1 00:00:00,860 --> 00:00:01,620 C. 2 00:00:06,280 --> 00:00:07,040 La forme. 3 00:00:08,060 --> 00:00:12,260 Cela peut paraître étonnant, les actes administratifs unilatéraux 4 00:00:12,460 --> 00:00:14,740 ne sont pas soumis à de nombreuses règles de forme. 5 00:00:15,580 --> 00:00:19,720 Ce faible formalisme tient tout particulièrement au fait que les 6 00:00:19,920 --> 00:00:22,980 actes administratifs ne sont pas nécessairement écrits, 7 00:00:23,180 --> 00:00:24,140 ce n'est pas une obligation. 8 00:00:25,620 --> 00:00:29,110 Distinguons pour la suite, pour ce qui concerne la forme, 9 00:00:29,310 --> 00:00:31,780 les actes écrits des actes non écrits. 10 00:00:32,060 --> 00:00:32,820 1. 11 00:00:33,020 --> 00:00:34,320 Les actes écrits. 12 00:00:35,500 --> 00:00:39,240 Je le disais, il n'existe pas de principe selon lequel une décision 13 00:00:39,440 --> 00:00:41,600 de l'administration doit être écrite. 14 00:00:41,960 --> 00:00:45,900 Certes, le recours à l'écrit est absolument majoritaire dans 15 00:00:46,100 --> 00:00:48,740 l'administration, surtout pour des raisons pratiques ou des raisons 16 00:00:48,940 --> 00:00:54,600 de preuves, mais aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, 17 00:00:54,860 --> 00:00:57,920 il n'y a pas de règle selon laquelle toutes les décisions de 18 00:00:58,120 --> 00:00:59,600 l'administration doivent être écrites. 19 00:01:00,400 --> 00:01:04,160 Il y a en revanche des règles spécifiques qui impliquent dans 20 00:01:04,360 --> 00:01:07,780 de nombreux cas – mais qui restent des cas particuliers, 21 00:01:07,980 --> 00:01:10,180 même s'ils sont nombreux donc –, un écrit. 22 00:01:13,980 --> 00:01:18,540 Deux règles de forme doivent être évoquées s'agissant de ces actes 23 00:01:18,740 --> 00:01:19,500 écrits. 24 00:01:20,180 --> 00:01:23,560 D'abord, ces actes sont soumis à une règle de signature, 25 00:01:23,880 --> 00:01:28,860 et deuxièmement, ils sont parfois soumis à une règle de motivation. 26 00:01:29,180 --> 00:01:30,080 Je reprends ces deux points. 27 00:01:30,300 --> 00:01:31,060 a. 28 00:01:31,260 --> 00:01:32,020 La signature. 29 00:01:32,980 --> 00:01:34,160 L'article L. 30 00:01:34,360 --> 00:01:39,520 212-1 du CRPA, Code des relations entre le public et l'administration, 31 00:01:39,780 --> 00:01:42,540 dispose que, je cite, "Toute décision prise par une 32 00:01:42,740 --> 00:01:46,680 administration comporte la signature de son auteur, ainsi que la mention 33 00:01:46,880 --> 00:01:51,980 en caractère lisible du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci". 34 00:01:52,600 --> 00:01:57,140 Cette règle est issue de la célèbre loi du 12 avril 2000, 35 00:01:57,560 --> 00:01:59,920 relative au droit des citoyens dans leur relation avec 36 00:02:00,120 --> 00:02:01,760 l'administration, je vous en ai déjà parlé. 37 00:02:02,700 --> 00:02:08,280 Cette loi, très importante, a notamment levé l'anonymat des 38 00:02:08,480 --> 00:02:11,580 décisions administratives, qui était une véritable tradition 39 00:02:11,780 --> 00:02:16,780 dans notre pays, dont l'administration est impersonnelle, et donc les 40 00:02:16,980 --> 00:02:20,080 décisions qui émanent de cette administration ne sont pas prises 41 00:02:20,280 --> 00:02:24,560 par – en tout cas, c'était notre tradition pendant longtemps – un 42 00:02:24,760 --> 00:02:27,860 individu, elles sont prises par l'administration, par l'autorité 43 00:02:28,060 --> 00:02:28,900 publique. 44 00:02:29,100 --> 00:02:33,200 Donc il n'y avait pas d'obligation de signature et de mention des noms, 45 00:02:33,400 --> 00:02:34,260 prénoms et qualités. 46 00:02:34,760 --> 00:02:40,840 Mais aujourd'hui, une décision écrite prise par l'administration 47 00:02:41,080 --> 00:02:43,600 comporte la signature, le nom, le prénom, la qualité de 48 00:02:43,800 --> 00:02:44,560 l'auteur. 49 00:02:45,260 --> 00:02:51,280 Je dis un mot justement de ce caractère écrit de la décision de 50 00:02:51,480 --> 00:02:52,240 l'administration. 51 00:02:52,440 --> 00:02:56,740 On pourrait croire en effet que cette règle qui est aujourd'hui 52 00:02:56,940 --> 00:03:01,070 reprise au sein de l'article L. 53 00:03:01,270 --> 00:03:06,660 212-1 du CRPA, on pourrait penser que cette règle rend l'écrit 54 00:03:06,860 --> 00:03:10,980 obligatoire, contrairement à ce que je vous disais juste avant 55 00:03:11,180 --> 00:03:20,420 sur le fait que les décisions n'ont 56 00:03:20,620 --> 00:03:22,360 pas forcément à être écrites. 57 00:03:22,860 --> 00:03:27,020 En effet, si toute décision de l'administration doit comporter 58 00:03:27,220 --> 00:03:30,940 la signature, le nom, le prénom et la qualité de l'auteur, 59 00:03:31,280 --> 00:03:34,120 a priori toutes les décisions de l'administration doivent être écrites. 60 00:03:34,700 --> 00:03:40,020 On ne peut pas signer une décision verbale et y faire figurer le nom, 61 00:03:40,220 --> 00:03:41,600 le prénom et la qualité. 62 00:03:43,200 --> 00:03:46,940 Mais tel n'est pas le cas parce que le Conseil d'État a eu l'occasion 63 00:03:47,140 --> 00:03:53,460 de dire que la levée de l'anonymat ne concerne que les décisions écrites. 64 00:03:53,680 --> 00:03:55,900 Autrement dit, l'article L. 65 00:03:56,100 --> 00:04:00,760 212-1 du CRPA, tel qu'interprété par le Conseil d'État, 66 00:04:01,200 --> 00:04:05,480 dispose que toute décision écrite prise par une administration comporte 67 00:04:05,680 --> 00:04:06,660 la signature de son auteur. 68 00:04:07,100 --> 00:04:13,220 C'est une décision du Conseil d'État du 12 octobre 2016, Rubillard. 69 00:04:13,980 --> 00:04:18,420 Toutes les décisions écrites doivent faire mention de leur auteur et 70 00:04:18,620 --> 00:04:19,420 comporter une signature. 71 00:04:19,640 --> 00:04:22,420 C'est une règle fondamentale qui est sanctionnée par l'annulation. 72 00:04:22,620 --> 00:04:27,040 C'est-à-dire que si une décision ne précise pas son auteur et ne 73 00:04:27,240 --> 00:04:31,660 comporte pas de signature, elle est illégale et est annulée 74 00:04:31,860 --> 00:04:34,600 systématiquement par le juge administratif. 75 00:04:35,400 --> 00:04:38,360 Deuxième règle de forme concernant les décisions écrites… 76 00:04:39,820 --> 00:04:43,640 Vous verrez qu'à part ces deux règles-là de forme, il n'y en a 77 00:04:43,840 --> 00:04:47,300 pas d'autres, ce qui montre bien que le juge administratif et le 78 00:04:47,500 --> 00:04:50,240 législateur ne sont pas très formalistes, ils n'exigent pas 79 00:04:50,440 --> 00:04:52,920 le respect de nombreuses formes par l'administration. 80 00:04:53,460 --> 00:04:54,220 b. 81 00:04:55,100 --> 00:04:56,080 La motivation. 82 00:04:57,600 --> 00:05:00,360 La motivation est une règle de forme très importante qui assure 83 00:05:00,560 --> 00:05:01,780 la transparence de l'action administrative. 84 00:05:02,330 --> 00:05:03,920 J'en ai déjà parlé. 85 00:05:04,540 --> 00:05:06,800 Au terme de l'article L. 86 00:05:07,000 --> 00:05:13,060 211-5 du CRPA, la motivation, c'est l'énoncé des considérations 87 00:05:13,260 --> 00:05:18,020 de droit et de fait qui constitue le fondement de la décision. 88 00:05:18,460 --> 00:05:22,360 Motiver un acte consiste, pour l'administration, 89 00:05:23,000 --> 00:05:27,500 à accompagner sa décision des raisons pour lesquelles elle a pris cette 90 00:05:27,700 --> 00:05:32,260 décision et à communiquer l'ensemble de ses raisons à l'administré qui 91 00:05:32,460 --> 00:05:34,280 fait l'objet de la décision. 92 00:05:35,280 --> 00:05:38,680 Mais pour importante que soit cette règle, ce n'est pas une règle de 93 00:05:38,880 --> 00:05:39,760 forme générale. 94 00:05:39,960 --> 00:05:45,120 Le Conseil d'État n'a jamais exigé de l'administration qu'elle présente 95 00:05:45,320 --> 00:05:48,640 de manière systématique les motifs de ces décisions. 96 00:05:50,880 --> 00:05:54,140 Il y a un très grand nombre d'arrêts sur cette question, mais cela découle 97 00:05:54,520 --> 00:06:00,180 d'une décision de section du 26 janvier 1973, Langues. 98 00:06:00,380 --> 00:06:04,360 L'absence d'un principe général de motivation des actes découle 99 00:06:04,560 --> 00:06:07,340 de l'exigence d'efficacité de l'action administrative. 100 00:06:07,900 --> 00:06:11,400 La plupart du temps il faut aller vite, donc l'administration n'a pas à 101 00:06:11,600 --> 00:06:14,820 préciser les raisons pour lesquelles elle a pris telle ou telle décision. 102 00:06:16,240 --> 00:06:19,900 C'est le législateur qui est intervenu, je vous en ai déjà parlé, 103 00:06:20,340 --> 00:06:26,560 par la loi du 11 juillet 1979, loi relative à la motivation des 104 00:06:26,760 --> 00:06:31,580 actes administratifs et – partie du nom très significatif de la loi, 105 00:06:32,020 --> 00:06:37,100 je le disais –, à l'amélioration des relations entre l'administration 106 00:06:37,300 --> 00:06:38,060 et le public. 107 00:06:38,260 --> 00:06:42,200 Vous voyez qu'on a déjà cette idée de relations transparentes, 108 00:06:42,400 --> 00:06:47,320 apaisées, etc., entre l'administration et les administrés, logique qui 109 00:06:47,520 --> 00:06:54,440 sera confirmée par la loi de 2000 110 00:06:54,640 --> 00:06:55,400 et par le Code de 2015. 111 00:06:55,600 --> 00:06:58,600 Et d'ailleurs, les articles de cette loi, en parlant du Code de 2015, 112 00:07:01,740 --> 00:07:05,140 ont été codifiés au sein du CRPA, le Code des relations entre le 113 00:07:05,340 --> 00:07:06,100 public et l'administration. 114 00:07:07,140 --> 00:07:10,820 L'administration n'a pas à transmettre la motivation de toutes ces décisions. 115 00:07:11,620 --> 00:07:16,800 C'est bien ce qui nous reste de cette absence de principes selon 116 00:07:17,000 --> 00:07:21,060 lesquels l'administration doit transmettre systématiquement les 117 00:07:21,260 --> 00:07:22,020 motifs de ses décisions. 118 00:07:22,220 --> 00:07:27,020 Donc il n'y a pas de principe général, l'administration n'a pas à transmettre 119 00:07:27,220 --> 00:07:28,220 tous les motifs. 120 00:07:28,740 --> 00:07:31,340 La motivation n'est obligatoire qu'en vertu de dispositions 121 00:07:31,540 --> 00:07:32,500 particulières. 122 00:07:32,720 --> 00:07:33,920 L'article L. 123 00:07:34,120 --> 00:07:38,440 211-2 du CRPA prévoit que, je cite, "les personnes physiques 124 00:07:38,640 --> 00:07:41,740 ou morales ont le droit d'être informées, sans délai, 125 00:07:41,940 --> 00:07:44,640 des motifs des décisions administratives individuelles 126 00:07:44,840 --> 00:07:47,700 défavorables qui les concernent". 127 00:07:48,000 --> 00:07:51,680 Les actes réglementaires n'ont donc pas à être motivés, 128 00:07:51,880 --> 00:07:55,720 sauf disposition particulière, mais là je vous parle du cadre général. 129 00:07:56,380 --> 00:08:00,600 Les actes réglementaires n'ont pas à être motivés en interprétant, 130 00:08:00,800 --> 00:08:02,550 a contrario, l'article L. 131 00:08:02,750 --> 00:08:05,960 211-2 que je viens de citer. 132 00:08:06,960 --> 00:08:10,000 Les actes réglementaires n'ont pas à être motivés, pas plus que 133 00:08:10,200 --> 00:08:13,640 les décisions individuelles favorables, puisque l'article L. 134 00:08:13,840 --> 00:08:18,060 211-2 parle des décisions administratives individuelles 135 00:08:18,260 --> 00:08:19,020 défavorables. 136 00:08:19,220 --> 00:08:22,040 Donc les décisions individuelles favorables, elles, n'ont pas à 137 00:08:22,240 --> 00:08:23,000 être motivées. 138 00:08:23,420 --> 00:08:24,560 L'article L. 139 00:08:24,760 --> 00:08:30,560 211-2 du CRPA donne une liste indicative des actes qui doivent 140 00:08:30,760 --> 00:08:32,880 être motivés par l'administration. 141 00:08:33,520 --> 00:08:38,060 Mesures individuelles de police, sanctions, refus d'autorisation, 142 00:08:38,840 --> 00:08:41,660 retrait d'un avantage, refus d'un avantage, 143 00:08:41,860 --> 00:08:42,620 etc. 144 00:08:42,980 --> 00:08:47,000 Pour ces actes individuels défavorables, l'administration 145 00:08:47,200 --> 00:08:51,280 doit transmettre les raisons pour lesquelles sa décision a été prise, 146 00:08:51,480 --> 00:08:55,120 et l'administration doit informer la personne qui est concernée. 147 00:08:55,320 --> 00:08:57,620 Ce n'est pas une motivation qui est publique, c'est une motivation 148 00:08:57,820 --> 00:09:00,800 qui est destinée à une personne, en particulier personne physique 149 00:09:01,000 --> 00:09:02,960 ou morale comme nous le dit le Code. 150 00:09:04,140 --> 00:09:07,620 Sans cette motivation, ou s'il y a une motivation, 151 00:09:07,820 --> 00:09:10,960 mais qu'elle est insuffisante, la décision de l'administration 152 00:09:11,160 --> 00:09:14,300 est illégale et le juge, s'il est saisi d'un recours, 153 00:09:14,500 --> 00:09:15,500 doit l'annuler. 154 00:09:16,920 --> 00:09:21,420 La motivation influence la forme de l'acte administratif. 155 00:09:22,040 --> 00:09:25,780 La décision est accompagnée d'explications, d'abord. 156 00:09:26,280 --> 00:09:28,920 Mais surtout, et par rapport à ce que je vous disais juste avant, 157 00:09:30,400 --> 00:09:35,640 un acte qui doit être motivé doit aussi être écrit. 158 00:09:36,180 --> 00:09:38,800 Ce qui montre bien que certains actes doivent être écrits, 159 00:09:39,040 --> 00:09:41,040 notamment ceux qui doivent être motivés. 160 00:09:41,240 --> 00:09:42,000 Pourquoi ? 161 00:09:42,200 --> 00:09:43,710 Parce que l'article L. 162 00:09:43,910 --> 00:09:49,560 211-5 du CRPA dispose que, je cite, "la motivation exigée 163 00:09:49,760 --> 00:09:53,160 par le présent chapitre doit être écrite", ce qui veut donc dire 164 00:09:53,360 --> 00:09:56,860 que si une décision doit être motivée, il faut qu'elle soit transmise 165 00:09:57,060 --> 00:10:00,080 par écrit à l'administré, et donc elle doit avoir un caractère 166 00:10:00,280 --> 00:10:01,040 écrit. 167 00:10:01,240 --> 00:10:04,520 Ce qui constitue une exception au principe selon lequel 168 00:10:04,720 --> 00:10:10,730 l'administration peut prendre des actes verbaux ou des actes implicites. 169 00:10:11,650 --> 00:10:15,910 La motivation doit permettre à l'administré de comprendre les 170 00:10:16,110 --> 00:10:18,950 motifs de la décision, donc de comprendre la décision, 171 00:10:19,150 --> 00:10:22,730 et d'accepter éventuellement la décision de l'administration. 172 00:10:23,370 --> 00:10:29,410 Elle permet aussi de contester une décision puisque s'il connaît 173 00:10:29,610 --> 00:10:33,650 les motifs de cette décision, l'administré peut savoir que cette 174 00:10:33,850 --> 00:10:36,150 décision est fondée sur des motifs erronés. 175 00:10:36,350 --> 00:10:39,970 Et dans ce cas-là, il peut saisir le juge d'un recours pour lui demander 176 00:10:40,170 --> 00:10:44,670 d'annuler la décision, parce que fondée sur des raisons 177 00:10:44,870 --> 00:10:45,630 erronées. 178 00:10:45,990 --> 00:10:50,450 Mais la motivation permet aussi à l'administration de prendre la 179 00:10:50,650 --> 00:10:51,410 meilleure décision. 180 00:10:52,070 --> 00:10:56,170 Puisqu'elle est obligée de s'expliquer, elle doit penser sa décision. 181 00:10:56,370 --> 00:11:00,190 Elle doit y consacrer un certain temps de réflexion pour savoir 182 00:11:00,390 --> 00:11:06,470 comment tourner la motivation, comment présenter les motifs à 183 00:11:06,670 --> 00:11:11,870 l'administré, ce qui lui permet donc de mûrir sa décision. 184 00:11:12,410 --> 00:11:14,570 Voilà ce que j'avais à vous dire sur les actes écrits. 185 00:11:14,770 --> 00:11:18,370 Vous voyez donc qu'il n'y a finalement qu'assez peu de règles formelles : 186 00:11:19,110 --> 00:11:22,630 la signature, le nom, le prénom, la motivation lorsque 187 00:11:22,830 --> 00:11:24,190 c'est nécessaire, mais pas toujours. 188 00:11:25,050 --> 00:11:25,810 2. 189 00:11:26,250 --> 00:11:28,210 Les actes non écrits. 190 00:11:28,910 --> 00:11:31,690 Même si l'écrit est très largement pratiqué dans l'administration, 191 00:11:31,890 --> 00:11:35,830 je vous le disais, il existe des actes verbaux et des actes implicites. 192 00:11:36,470 --> 00:11:38,510 Cela pour deux raisons. 193 00:11:38,770 --> 00:11:44,690 Cela découle d'abord d'une volonté du juge de permettre sa saisine. 194 00:11:45,390 --> 00:11:50,150 En effet, le juge administratif est, sauf rares exceptions, 195 00:11:50,810 --> 00:11:54,370 saisi d'un acte, c'est-à-dire qu'il est saisi d'un recours contre une 196 00:11:54,570 --> 00:11:55,890 décision de l'administration. 197 00:11:57,070 --> 00:12:02,110 Or, il peut arriver que l'administré n'ait pas la preuve qu'un acte 198 00:12:02,310 --> 00:12:04,070 ait été pris par l'administration. 199 00:12:04,800 --> 00:12:09,450 Mais pour ne pas priver l'administré de son droit au recours contre 200 00:12:09,650 --> 00:12:15,710 un fait matériel qui est la conséquence nécessaire d'une décision de 201 00:12:15,910 --> 00:12:20,970 l'administration, le Conseil d'État a admis qu'un acte administratif 202 00:12:21,170 --> 00:12:24,950 pouvait être déduit d'un fait matériel, d'un fait concret. 203 00:12:25,530 --> 00:12:29,870 Donc, l'administré n'a pas la preuve de l'existence d'un acte, 204 00:12:30,070 --> 00:12:34,790 mais il conteste un acte qui se matérialise concrètement. 205 00:12:35,990 --> 00:12:41,910 L'affaire Cusenier est la plus célèbre en la matière. 206 00:12:43,210 --> 00:12:50,530 Dans une décision du 12 mars 1986, le Conseil d'État a jugé que la 207 00:12:50,730 --> 00:12:55,170 réalisation des colonnes de Buren dans le jardin du Palais Royal 208 00:12:55,930 --> 00:12:59,670 révélait une décision administrative du ministre de la Culture, 209 00:13:00,310 --> 00:13:05,230 même si cette décision ne s'était pas matérialisée dans un acte formel. 210 00:13:05,490 --> 00:13:10,250 Madame Cusenier, qui avait fait un recours contre cet acte inexistant 211 00:13:10,450 --> 00:13:13,050 – en tout cas, dont elle n'avait pas la connaissance –, 212 00:13:13,510 --> 00:13:16,650 avait pu saisir le juge alors même qu'il n'y avait pas d'acte à sa 213 00:13:16,850 --> 00:13:21,270 connaissance, mais acte qui devait nécessairement exister quelque 214 00:13:21,470 --> 00:13:25,830 part parce que l'administration avait forcément mis en œuvre une 215 00:13:26,030 --> 00:13:26,790 décision. 216 00:13:26,990 --> 00:13:30,750 Même si cette décision ne s'était pas concrétisée dans un acte, 217 00:13:30,950 --> 00:13:33,030 elle s'était concrétisée dans les faits. 218 00:13:33,230 --> 00:13:37,090 Les colonnes de Buren avaient été construites dans les jardins du 219 00:13:37,290 --> 00:13:38,050 Palais Royal. 220 00:13:38,250 --> 00:13:44,510 Donc le Conseil d'État a une appréciation assez peu formaliste 221 00:13:44,710 --> 00:13:47,250 de l'action administrative. 222 00:13:47,930 --> 00:13:51,670 Si l'administration fait quelque chose, c'est bien qu'elle a pris un acte 223 00:13:51,870 --> 00:13:53,110 pour faire cette chose-là. 224 00:13:53,470 --> 00:13:57,030 Elle a bien mis en œuvre une décision, même implicite. 225 00:13:57,230 --> 00:14:01,270 Donc un administré n'a pas besoin de rechercher l'existence d'un 226 00:14:01,470 --> 00:14:05,250 acte formel, il peut se contenter de saisir le juge en disant que 227 00:14:05,450 --> 00:14:09,350 l'administration a mis en œuvre un acte, même si cet administré n'en a pas 228 00:14:09,550 --> 00:14:10,310 la connaissance. 229 00:14:12,190 --> 00:14:16,050 Deuxième catégorie de décisions, à côté de ces décisions qui sont 230 00:14:16,250 --> 00:14:19,710 révélées par des faits matériels, il y a la catégorie des décisions 231 00:14:19,910 --> 00:14:23,630 implicites, décisions implicites qui découlent du silence de 232 00:14:23,830 --> 00:14:24,590 l'administration. 233 00:14:25,250 --> 00:14:28,390 Ces décisions implicites peuvent faire l'objet d'une contestation 234 00:14:31,710 --> 00:14:35,890 parce que si l'administration reste silencieuse, il faut que l'on puisse 235 00:14:36,090 --> 00:14:40,730 contester le fruit de ce silence. 236 00:14:41,790 --> 00:14:43,370 C'est une règle essentielle. 237 00:14:43,570 --> 00:14:47,030 Le silence de l'administration doit avoir un sens, ou en tout 238 00:14:47,230 --> 00:14:49,470 cas on doit lui attribuer un sens. 239 00:14:49,950 --> 00:14:52,630 Soit il vaut acceptation de la demande qui a été faite à 240 00:14:52,830 --> 00:14:56,950 l'administration, demande sur laquelle l'administration a gardé le silence, 241 00:14:57,510 --> 00:15:00,130 soit ce silence vaut refus. 242 00:15:00,350 --> 00:15:05,670 La première règle en la matière a été fixée en 1900 par le législateur. 243 00:15:06,110 --> 00:15:10,430 Le silence gardé par l'administration pendant quatre mois sur la demande 244 00:15:10,630 --> 00:15:15,690 d'un administré vaut rejet de cette demande, vaut refus de ce qui a 245 00:15:15,890 --> 00:15:17,330 été demandé à l'administration. 246 00:15:19,210 --> 00:15:23,650 Le délai de quatre mois a ensuite été raccourci par la loi du 12 247 00:15:23,850 --> 00:15:25,570 avril 2000, que vous connaissez bien maintenant. 248 00:15:26,970 --> 00:15:32,970 Cette loi prévoit que le silence gardé pendant deux mois vaut rejet 249 00:15:33,170 --> 00:15:37,110 de la demande, vaut refus, ce qui permet à l'administré de 250 00:15:37,310 --> 00:15:39,570 saisir plus rapidement le juge administratif. 251 00:15:39,770 --> 00:15:40,530 Pourquoi ? 252 00:15:40,730 --> 00:15:45,030 Parce qu'avec la loi de 1900, l'administré devait attendre quatre 253 00:15:45,230 --> 00:15:48,890 mois avant de saisir le juge administratif d'un recours contre 254 00:15:49,090 --> 00:15:53,210 le silence de l'administration qui valait rejet de sa demande. 255 00:15:53,990 --> 00:16:00,450 À partir de la loi DCRA du 12 avril 2000, l'administré n'a à attendre 256 00:16:00,650 --> 00:16:11,010 que deux mois avant de contester le silence, le rejet implicite 257 00:16:11,210 --> 00:16:12,730 devant le juge administratif. 258 00:16:13,410 --> 00:16:17,530 En 2013, le gouvernement a pris une ordonnance très importante, 259 00:16:18,630 --> 00:16:22,370 en tout cas sur le papier, une décision très importante selon 260 00:16:22,570 --> 00:16:26,830 laquelle le silence gardé par l'administration pendant deux mois 261 00:16:27,030 --> 00:16:32,070 ne vaut plus rejet, mais acceptation de la demande de l'administration. 262 00:16:32,290 --> 00:16:35,890 Autrement dit, un administré fait une demande à l'administration, 263 00:16:36,310 --> 00:16:37,190 deux mois s'écoulent. 264 00:16:38,110 --> 00:16:41,470 En principe, le silence de l'administration vaut acceptation 265 00:16:41,670 --> 00:16:44,930 de la demande et l'administré peut faire ce qu'il a demandé à 266 00:16:45,130 --> 00:16:50,110 l'administration, demande sur laquelle 267 00:16:50,310 --> 00:16:51,690 l'administration a gardé le silence. 268 00:16:52,230 --> 00:16:57,040 Aujourd'hui, cette règle est codifiée, est inscrite à l'article L. 269 00:16:57,240 --> 00:16:59,650 231-1 du CRPA. 270 00:17:00,790 --> 00:17:05,250 Les exceptions au principe de l'acceptation sont cependant 271 00:17:05,450 --> 00:17:07,390 extrêmement nombreuses. 272 00:17:07,590 --> 00:17:13,350 Elles sont à tel point nombreuses qu'il n'y a pas en réalité eu 273 00:17:13,550 --> 00:17:16,590 véritablement un renversement du principe. 274 00:17:17,450 --> 00:17:18,330 Quelles sont ces exceptions ? 275 00:17:19,150 --> 00:17:27,010 Premièrement, le silence ne vaut acceptation que pour les demandes 276 00:17:27,210 --> 00:17:28,710 d'actes individuels. 277 00:17:28,950 --> 00:17:34,470 Un acte réglementaire ne peut pas naître du silence de l'administration, 278 00:17:34,670 --> 00:17:37,650 cela paraît logique, donc seulement pour les décisions 279 00:17:37,850 --> 00:17:39,990 qui ont un caractère individuel. 280 00:17:40,690 --> 00:17:44,890 Deuxièmement, le silence ne vaut acceptation que dans les procédures 281 00:17:45,090 --> 00:17:48,630 qui sont prévues par la loi ou par un règlement, pas pour les 282 00:17:48,830 --> 00:17:51,750 simples réclamations qui sont faites en dehors de toute procédure, 283 00:17:51,950 --> 00:17:54,030 par un administré devant l'administration. 284 00:17:55,710 --> 00:17:59,530 Troisième exception : le silence vaut rejet pour les 285 00:17:59,730 --> 00:18:01,510 demandes qui ont un caractère pécuniaire. 286 00:18:01,710 --> 00:18:05,510 Il ne faudrait pas que l'administration doive verser à n'importe quel 287 00:18:05,710 --> 00:18:10,010 administré qui en fait la demande, demande sur laquelle l'administration 288 00:18:10,210 --> 00:18:13,470 reste silencieuse, il ne faudrait pas que l'administration ait à 289 00:18:13,670 --> 00:18:17,690 verser à ces administrés des deniers publics. 290 00:18:17,890 --> 00:18:20,390 Quatrième exception : pour les demandes qui sont présentées 291 00:18:20,590 --> 00:18:27,090 par les agents de l'administration, le silence vaut rejet, 292 00:18:27,390 --> 00:18:28,230 là aussi. 293 00:18:30,830 --> 00:18:34,510 Cinquième exception : le silence vaut rejet lorsque 294 00:18:34,710 --> 00:18:38,910 l'acceptation implicite serait contraire à un engagement international 295 00:18:39,110 --> 00:18:43,470 ou européen de la France, serait contraire à la protection 296 00:18:43,670 --> 00:18:46,550 de la sécurité nationale, serait contraire à la protection 297 00:18:46,750 --> 00:18:49,590 des libertés, serait contraire à des principes de valeur 298 00:18:49,790 --> 00:18:52,970 constitutionnelle, serait contraire à la sauvegarde de l'ordre public, 299 00:18:53,350 --> 00:18:54,110 etc. 300 00:18:54,310 --> 00:18:58,450 Vous avez compris que les exceptions sont extrêmement nombreuses. 301 00:18:58,650 --> 00:19:02,650 D'ailleurs, elles sont tellement nombreuses que le gouvernement 302 00:19:02,850 --> 00:19:07,830 a cru bon de fixer la liste des 303 00:19:08,030 --> 00:19:11,950 cas dans lesquels le silence vaut acceptation. 304 00:19:12,370 --> 00:19:18,410 Cela découle d'un décret D. 305 00:19:18,610 --> 00:19:23,270 231-2 du CRPA. 306 00:19:24,150 --> 00:19:28,530 Il a eu la bonne idée de le faire, parce que certes c'est plus clair 307 00:19:28,730 --> 00:19:34,350 de fixer la liste des cas dans lesquels le silence vaut effectivement 308 00:19:34,550 --> 00:19:40,570 acceptation, mais cela n'est finalement pas particulièrement logique. 309 00:19:41,550 --> 00:19:48,430 Si on est dans un domaine de principe, si la règle de principe c'est "le 310 00:19:48,630 --> 00:19:51,690 silence vaut acceptation", alors il faudrait plutôt faire 311 00:19:51,890 --> 00:19:54,630 la liste des cas dans lesquels le silence vaut rejet, 312 00:19:55,470 --> 00:19:57,210 la liste des exceptions à ce principe. 313 00:19:57,810 --> 00:20:01,630 Or, si on fixe la liste des cas dans lesquels ça vaut acceptation, 314 00:20:01,830 --> 00:20:04,470 ça veut dire que dans tous les autres cas, cela vaut rejet, 315 00:20:04,790 --> 00:20:07,410 mais en réalité ça veut dire que le rejet reste le principe. 316 00:20:08,010 --> 00:20:12,090 Donc ce basculement du principe à l'exception, s'agissant de 317 00:20:12,290 --> 00:20:17,030 l'acceptation des demandes en cas de silence de l'administration, 318 00:20:18,190 --> 00:20:21,890 n'a pas eu de véritables conséquences en droit. 319 00:20:22,330 --> 00:20:24,910 Et il faut aujourd'hui certes considérer que le principe, 320 00:20:25,110 --> 00:20:31,090 c'est que le silence vaut acceptation, mais que dans les faits, 321 00:20:31,290 --> 00:20:34,230 dans la plupart des cas, le silence vaut rejet.