1 00:00:05,170 --> 00:00:08,970 Toutes les normes internationales ne peuvent pas être invoquées devant 2 00:00:09,170 --> 00:00:13,170 le juge administratif à l'occasion d'un recours contre un acte pris 3 00:00:13,370 --> 00:00:14,430 par l'administration. 4 00:00:14,670 --> 00:00:15,430 Voyons cela. 5 00:00:15,750 --> 00:00:16,510 B. 6 00:00:16,710 --> 00:00:20,390 Les conditions d'invocabilité des normes internationales. 7 00:00:20,590 --> 00:00:23,630 Pour être invocable, une norme du droit international 8 00:00:23,830 --> 00:00:27,350 doit satisfaire à plusieurs conditions. 9 00:00:28,050 --> 00:00:31,970 Premièrement, cette convention doit être ratifiée ou approuvée, 10 00:00:32,170 --> 00:00:36,290 elle doit avoir été publiée, elle doit avoir un effet direct, 11 00:00:36,490 --> 00:00:40,410 et enfin elle doit être appliquée de manière réciproque. 12 00:00:40,730 --> 00:00:43,730 Reprenons ces quatre critères. 13 00:00:44,030 --> 00:00:48,430 Premièrement donc, un traité ou un accord, pour pouvoir être invoqué, 14 00:00:48,630 --> 00:00:52,110 doit avoir été préalablement ratifié ou approuvé. 15 00:00:52,450 --> 00:00:55,610 Cela est prévu par l'article 55 de la Constitution. 16 00:00:56,110 --> 00:01:02,910 Pour qu'un traité ait une valeur plus importante que celle de la loi, 17 00:01:03,350 --> 00:01:07,050 il faut qu'il ait été régulièrement ratifié ou approuvé. 18 00:01:07,810 --> 00:01:12,430 Il ne suffit donc pas qu'un traité ou un accord ait été signé par 19 00:01:12,630 --> 00:01:15,570 le président de la République, par le Premier ministre ou par 20 00:01:15,770 --> 00:01:19,590 le ministre des Affaires étrangères pour avoir des effets juridiques, 21 00:01:19,790 --> 00:01:23,070 et notamment des conséquences dans notre droit interne. 22 00:01:23,270 --> 00:01:26,870 Et donc, pour pouvoir être invoqué devant le juge administratif, 23 00:01:27,330 --> 00:01:30,930 la signature du traité doit être confirmée. 24 00:01:31,410 --> 00:01:34,950 Et cette confirmation prend la forme de deux procédures, 25 00:01:35,270 --> 00:01:39,250 dans le détail desquelles je ne rentre pas : soit la ratification, 26 00:01:39,490 --> 00:01:43,330 soit l'approbation, la ratification étant plus importante que 27 00:01:43,530 --> 00:01:44,290 l'approbation. 28 00:01:46,050 --> 00:01:50,050 Il existe plusieurs procédures de ratification et d'approbation. 29 00:01:51,050 --> 00:01:55,110 L'article 53 de la Constitution prévoit que certains traités 30 00:01:55,310 --> 00:01:58,070 internationaux doivent être ratifiés par le Parlement. 31 00:01:58,650 --> 00:02:03,770 Une loi de ratification est parfois nécessaire et sans cette loi de 32 00:02:03,970 --> 00:02:07,450 ratification, le texte ne produit pas ses effets en droit français. 33 00:02:07,670 --> 00:02:12,990 Je vous renvoie à la lecture de l'article 53 pour identifier les 34 00:02:13,190 --> 00:02:15,890 différents cas dans lesquels il est nécessaire d'abord d'adopter 35 00:02:16,090 --> 00:02:21,410 une loi de ratification avant qu'un traité puisse être invoqué en droit 36 00:02:21,610 --> 00:02:22,370 français. 37 00:02:24,070 --> 00:02:26,470 Si l'on ne se trouve pas dans un des cas de l'article 53, 38 00:02:27,990 --> 00:02:32,510 un simple décret de ratification ou d'approbation suffit. 39 00:02:33,990 --> 00:02:38,170 Lorsque le juge est saisi d'un recours fondé sur un traité, 40 00:02:38,410 --> 00:02:42,210 il vérifie que ce traité a été ratifié selon la bonne procédure, 41 00:02:42,490 --> 00:02:46,570 soit selon la procédure de l'article 53, c'est-à-dire approbation ou 42 00:02:46,770 --> 00:02:51,230 ratification législative, sinon il s'agit simplement d'un 43 00:02:51,430 --> 00:02:56,990 contrôle du décret qui a été adopté pour ratifier la convention ou 44 00:02:57,190 --> 00:02:57,950 le traité. 45 00:02:58,350 --> 00:03:00,530 C'était donc le premier point : il faut d'abord qu'il y ait 46 00:03:00,730 --> 00:03:04,530 ratification ou approbation, sinon pas d'invocabilité possible. 47 00:03:05,290 --> 00:03:09,350 Deuxièmement, les conventions ne produisent leurs effets juridiques 48 00:03:09,550 --> 00:03:11,590 que si elles ont été publiées. 49 00:03:12,270 --> 00:03:15,870 C'est le président de la République qui prend les décrets de publication, 50 00:03:16,530 --> 00:03:20,670 c'est-à-dire les décrets qui font paraître les conventions dans le 51 00:03:20,870 --> 00:03:25,170 journal officiel, ce qui les rend opposables, ce qui leur donne une 52 00:03:25,370 --> 00:03:26,470 force juridique. 53 00:03:27,030 --> 00:03:32,050 Et si la publication a eu lieu, le traité ou la convention peut 54 00:03:32,250 --> 00:03:34,230 être invoqué devant le juge. 55 00:03:35,010 --> 00:03:39,670 Alors, le Conseil d'État a rendu un arrêt sur cette question le 56 00:03:39,870 --> 00:03:44,970 18 décembre 1998, SARL du parc d'activité de Blotzheim : 57 00:03:45,870 --> 00:03:51,310 le juge peut contrôler la publication d'un traité, mais il ne peut contrôler 58 00:03:51,510 --> 00:03:58,470 cette publication que si le traité a été correctement ratifié ou approuvé 59 00:03:58,670 --> 00:03:59,470 préalablement. 60 00:04:00,910 --> 00:04:04,610 Et évidemment, par rapport à ce que je vous ai dit dans la précédente 61 00:04:04,810 --> 00:04:08,310 vidéo, le juge ne peut pas contrôler le contenu du traité. 62 00:04:08,810 --> 00:04:13,450 Cela relève du Conseil constitutionnel dans l'application de l'article 63 00:04:13,650 --> 00:04:15,210 54 de la Constitution. 64 00:04:15,770 --> 00:04:20,390 Le Conseil d'État n'est pas compétent pour vérifier si un traité est 65 00:04:20,590 --> 00:04:24,650 conforme au droit interne, à l'occasion de la contestation 66 00:04:24,850 --> 00:04:27,150 d'un décret de publication de ce traité. 67 00:04:28,170 --> 00:04:30,710 C'était le deuxième point : il faut d'abord que le traité soit 68 00:04:30,910 --> 00:04:35,330 publié pour produire ses effets et pour être donc invocable devant 69 00:04:35,530 --> 00:04:37,450 le juge administratif. 70 00:04:37,650 --> 00:04:42,030 Troisièmement, les conventions ne peuvent être invoquées que si 71 00:04:42,230 --> 00:04:44,870 leurs stipulations ont un effet direct. 72 00:04:46,090 --> 00:04:49,150 Un grand nombre de stipulations du droit international sont vagues, 73 00:04:49,410 --> 00:04:51,030 sont générales. 74 00:04:51,230 --> 00:04:55,410 Elles ne peuvent pas être interprétées comme véritablement contraignantes 75 00:04:55,610 --> 00:04:59,770 pour les États, et donc comme contraignantes pour l'administration 76 00:04:59,970 --> 00:05:00,890 dans son activité. 77 00:05:02,190 --> 00:05:07,020 On ne peut invoquer contre l'administration des stipulations 78 00:05:07,220 --> 00:05:11,770 du droit international que si elles ont un effet direct, 79 00:05:11,970 --> 00:05:17,750 c'est-à-dire que si elles créent des droits dans le patrimoine des 80 00:05:17,950 --> 00:05:22,570 administrés, des droits qui peuvent être revendiqués devant le juge 81 00:05:22,770 --> 00:05:23,530 administratif. 82 00:05:24,590 --> 00:05:27,150 Alors, je vais évoquer ici une affaire très importante sur cette 83 00:05:27,350 --> 00:05:30,510 question de l'effet direct, une décision du Conseil d'État 84 00:05:30,710 --> 00:05:35,650 du 11 avril 2012 : GISTI et FAPIL. 85 00:05:35,970 --> 00:05:39,810 Dans cette décision, le Conseil d'État a donné un mode 86 00:05:40,010 --> 00:05:44,330 d'emploi pour apprécier l'effet direct des stipulations, 87 00:05:44,530 --> 00:05:49,270 et donc pour déterminer si ces stipulations peuvent être invoquées 88 00:05:49,470 --> 00:05:53,030 à l'occasion d'un recours contre un acte administratif. 89 00:05:53,950 --> 00:05:56,070 Les stipulations, pour pouvoir être invoquées, doivent, 90 00:05:56,270 --> 00:06:02,690 je cite, "ne pas avoir pour objet 91 00:06:02,890 --> 00:06:05,830 exclusif de régir les relations entre États". 92 00:06:06,930 --> 00:06:12,410 Elles doivent, ces stipulations internationales, créer des droits 93 00:06:12,610 --> 00:06:15,110 pour les administrés, pour les individus. 94 00:06:15,850 --> 00:06:19,670 Si aucun droit n'est créé dans le patrimoine des individus, 95 00:06:20,010 --> 00:06:24,140 ceux-ci ne peuvent pas les invoquer devant le juge. 96 00:06:25,820 --> 00:06:32,060 De plus, le Conseil d'État poursuit en précisant que les stipulations 97 00:06:32,260 --> 00:06:39,300 du droit international ne doivent pas requérir l'intervention d'un 98 00:06:39,500 --> 00:06:43,740 acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers. 99 00:06:44,180 --> 00:06:46,360 Intervention d'aucun acte complémentaire. 100 00:06:46,560 --> 00:06:51,140 C'est-à-dire que lorsque l'on se trouve face à une stipulation du 101 00:06:51,340 --> 00:06:57,520 droit international, celle-ci ne doit pas être précisée par d'autres 102 00:06:57,720 --> 00:07:02,780 dispositions éventuellement adoptées par l'État pour préciser les 103 00:07:02,980 --> 00:07:06,620 conséquences de cette convention internationale dans notre droit 104 00:07:06,820 --> 00:07:07,580 interne. 105 00:07:07,780 --> 00:07:11,000 Il faut, pour pouvoir invoquer une convention internationale, 106 00:07:11,200 --> 00:07:13,980 que celle-ci soit claire, que celle-ci soit précise. 107 00:07:14,360 --> 00:07:18,800 Ce n'est que dans ce cas-là qu'elle a un effet direct et qu'elle peut 108 00:07:19,000 --> 00:07:21,800 donc être invoquée devant le juge administratif. 109 00:07:22,620 --> 00:07:26,260 Et pour faire cela, donc pour vérifier si la convention ne fait pas que 110 00:07:26,460 --> 00:07:32,820 créer des obligations et des droits entre États, ou si cette convention 111 00:07:33,020 --> 00:07:37,280 internationale n'exige pas d'autres actes, pour apprécier cela, 112 00:07:37,620 --> 00:07:42,780 le juge se fonde sur les stipulations de la convention, mais il peut 113 00:07:42,980 --> 00:07:47,340 aussi se fonder sur la rédaction générale de la convention ou alors 114 00:07:47,540 --> 00:07:49,820 rechercher l'intention des partis. 115 00:07:50,520 --> 00:07:55,860 Donc, le Conseil d'État précise que le juge administratif a une 116 00:07:56,060 --> 00:07:59,460 marge de manœuvre, une marge d'interprétation assez large pour 117 00:07:59,660 --> 00:08:04,440 déterminer si des stipulations du droit international ont un effet 118 00:08:04,640 --> 00:08:06,100 direct ou pas. 119 00:08:06,840 --> 00:08:07,880 C'était le troisième point. 120 00:08:08,240 --> 00:08:12,060 Quatrième point, les normes internationales ne peuvent être 121 00:08:12,260 --> 00:08:18,080 invoquées que si elles sont appliquées de manière réciproque par les autres 122 00:08:18,280 --> 00:08:20,220 États qui sont parties à la convention. 123 00:08:20,500 --> 00:08:23,920 C'est ce que prévoit l'article 55 de la Constitution, que j'ai 124 00:08:24,120 --> 00:08:24,880 cité précédemment. 125 00:08:26,320 --> 00:08:30,960 Il y a en effet, par exemple pour les conventions bilatérales, 126 00:08:31,160 --> 00:08:36,680 la nécessité que l'autre parti, l'autre État qui a signé la convention 127 00:08:36,880 --> 00:08:40,640 avec la France, applique elle aussi cette convention internationale. 128 00:08:40,840 --> 00:08:44,560 Si cet autre État n'applique pas la convention internationale, 129 00:08:44,920 --> 00:08:50,940 il n'y a pas de sens pour notre juridiction nationale de faire 130 00:08:51,140 --> 00:08:54,860 primer la convention qui n'est pas respectée. 131 00:08:55,300 --> 00:08:59,840 Donc, il faut que la convention soit appliquée de manière réciproque 132 00:09:00,040 --> 00:09:05,020 pour qu'elle puisse être invoquée par un justiciable devant le juge 133 00:09:05,220 --> 00:09:06,020 administratif. 134 00:09:06,740 --> 00:09:11,220 Mais tout de même, il y a un grand nombre de normes internationales 135 00:09:11,420 --> 00:09:15,680 qui échappent à tout contrôle de l'application réciproque. 136 00:09:16,200 --> 00:09:19,460 C'est notamment le cas des conventions qui assurent la protection des 137 00:09:19,660 --> 00:09:20,420 droits de l'homme. 138 00:09:20,620 --> 00:09:25,200 On estime en effet que le non-respect des droits de l'homme par un autre 139 00:09:25,400 --> 00:09:30,520 État ne permet pas à la France de ne pas respecter les droits 140 00:09:30,720 --> 00:09:31,480 de l'homme. 141 00:09:31,680 --> 00:09:34,320 Donc, une convention relative à la protection des droits de l'homme 142 00:09:34,520 --> 00:09:35,280 doit toujours être appliquée. 143 00:09:35,480 --> 00:09:38,140 C'est par exemple le cas de la convention européenne des droits 144 00:09:38,340 --> 00:09:47,220 de l'homme, dont la France ne fournit 145 00:09:47,420 --> 00:09:50,760 pas le meilleur exemple dans le respect des stipulations de la 146 00:09:50,960 --> 00:09:52,260 convention européenne des droits de l'homme. 147 00:09:52,660 --> 00:09:54,620 Mais la France ne peut en tout cas pas invoquer, par exemple, 148 00:09:54,820 --> 00:09:58,680 la violation de cette convention par la Russie pour ne pas respecter 149 00:09:58,880 --> 00:10:02,320 les droits de l'homme et les libertés fondamentales. 150 00:10:02,700 --> 00:10:08,420 Autre cas dans lequel l'absence d'application réciproque ne peut 151 00:10:08,620 --> 00:10:11,160 pas être invoquée, il s'agit bien évidemment du droit de l'Union 152 00:10:11,360 --> 00:10:12,120 européenne. 153 00:10:12,460 --> 00:10:17,660 Le droit de l'Union européenne est un ordre juridique tellement 154 00:10:17,860 --> 00:10:23,460 intégré qu'il n'est jamais possible d'invoquer le non-respect par un 155 00:10:23,660 --> 00:10:28,200 autre État du droit de l'Union européenne pour se décharger du 156 00:10:28,400 --> 00:10:32,660 respect des traités européens, des règlements, des directives 157 00:10:32,860 --> 00:10:36,500 dont il sera question dans les prochaines vidéos, qui seront donc 158 00:10:36,700 --> 00:10:39,140 relatives au droit de l'Union européenne.