1 00:00:07,100 --> 00:00:11,420 Continuons sur ces actes non décisoires de l’administration. 2 00:00:11,820 --> 00:00:12,580 2. 3 00:00:12,980 --> 00:00:16,760 Les actes de droit souple des autorités de régulation. 4 00:00:17,920 --> 00:00:21,560 Le droit souple, c’est ce que nous avons vu dans la vidéo précédente, 5 00:00:21,920 --> 00:00:25,740 est traditionnel à l’intérieur de l’administration avec les 6 00:00:25,940 --> 00:00:29,260 circulaires et les directives aujourd’hui appelées lignes 7 00:00:29,460 --> 00:00:30,220 directrices. 8 00:00:30,420 --> 00:00:33,120 Beaucoup plus récemment, à partir des années 80, 9 00:00:34,040 --> 00:00:38,400 se sont développés des actes de droit souple, non plus à destination 10 00:00:38,860 --> 00:00:42,940 des fonctionnaires, des agents de l’administration, mais à destination 11 00:00:43,140 --> 00:00:45,320 des entreprises et des administrés. 12 00:00:46,560 --> 00:00:51,040 Ce droit souple s’est développé dans le cadre des activités de 13 00:00:51,240 --> 00:00:56,040 régulation économique des autorités administratives, en particulier 14 00:00:56,240 --> 00:01:01,380 des AAI et des API, autorités des marchés financiers, autorités de 15 00:01:01,580 --> 00:01:05,400 la concurrence, ARCEP, ARCOM, Commission de régulation 16 00:01:05,600 --> 00:01:08,880 de l’énergie, Autorité de sûreté nucléaire, etc. 17 00:01:09,600 --> 00:01:17,120 Bref, des autorités qui ont pour mission la régulation de secteurs 18 00:01:17,320 --> 00:01:18,800 de l’économie. 19 00:01:19,100 --> 00:01:23,340 Ces autorités administratives peuvent prendre des actes de droit dur. 20 00:01:23,880 --> 00:01:26,600 Je vous le disais dans une vidéo précédente, ces autorités 21 00:01:26,800 --> 00:01:32,420 administratives peuvent édicter des réglementations, mais à côté 22 00:01:32,620 --> 00:01:36,820 de leur pouvoir de réglementation, leur pouvoir de sanction, 23 00:01:37,280 --> 00:01:40,860 etc., elles ont des pouvoirs souples. 24 00:01:41,060 --> 00:01:47,280 Elles ont la faculté d’adopter des avis, des recommandations, 25 00:01:47,740 --> 00:01:51,520 d’émettre des mises en garde, prendre des positions, 26 00:01:51,920 --> 00:01:56,600 faire des communiqués de presse, édicter par exemple des standards, 27 00:01:57,040 --> 00:02:01,560 des guides à destination des opérateurs économiques. 28 00:02:02,140 --> 00:02:06,840 Ces autorités recommandent des bonnes pratiques, mettent en garde 29 00:02:07,040 --> 00:02:11,920 sur des opérations risquées, attirent l’attention des opérateurs 30 00:02:12,120 --> 00:02:16,780 sur une évolution des standards internationaux, proposent des guides 31 00:02:16,980 --> 00:02:17,740 techniques. 32 00:02:17,940 --> 00:02:20,000 Bref, je passe sur les détails. 33 00:02:20,500 --> 00:02:23,840 Vous comprenez l’idée, ces autorités prennent des actes 34 00:02:24,040 --> 00:02:29,620 qui ne sont pas fondamentalement contraignants, des actes qui ne 35 00:02:29,820 --> 00:02:34,960 prévoient pas de sanctions pour les comportements qui s’en 36 00:02:35,160 --> 00:02:36,260 écarteraient. 37 00:02:36,580 --> 00:02:40,500 Ce sont cependant des actes qui ont vocation à influencer le 38 00:02:40,700 --> 00:02:44,120 comportement des entreprises et à influencer le comportement des 39 00:02:44,320 --> 00:02:45,200 particuliers. 40 00:02:45,560 --> 00:02:48,860 Ils ne sont pas obligatoires, ils ne sont pas sanctionnés, 41 00:02:49,060 --> 00:02:54,270 mais ils ont des effets sur les comportements des administrés. 42 00:02:54,470 --> 00:02:55,920 Sinon, il n’y aurait pas lieu de les prendre. 43 00:02:56,120 --> 00:02:58,880 Ils ont bien un but, ces actes. 44 00:03:00,740 --> 00:03:07,460 Les autorités de régulation ont aussi des pouvoirs beaucoup plus 45 00:03:07,660 --> 00:03:11,320 contraignants, par exemple les pouvoirs d’inspection, les pouvoirs 46 00:03:11,520 --> 00:03:16,540 de sanction, la possibilité de retirer un agrément qui est nécessaire 47 00:03:16,740 --> 00:03:18,800 pour avoir une activité. 48 00:03:19,500 --> 00:03:24,000 Elles peuvent également saisir le procureur de la République pour 49 00:03:24,200 --> 00:03:25,760 donner des suites pénales à une affaire. 50 00:03:26,420 --> 00:03:34,440 Bref, ces autorités ont des pouvoirs qui sont beaucoup plus contraignants, 51 00:03:34,640 --> 00:03:37,820 qui ont une force beaucoup plus contraignante que ces avis, 52 00:03:38,040 --> 00:03:40,160 recommandations, guides pratiques, etc. 53 00:03:41,220 --> 00:03:45,360 Ce qu’il faut bien voir, c’est que puisque ces autorités 54 00:03:45,560 --> 00:03:53,700 ont des pouvoirs bien plus énergiques, peuvent avoir recours à des pouvoirs 55 00:03:53,900 --> 00:03:57,820 plus contraignants pour les administrés, les opérateurs économiques 56 00:03:58,020 --> 00:04:02,500 ont intérêt à respecter les simples actes de droit souple. 57 00:04:03,660 --> 00:04:09,660 Ces actes de droit souple sont parfois un préalable à une activité 58 00:04:09,860 --> 00:04:13,480 un peu plus musclée de ces autorités administratives indépendantes. 59 00:04:14,080 --> 00:04:16,940 Ce qu’il faut bien voir, c’est que ces invitations, 60 00:04:17,340 --> 00:04:19,560 ces avertissements, ces recommandations, ces avis, 61 00:04:22,040 --> 00:04:26,060 ont une certaine force vis-à-vis des opérateurs économiques. 62 00:04:28,100 --> 00:04:34,520 Et justement, parce que ces actes de droit souple, qui ne sont pas 63 00:04:34,720 --> 00:04:37,520 obligatoires, qui ne sont pas sanctionnés, parce que ces actes 64 00:04:37,720 --> 00:04:41,560 de droit souple ont des conséquences concrètes pour les administrés, 65 00:04:41,760 --> 00:04:45,880 pour les entreprises, le juge a ouvert son prétoire à 66 00:04:46,080 --> 00:04:46,840 ces actes. 67 00:04:47,040 --> 00:04:49,300 Dans un premier temps, il était réticent à le faire. 68 00:04:49,580 --> 00:04:50,340 Pourquoi ? 69 00:04:50,600 --> 00:04:54,960 Parce que le juge administratif se prononce sur des décisions de 70 00:04:55,160 --> 00:04:57,900 l’administration, des actes qui ont une force contraignante, 71 00:04:58,100 --> 00:04:59,980 qui ont un caractère juridique. 72 00:05:01,560 --> 00:05:09,560 L’office du juge ne s’étend pas à ces vulgaires actes qui ont un 73 00:05:09,760 --> 00:05:13,800 caractère souple, qui invite, qui recommande. 74 00:05:14,640 --> 00:05:18,160 Le juge a changé de position, le Conseil d’État a changé de position 75 00:05:18,920 --> 00:05:24,420 dans un premier temps en admettant que la responsabilité de 76 00:05:24,620 --> 00:05:31,780 l’administration peut être engagée sur le fondement d’un simple acte 77 00:05:31,980 --> 00:05:32,740 de droit souple. 78 00:05:33,320 --> 00:05:38,240 Si l’administration a adopté un acte de droit souple qui a causé 79 00:05:38,440 --> 00:05:44,720 un préjudice à une entreprise par exemple, il est possible de demander 80 00:05:44,920 --> 00:05:49,040 devant le juge administratif la réparation, l’indemnisation du 81 00:05:49,240 --> 00:05:53,520 préjudice qui a été causé par cet acte, alors même qu’il s’agit d’un simple 82 00:05:53,720 --> 00:05:54,480 acte de droit souple. 83 00:05:54,680 --> 00:05:59,200 Mais la véritable révolution, après la reconnaissance de la 84 00:05:59,400 --> 00:06:02,100 responsabilité de l’administration pour ce genre d’actes, 85 00:06:02,340 --> 00:06:07,260 la véritable révolution a eu lieu en 2016 dans deux affaires, 86 00:06:07,460 --> 00:06:12,660 une affaire Numericable et une affaire Fairvesta jugée le 21 mars 87 00:06:12,860 --> 00:06:14,580 2016 par le Conseil d’État. 88 00:06:15,180 --> 00:06:21,740 Dans l’affaire Numericable, le Conseil d’État a été saisi d’un 89 00:06:21,940 --> 00:06:27,300 recours contre une prise de position de l’autorité de la concurrence 90 00:06:27,500 --> 00:06:29,180 sur une fusion d’entreprises. 91 00:06:29,920 --> 00:06:34,220 Et dans son affaire Fairvesta, le Conseil d’État était saisi d’un 92 00:06:34,420 --> 00:06:38,260 recours contre un communiqué de presse de l’autorité des marchés 93 00:06:38,460 --> 00:06:44,380 financiers appelant les investisseurs à la vigilance sur des produits 94 00:06:44,580 --> 00:06:48,720 financiers risqués, notamment à la vigilance sur des produits 95 00:06:48,920 --> 00:06:51,340 financiers proposés par l’entreprise Fairvesta. 96 00:06:52,940 --> 00:06:56,920 Dans ces deux affaires, le Conseil d’État a jugé que même 97 00:06:57,120 --> 00:07:03,640 si les deux actes en question, une prise de position et un communiqué 98 00:07:03,840 --> 00:07:09,360 de presse, même si ces deux actes ne sont pas des décisions juridiques 99 00:07:09,560 --> 00:07:14,640 qui ont une force contraignante, ils ont eu des effets concrets 100 00:07:14,840 --> 00:07:18,920 sur la situation des sociétés Numericable et Fairvesta. 101 00:07:19,180 --> 00:07:24,520 Par exemple, pour la société Fairvesta, le Conseil d’État a jugé que la 102 00:07:24,720 --> 00:07:31,260 mise en garde sur les produits financiers qui a été faite par 103 00:07:31,460 --> 00:07:37,180 l’Autorité des marchés financiers, a entraîné, je cite, 104 00:07:37,380 --> 00:07:44,560 "une diminution brutale des souscriptions des produits de placement 105 00:07:44,760 --> 00:07:47,320 qu’elle commercialisait" – l’entreprise Fairvesta –, "en France". 106 00:07:47,880 --> 00:07:52,160 Autrement dit, le recours était recevable, le recours de la société 107 00:07:52,360 --> 00:07:58,980 Fairvesta était recevable parce que le communiqué de presse de 108 00:07:59,180 --> 00:08:03,860 l’AMF a eu des conséquences concrètes pour la société Fairvesta. 109 00:08:04,520 --> 00:08:09,580 Pour cette raison, le juge pouvait être saisi d’un recours contre cet acte. 110 00:08:09,780 --> 00:08:15,100 Par pragmatisme, le juge administratif a décidé que les recours pour excès 111 00:08:15,300 --> 00:08:20,200 de pouvoir contre ces actes de droit souple sont recevables. 112 00:08:20,580 --> 00:08:24,660 Les actes de droit souple peuvent faire l’objet d’un recours pour 113 00:08:24,860 --> 00:08:28,200 excès de pouvoir, je cite, "lorsqu’ils sont de nature à produire 114 00:08:28,400 --> 00:08:31,220 des effets notables, notamment de nature économique, 115 00:08:31,700 --> 00:08:36,140 ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les 116 00:08:36,340 --> 00:08:38,090 comportements des personnes auxquelles ils s’adressent". 117 00:08:40,220 --> 00:08:44,860 Vous comprenez ainsi, par rapport à la vidéo précédente, 118 00:08:45,060 --> 00:08:50,980 que les arrêts Fairvesta et Numericable ont été les précurseurs de la 119 00:08:51,180 --> 00:08:55,580 jurisprudence GISTI que j’évoquais à propos des lignes directrices 120 00:08:55,780 --> 00:08:56,660 et des circulaires. 121 00:08:56,860 --> 00:09:02,600 Parce que dans la jurisprudence GISTI, le Conseil d’État a justement repris 122 00:09:02,800 --> 00:09:06,940 ce critère des effets notables sur la situation des personnes 123 00:09:07,140 --> 00:09:09,680 qui se trouvent en dehors de l’administration, des personnes 124 00:09:09,880 --> 00:09:15,220 qui sont autres que celles qui ont vocation à appliquer les textes 125 00:09:15,420 --> 00:09:19,060 qui font l’objet de ces circulaires ou lignes directrices. 126 00:09:19,260 --> 00:09:30,440 Bref, les arrêts société Fairvesta et société Numericable ont utilisé 127 00:09:30,640 --> 00:09:34,740 le critère des effets notables pour évaluer la possibilité de 128 00:09:34,940 --> 00:09:37,860 faire un recours contre un acte de droit souple, pour contester 129 00:09:38,060 --> 00:09:40,500 un acte de droit souple devant le juge administratif. 130 00:09:40,740 --> 00:09:46,600 Et l’arrêt GISTI a élargi ce critère des effets notables. 131 00:09:47,040 --> 00:09:49,780 Ce critère des effets notables ne s’appliquait qu’au droit souple 132 00:09:49,980 --> 00:09:52,260 des autorités de régulation, que je viens de vous présenter, 133 00:09:53,040 --> 00:09:57,640 à tout le droit souple, y compris au droit souple interne 134 00:09:57,840 --> 00:10:00,740 à l’administration circulaires et lignes directrices. 135 00:10:02,420 --> 00:10:06,020 Pour terminer sur ces actes non décisoires : B. 136 00:10:06,580 --> 00:10:09,080 Les actes préparatoires. 137 00:10:09,340 --> 00:10:12,420 Dernière catégorie d’actes non décisoires, les actes préparatoires, 138 00:10:12,620 --> 00:10:17,540 c’est-à-dire des actes qui ne sont pas encore des actes décisoires. 139 00:10:17,740 --> 00:10:23,680 Ce sont des actes qui sont des antécédents à une véritable décision. 140 00:10:24,300 --> 00:10:29,420 Il peut s’agir d’un projet de réseau de transport qui ne s’est encore 141 00:10:29,620 --> 00:10:32,200 matérialisé par aucune décision, simplement un projet. 142 00:10:33,260 --> 00:10:37,560 Il peut s’agir d’un acte ouvrant une enquête publique. 143 00:10:37,760 --> 00:10:40,850 Il peut s’agir encore d’un procès-verbal qui constate une 144 00:10:41,050 --> 00:10:44,410 situation de fait avant qu’une décision ne soit prise. 145 00:10:45,150 --> 00:10:51,150 Il peut s’agir encore d’un avis qui a été délivré dans le cadre 146 00:10:51,350 --> 00:10:56,610 d’une procédure d’élaboration d’un acte administratif. 147 00:10:56,810 --> 00:11:03,190 Bref, ces actes ne sont pas encore décisoires, ce sont de simples 148 00:11:03,390 --> 00:11:06,250 antécédents à une véritable décision. 149 00:11:06,730 --> 00:11:12,390 Il y a encore une catégorie d’actes administratifs qui est à mettre 150 00:11:12,590 --> 00:11:16,630 dans la catégorie des actes décisoires, ce sont les mises en demeure. 151 00:11:17,850 --> 00:11:23,290 Par les mises en demeure, l’administration rappelle une dernière 152 00:11:23,490 --> 00:11:29,170 fois un administré à ses obligations avant une intervention un peu plus 153 00:11:29,370 --> 00:11:34,610 musclée, comme une sanction ou une exécution forcée. 154 00:11:34,850 --> 00:11:40,230 L’administration avant de prononcer cette sanction, avant de recourir 155 00:11:40,430 --> 00:11:43,950 à la force contre un administré, lui rappelle qu’il a des obligations 156 00:11:44,150 --> 00:11:46,830 et qu’il doit les respecter dans un certain délai. 157 00:11:47,150 --> 00:11:51,830 Ces mises en demeure sont des actes préparatoires à la décision finale 158 00:11:52,030 --> 00:11:55,250 qui est le recours à la force, qui est la sanction. 159 00:11:55,970 --> 00:12:00,050 Les mises en demeure sont des actes préparatoires et des actes non 160 00:12:00,890 --> 00:12:01,730 décisoires. 161 00:12:02,610 --> 00:12:06,970 Ces actes préparatoires ne peuvent pas être contestés en eux-mêmes 162 00:12:07,170 --> 00:12:11,510 devant le juge parce que ce ne sont pas encore des décisions. 163 00:12:13,150 --> 00:12:18,510 Cependant, un justiciable peut contester ces actes préparatoires, 164 00:12:18,870 --> 00:12:23,750 il faut simplement qu’il attende que le véritable acte administratif 165 00:12:23,950 --> 00:12:24,710 soit produit. 166 00:12:25,490 --> 00:12:30,630 À ce moment-là, lorsque la décision a effectivement été prise par 167 00:12:30,830 --> 00:12:37,570 l’administration, l’administré peut, à l’occasion de son recours contre 168 00:12:37,770 --> 00:12:44,010 cette décision, invoquer l’illégalité d’un acte préparatoire à cette 169 00:12:44,210 --> 00:12:44,970 décision.