procédures fiscales. 172 00:10:43,860 --> 00:10:47,260 Bref, c'est ainsi, nous ne parlerons plus de l'article 6 au titre des 173 00:10:47,460 --> 00:10:48,220 actes d'imposition. 174 00:10:48,420 --> 00:10:53,800 En revanche, et c'est l'objet d'un B, au titre des sanctions que 175 00:10:54,000 --> 00:10:57,600 l'administration fiscale édicte, là pour la peine, et la chose est 176 00:10:57,800 --> 00:11:08,820 jugée de manière très claire depuis 177 00:11:09,020 --> 00:11:09,780 1994 par un arrêt Bendenoun contre France du 24 février 1994, 178 00:11:09,980 --> 00:11:15,700 le juge de Strasbourg estime que l'édiction par l'administration, 179 00:11:16,120 --> 00:11:20,940 française en l'espèce, de sanctions fiscales est assimilée 180 00:11:21,140 --> 00:11:27,980 à l'édiction de sanctions pénales au sens CEDH et qu'il y a donc bien là, 181 00:11:28,180 --> 00:11:31,560 si la personne s'en plaint, un litige en matière pénale, 182 00:11:31,760 --> 00:11:35,780 et donc une exigence pour l'administration qui va édicter, 183 00:11:35,980 --> 00:11:38,860 ensuite le juge, le cas échéant, qui sera saisi, il y a bien l'exigence 184 00:11:39,060 --> 00:11:44,560 pour ce processus global de sanctions de respecter les garanties offertes 185 00:11:44,760 --> 00:11:49,720 par les articles 6, paragraphes 1er, 2e et 3e, qui, je le rappelle, 186 00:11:49,920 --> 00:11:52,420 pour le 2e et le 3e paragraphe, viennent préciser encore une fois 187 00:11:52,620 --> 00:11:54,660 les garanties offertes en matière pénale au sens CEDH. 188 00:11:54,860 --> 00:11:59,700 Alors, il se trouve que si cette garantie est invocable par l'ensemble 189 00:11:59,900 --> 00:12:03,200 des contribuables à partir du moment où ils font l'objet d'une procédure 190 00:12:03,400 --> 00:12:06,480 de sanctions, ce qui est assez fréquemment le cas… 191 00:12:07,620 --> 00:12:17,980 les statistiques sont difficiles à rendre compte, mais une bonne partie, 192 00:12:18,180 --> 00:12:21,140 je reste volontairement flou, des redressements se traduisent 193 00:12:21,340 --> 00:12:24,320 par un acte d'imposition assorti d'une pénalité, donc d'une sanction. 194 00:12:24,620 --> 00:12:28,640 Il est donc possible de contester l'acte d'imposition sur le fondement 195 00:12:28,840 --> 00:12:35,380 de l'article 6 et sur ses éventuelles contrariétés aux garanties de procédure 196 00:12:35,580 --> 00:12:39,100 d'impartialité que prévoit l'article 6, mais il est possible de contester 197 00:12:39,420 --> 00:12:44,320 la partie sanction du même acte puisque la sanction et le principal 198 00:12:44,520 --> 00:12:48,760 de l'impôt sont compris dans le même acte concrètement contesté 199 00:12:48,960 --> 00:12:50,160 par le contribuable concerné. 200 00:12:50,360 --> 00:12:53,260 Donc, pour la partie sanction, il est possible dans tous les cas 201 00:12:53,460 --> 00:12:58,940 de contester l'éventuelle violation de l'article 6, et donc de considérer 202 00:12:59,140 --> 00:13:01,460 que l'on n'a pas fait l'objet d'un traitement indépendant et impartial, 203 00:13:01,660 --> 00:13:04,260 bla-bla-bla,  en tant que contribuable réprimé. 204 00:13:05,260 --> 00:13:08,440 La question qui se pose est assez subtile en réalité, c'est celle 205 00:13:08,640 --> 00:13:12,560 des garanties concrètes que la CEDH offre au contribuable dans 206 00:13:12,760 --> 00:13:14,240 ce type de situation, au contribuable qui fait l'objet 207 00:13:14,440 --> 00:13:15,200 d'une procédure de sanction. 208 00:13:15,400 --> 00:13:19,620 En effet, et ce point est tout à fait essentiel, il y a deux phases 209 00:13:19,820 --> 00:13:23,180 à distinguer en matière fiscale, comme je viens de le rappeler, 210 00:13:23,380 --> 00:13:25,120 de l'évoquer, et on précisera ces deux phases. 211 00:13:25,320 --> 00:13:28,040 Il y a toujours d'abord une phase administrative, c'est-à-dire que 212 00:13:28,240 --> 00:13:30,700 c'est l'administration, au terme de son contrôle, qui vient édicter 213 00:13:30,900 --> 00:13:32,780 un nouvel acte d'imposition si elle estime que la loi n'a pas 214 00:13:32,980 --> 00:13:37,640 été respectée et qui vient, le cas échéant, assortir cet acte 215 00:13:37,840 --> 00:13:38,740 d'imposition d'une sanction. 216 00:13:38,940 --> 00:13:41,480 Il y a donc une phase administrative de la procédure de sanction. 217 00:13:41,680 --> 00:13:46,500 Ensuite, si le contribuable souhaite contester cela devant le juge, 218 00:13:46,700 --> 00:13:47,920 il y aura une phase juridictionnelle. 219 00:13:49,240 --> 00:13:54,520 Toute la difficulté est d'abord de savoir si au stade administratif, 220 00:13:54,720 --> 00:13:58,680 l'administration doit respecter l'article 6, en gros si 221 00:13:58,880 --> 00:14:03,300 l'administration doit être assimilée à un tribunal statuant en matière 222 00:14:03,500 --> 00:14:06,500 pénale au sens de l'article 6, alors même que par hypothèse, 223 00:14:06,700 --> 00:14:07,910 il s'agit d'une administration. 224 00:14:08,110 --> 00:14:10,060 Alors, il se trouve que la Cour européenne des droits de l'homme 225 00:14:10,260 --> 00:14:16,880 a toujours donné une réponse assez nuancée à cette question en estimant 226 00:14:17,080 --> 00:14:21,720 que par principe, lorsque l'administration sanctionne, 227 00:14:21,920 --> 00:14:25,440 elle doit être assimilée à un juge répressif, en quelque sorte un 228 00:14:25,640 --> 00:14:29,400 juge pénal, et que donc en principe, cette administration doit respecter 229 00:14:29,600 --> 00:14:32,440 les garanties tirées de l'article 6, mais pas nécessairement toutes 230 00:14:32,640 --> 00:14:33,400 les garanties. 231 00:14:33,600 --> 00:14:36,480 C'est là que les choses sont un peu complexes, puisque évidemment, 232 00:14:36,680 --> 00:14:39,160 et je me réfère à l'expression de la Cour européenne des droits 233 00:14:39,360 --> 00:14:43,860 de l'homme, il y a toujours des impératifs de souplesse et d'efficacité 234 00:14:44,060 --> 00:14:47,620 qui motivent les parlements nationaux pour confier à l'administration 235 00:14:47,820 --> 00:14:50,980 plutôt qu'au juge répressif le soin de poursuivre un certain nombre 236 00:14:51,180 --> 00:14:51,940 d'infractions. 237 00:14:52,140 --> 00:14:56,220 Et donc, il serait assez déraisonnable d'exiger de l'administration qu'elle 238 00:14:56,420 --> 00:15:00,080 respecte exactement les mêmes procédures qu'un juge répressif si, 239 00:15:00,280 --> 00:15:03,000 par définition, on a donné à l'administration un certain nombre 240 00:15:03,200 --> 00:15:05,240 de procédures à accomplir pour que ce soit plus simple, 241 00:15:05,440 --> 00:15:06,580 plus facile et plus efficace. 242 00:15:06,780 --> 00:15:10,740 On peut penser aux poursuites en matière fiscale, mais aussi à toutes 243 00:15:10,940 --> 00:15:13,580 les poursuites en matière d'infractions routières, à des contentieux dits 244 00:15:13,780 --> 00:15:18,520 de masse qui seront gérés avec plus d'efficacité par l'administration 245 00:15:18,720 --> 00:15:19,840 et sans perte de temps excessive. 246 00:15:20,040 --> 00:15:23,340 Il serait dommage de mettre des juges pénaux sur chacune des 247 00:15:23,540 --> 00:15:24,740 infractions à la loi fiscale. 248 00:15:24,940 --> 00:15:29,140 Bref, impératif de souplesse d'efficacité dont la Cour européenne 249 00:15:29,340 --> 00:15:30,800 des droits de l'homme tient un certain nombre de conséquences 250 00:15:31,560 --> 00:15:34,600 en considérant, de manière plus implicite qu'explicite, 251 00:15:34,800 --> 00:15:37,080 et c'est là la difficulté, que l'administration n'a pas à 252 00:15:37,280 --> 00:15:40,120 respecter toutes les garanties normalement attachées l'article 6. 253 00:15:40,320 --> 00:15:44,040 J'en donne une, simplement la plus évidente : principe d'indépendance 254 00:15:44,240 --> 00:15:49,140 et d'impartialité du juge, oui, c'est tout à fait vrai pour 255 00:15:49,340 --> 00:15:51,660 les vraies juridictions, si je puis dire, mais on comprend 256 00:15:51,860 --> 00:15:53,480 bien que l'administration fiscale ne peut pas se voir, 257 00:15:53,680 --> 00:15:57,160 ou très difficilement, astreinte à une obligation 258 00:15:57,360 --> 00:16:00,940 d'indépendance puisque par hypothèse, l'administration dépend justement 259 00:16:01,140 --> 00:16:01,900 du gouvernement. 260 00:16:02,100 --> 00:16:04,620 Le ministre des Finances en France, comme ailleurs, est le supérieur 261 00:16:04,820 --> 00:16:05,800 hiérarchique de l'administration. 262 00:16:06,000 --> 00:16:09,340 Et la CEDH n'exige pas de couper ce cordon ombilical, 263 00:16:09,540 --> 00:16:12,320 ce lien hiérarchique, et donc l'exigence d'indépendance 264 00:16:12,520 --> 00:16:16,300 ne trouve a priori pas à s'appliquer en matière fiscale s'agissant des 265 00:16:16,500 --> 00:16:20,080 procédures répressives menées par l'administration. 266 00:16:20,280 --> 00:16:22,350 Sur d'autres exigences, les choses sont plus complexes. 267 00:16:22,550 --> 00:16:25,960 Le Conseil d'État a eu l'occasion d'interpréter la CEDH dans un sens 268 00:16:26,160 --> 00:16:31,320 consistant à exclure, par exemple, la garantie attachée 269 00:16:31,520 --> 00:16:33,620 à la présence d'un avocat, y compris pour ceux qui n'en ont 270 00:16:33,820 --> 00:16:36,440 pas les moyens, devant l'administration. 271 00:16:36,640 --> 00:16:45,040 Même chose pour l'exigence de se voir adjoints les talents d'un 272 00:16:45,240 --> 00:16:47,160 traducteur pour la personne qui ne connaît pas la langue. 273 00:16:47,360 --> 00:16:51,280 Donc, ces différentes garanties qui sont proposées, et même exigées 274 00:16:51,480 --> 00:16:55,480 par l'article 6 s'agissant des véritables procédures pénales et 275 00:16:55,680 --> 00:16:58,880 des procédures de sanctions devant une juridiction, concrètement l'aide 276 00:16:59,080 --> 00:17:01,040 juridictionnelle dont vous pouvez bénéficier en France dès que vous 277 00:17:01,240 --> 00:17:04,340 êtes devant une juridiction pénale ou une juridiction générale, 278 00:17:05,440 --> 00:17:11,520 ces différentes garanties ne sont pas proposées au stade administratif 279 00:17:11,720 --> 00:17:14,820 de la sanction et le Conseil d'État et la CEDH, à ma connaissance, 280 00:17:15,020 --> 00:17:19,100 ne se sont pas clairement prononcés là-dessus. 281 00:17:19,300 --> 00:17:21,740 Mais le Conseil d'État a considéré que l'article 6 ne trouvait pas 282 00:17:21,940 --> 00:17:24,560 nécessairement à s'appliquer, sans pour autant qu'il y ait une 283 00:17:24,760 --> 00:17:27,020 violation des garanties européennes. 284 00:17:27,220 --> 00:17:33,620 En revanche, dès la phase juridictionnelle de la sanction, 285 00:17:33,820 --> 00:17:36,160 l'ensemble des garanties attachées à l'article 6 doivent être respectées. 286 00:17:36,640 --> 00:17:38,740 Une fois que vous vous retrouvez devant le tribunal administratif, 287 00:17:38,940 --> 00:17:42,120 devant le tribunal judiciaire, toutes les garanties doivent évidemment 288 00:17:42,320 --> 00:17:43,080 être respectées. 289 00:17:43,280 --> 00:17:49,220 Alors, il se trouve qu'une nouvelle difficulté se pose ici, 290 00:17:49,420 --> 00:17:53,360 c'est celle de savoir comment appliquer concrètement ces différentes garanties, 291 00:17:53,560 --> 00:17:57,060 et une divergence persiste – et c'est un peu anecdotique, 292 00:17:57,260 --> 00:17:58,640 vous allez le comprendre, mais tout de même intéressant – 293 00:17:58,840 --> 00:18:01,200 entre le Conseil d'État à la Cour de cassation à ce stade, 294 00:18:01,400 --> 00:18:05,980 et notamment pour savoir ce qu'impliquent, en termes de contrôle 295 00:18:06,180 --> 00:18:11,660 de proportionnalité, les sanctions fiscales, les exigences de l'article 6. 296 00:18:11,860 --> 00:18:16,740 Le sujet de difficulté porte sur la question de la modulation des 297 00:18:16,940 --> 00:18:18,500 taux de sanctions prévus par la loi française puisque, 298 00:18:18,700 --> 00:18:23,360 en effet, on le reprécisera, pour l'essentiel des sanctions 299 00:18:23,560 --> 00:18:27,400 édictées par l'administration fiscale, celles-ci reposent sur les articles 300 00:18:27,600 --> 00:18:31,980 1728 et 1729 du Code général des impôts qui prévoit, selon les 301 00:18:32,180 --> 00:18:36,980 situations, des taux de sanctions de 10, 40, 80 % du montant de l'impôt éludé, 302 00:18:37,180 --> 00:18:43,100 c'est-à-dire qu'il y a donc un quantum de peine qui est en proportion 303 00:18:43,300 --> 00:18:46,500 de l'impôt qui aurait dû être payé dans un premier temps, 304 00:18:46,700 --> 00:18:51,820 en fonction notamment de l'intention ou pas de contribuables de tricher, 305 00:18:52,020 --> 00:18:52,780 de frauder. 306 00:18:52,980 --> 00:18:57,300 Mais, et c'est le point essentiel, à la différence de ce que le Code 307 00:18:57,500 --> 00:19:01,160 pénal connaît en France, ces quantums de peine ne sont pas 308 00:19:01,360 --> 00:19:07,820 des plafonds, ce sont des quantums fixes, c'est-à-dire que la loi prévoit, 309 00:19:08,020 --> 00:19:11,120 en particulier en cas de manquement délibéré, c'est l'expression de 310 00:19:11,320 --> 00:19:15,600 l'article 1729 du Code général des impôts, en cas de manquement 311 00:19:15,800 --> 00:19:19,260 délibéré, c'est en principe une sanction de 40 % de l'impôt éludé 312 00:19:19,460 --> 00:19:21,200 de l'impôt qui aurait dû être payé dans un premier temps. 313 00:19:21,400 --> 00:19:28,740 Et donc, la question s'est posée de savoir si cette majoration fixe 314 00:19:28,940 --> 00:19:39,840 posée par la loi pouvait être modulée par le juge sur le fondement des 315 00:19:40,040 --> 00:19:40,800 exigences européennes. 316 00:19:41,000 --> 00:19:41,840 Du côté du Conseil d'État, dans un premier temps, 317 00:19:42,040 --> 00:19:45,300 la réponse n'a jamais varié, elle a toujours été négative. 318 00:19:45,500 --> 00:19:48,660 Le Conseil d'État a toujours considéré qu'il lui appartenait d'appliquer 319 00:19:48,860 --> 00:19:51,660 la loi, et donc d'appliquer le cas échéant le montant de sanctions 320 00:19:51,860 --> 00:19:55,100 de 40 % prévu par la loi, mais en aucun cas de moduler ce 321 00:19:55,300 --> 00:19:59,240 montant en fonction du comportement du contribuable, comme le ferait 322 00:19:59,440 --> 00:20:01,320 le juge pénal avec une sanction pénale. 323 00:20:01,900 --> 00:20:04,220 Lorsqu'une peine de 10 ans d'emprisonnement est prévue, 324 00:20:04,420 --> 00:20:06,300 il est évidemment toujours possible de condamner à 8 ans, 325 00:20:06,500 --> 00:20:10,120 7 ans, 6 ans, 5 ans et demi, etc., en fonction de la situation 326 00:20:10,320 --> 00:20:11,080 d'espèce. 327 00:20:11,280 --> 00:20:13,580 C'est l'exigence d'individualisation des peines qui est tout à fait 328 00:20:13,780 --> 00:20:16,900 essentielle en matière pénale, mais pas en matière fiscale d'après 329 00:20:17,100 --> 00:20:18,080 le Conseil d'État. 330 00:20:18,280 --> 00:20:21,300 En revanche, la Cour de cassation a considéré… 331 00:20:21,500 --> 00:20:26,820 c'est un arrêt Ferreira de 1997, du 29 avril 1997 de la chambre 332 00:20:27,320 --> 00:20:28,080 commerciale. 333 00:20:28,280 --> 00:20:32,060 Cet arrêt Ferreira de 97, à rebours de ce qu'a toujours (juré) 334 00:20:32,260 --> 00:20:35,600 le Conseil d'État, a estimé qu'il appartenait au contraire à la Cour 335 00:20:35,800 --> 00:20:38,640 de cassation, elle, lorsqu'elle était saisie de litiges équivalents, 336 00:20:38,840 --> 00:20:42,480 l'application de sanctions fiscales, de moduler le cas échéant ces taux 337 00:20:42,680 --> 00:20:46,360 fixés par la loi pour respecter les exigences de la CEDH. 338 00:20:46,560 --> 00:20:50,560 Alors il se trouve que cette contrariété de jurisprudence a 339 00:20:50,760 --> 00:20:56,260 été appréciée par la Cour européenne des droits de l'homme puisque dans 340 00:20:56,460 --> 00:20:59,020 un arrêt du 7 juin 2012, Segame, société Segame, 341 00:20:59,520 --> 00:21:03,100 la Cour européenne des droits de l'homme a été saisie en réalité 342 00:21:03,300 --> 00:21:06,760 de la manière dont le Conseil d'État appliquait la CEDH, la Convention, 343 00:21:06,960 --> 00:21:09,100 et il se trouve que la Cour européenne des droits de l'homme, 344 00:21:09,300 --> 00:21:13,480 alors a a priori donné raison au Conseil d'État en estimant que 345 00:21:13,680 --> 00:21:18,480 le Conseil d'État ne violait pas la Convention en refusant de moduler 346 00:21:18,680 --> 00:21:20,460 les taux de sanctions prévu par la loi. 347 00:21:20,660 --> 00:21:23,440 Alors cela apparaît apparemment comme une sorte de victoire 348 00:21:23,640 --> 00:21:26,300 intellectuelle en tout cas juridique du Conseil d'État contre la Cour 349 00:21:26,500 --> 00:21:28,960 de cassation, mais on peut, je pense, avoir une lecture un 350 00:21:29,160 --> 00:21:32,800 petit peu plus nuancée des choses en rappelant une sorte d'évidence 351 00:21:33,280 --> 00:21:35,400 qu'oublie peut-être parfois un petit peu le Conseil d'État, 352 00:21:35,600 --> 00:21:38,560 c'est que la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas 353 00:21:38,760 --> 00:21:44,880 un plafond, mais un plancher justement, 354 00:21:45,080 --> 00:21:48,680 et que si effectivement le Conseil d'État est au-dessus du plancher, 355 00:21:48,880 --> 00:21:57,440 il respecte le minimum syndical en termes de respect des droits 356 00:21:57,640 --> 00:21:58,400 de l'homme, l'esprit même de la Convention au-delà de sa lettre, 357 00:21:58,600 --> 00:22:02,020 c'est de tirer vers le haut le respect des droits de l'homme et 358 00:22:02,220 --> 00:22:03,560 le niveau de protection offert par le juge. 359 00:22:03,760 --> 00:22:07,580 Et donc lorsque la Cour de cassation vient moduler les taux de sanctions 360 00:22:07,780 --> 00:22:12,740 au nom d'un meilleur respect finalement des droits de l'homme puisqu'il 361 00:22:12,940 --> 00:22:17,000 s'agit de donner plus de garanties évidemment au contribuable de cette 362 00:22:17,200 --> 00:22:21,620 manière, on ne peut pas dire que la Cour de cassation viole la CEDH. 363 00:22:21,820 --> 00:22:27,160 Néanmoins, et je termine sur ce point, sans distribuer des bons et des 364 00:22:27,360 --> 00:22:30,100 mauvais points et arbitrer entre les dépositions, ce qui est certain, 365 00:22:30,300 --> 00:22:32,590 c'est que d'une part, en pratique, le juge judiciaire, 366 00:22:32,790 --> 00:22:35,200 alors qui est peu saisi en matière fiscale, mais qui l'est quand même 367 00:22:35,400 --> 00:22:39,800 de quelques centaines d'affaires par an, le juge judiciaire fiscal, 368 00:22:40,000 --> 00:22:43,440 en pratique, ne module presque pas et sans doute pas du tout en 369 00:22:43,640 --> 00:22:44,680 réalité les sanctions. 370 00:22:44,880 --> 00:22:47,060 Donc il a admis en 97 par principe qu'il pouvait le faire, 371 00:22:47,260 --> 00:22:50,160 mais en pratique, il le fait très peu et deuxième élément, 372 00:22:50,360 --> 00:22:54,140 tant mieux sans doute, car il est extrêmement difficile 373 00:22:54,340 --> 00:22:57,800 de se lancer dans une logique d'individualisation des peines 374 00:22:58,000 --> 00:23:03,080 en matière fiscale en prenant en compte des considérations personnelles 375 00:23:03,280 --> 00:23:05,960 qui sans doute n'ont qu'assez peu lieu d'être en matière fiscale, 376 00:23:06,160 --> 00:23:09,040 à la différence de la matière pénale, le fait d'avoir été un enfant battu 377 00:23:09,240 --> 00:23:13,260 ne justifie pas nécessairement de frauder l'impôt ensuite, 378 00:23:13,460 --> 00:23:16,420 là où la considération peut être prise en compte devant le juge 379 00:23:16,620 --> 00:23:21,660 pénal dans d'autres circonstances, bref on peut supposer que si en effet, 380 00:23:21,860 --> 00:23:24,540 les juges s'amusaient, si je puis dire, à moduler les 381 00:23:24,740 --> 00:23:27,340 taux de sanctions, on aboutirait à des traitements très différents 382 00:23:27,540 --> 00:23:30,100 de situations en réalité sans doute équivalentes et donc je ne suis 383 00:23:30,300 --> 00:23:33,560 pas certain que finalement, on y gagnerait beaucoup en termes 384 00:23:33,760 --> 00:23:38,340 d'équité de traitement finalement et que donc sans doute la position 385 00:23:38,540 --> 00:23:41,080 du Conseil d'État paraît finalement plus sage, et en tout cas, 386 00:23:41,280 --> 00:23:45,980 plus respectueuse de la loi nationale, c'est tout à fait certain et des 387 00:23:46,180 --> 00:23:48,840 dispositions qui en matière fiscale ne prévoient pas une telle modulation.