1 00:00:04,980 --> 00:00:09,100 Nous avons vu le contentieux des actes administratifs unilatéraux, 2 00:00:09,300 --> 00:00:12,760 voyons maintenant, section 2, le contentieux des contrats 3 00:00:12,960 --> 00:00:13,720 administratifs. 4 00:00:14,260 --> 00:00:19,140 C’est un contentieux qui suit une logique tout à fait différente 5 00:00:19,340 --> 00:00:22,720 de celle du contentieux des actes administratifs unilatéraux. 6 00:00:23,320 --> 00:00:26,480 Le contentieux des contrats, c’est un contentieux de pleine 7 00:00:26,680 --> 00:00:28,220 juridiction, par nature. 8 00:00:30,820 --> 00:00:36,820 Le juge dispose en la matière, nous l’avons vu, de pouvoirs très 9 00:00:37,020 --> 00:00:40,460 étendus, bien plus diversifiés que ceux du juge de l’excès de pouvoir, 10 00:00:40,660 --> 00:00:44,280 même si, je vous l’ai expliqué aussi, le juge de l’excès de pouvoir a 11 00:00:44,480 --> 00:00:48,640 vu une diversification de ses pouvoirs puisqu’il peut tirer des conséquences 12 00:00:48,840 --> 00:00:50,080 des annulations qu’il prononce. 13 00:00:50,420 --> 00:00:55,280 En tout cas, en matière contractuelle, le juge administratif a toujours 14 00:00:55,480 --> 00:00:57,540 eu des compétences très étendues. 15 00:00:57,740 --> 00:01:02,000 Le contentieux des contrats administratifs a, en outre, 16 00:01:02,200 --> 00:01:06,520 été profondément réformé à partir des années 2000. 17 00:01:07,340 --> 00:01:12,740 Vous allez le voir, des arrêts très importants dont je vais parler 18 00:01:12,940 --> 00:01:14,440 sont finalement assez récents. 19 00:01:14,900 --> 00:01:18,980 Il y a eu un bouleversement total de la matière. 20 00:01:19,840 --> 00:01:24,120 La réforme dont je vais vous parler, les différentes jurisprudences 21 00:01:24,320 --> 00:01:27,780 qui ont modifié le contentieux des contrats administratifs, 22 00:01:28,060 --> 00:01:29,980 a eu deux objets principaux. 23 00:01:30,680 --> 00:01:36,280 D’abord, un objectif assez simple de rationalisation du contentieux 24 00:01:36,480 --> 00:01:41,200 des contrats, qui était un contentieux éclaté, un contentieux subtil, 25 00:01:41,400 --> 00:01:43,380 un contentieux compliqué. 26 00:01:44,720 --> 00:01:49,300 Il fallait mettre de l’ordre là-dedans et le Conseil d’État l’a fait. 27 00:01:49,500 --> 00:01:53,780 Il l’a fait dans un premier temps en rendant la matière encore plus 28 00:01:53,980 --> 00:01:59,040 compliquée, mais par la suite plusieurs arrêts ont aplani des choses, 29 00:01:59,460 --> 00:02:04,960 ont unifié le régime du contentieux des contrats administratifs. 30 00:02:05,640 --> 00:02:09,120 Deuxième objectif et peut-être objectif plus important, 31 00:02:09,320 --> 00:02:12,300 un objectif de fond, pas simplement un objectif de 32 00:02:12,500 --> 00:02:13,260 rationalisation. 33 00:02:13,980 --> 00:02:20,940 Il s’agissait de mettre, au cœur du contentieux des contrats, 34 00:02:21,140 --> 00:02:25,000 la stabilité des relations contractuelles, expression employée 35 00:02:25,200 --> 00:02:28,080 par le Conseil d’État dans les arrêts qu’il a rendus dans les 36 00:02:28,280 --> 00:02:33,080 années 2000-2010, la stabilité des relations contractuelles. 37 00:02:33,440 --> 00:02:41,180 Le juge cherche dorénavant à maintenir les contrats qui doivent être 38 00:02:41,380 --> 00:02:42,140 maintenus. 39 00:02:42,340 --> 00:02:46,280 Par exemple, les contrats qui servent l’intérêt général, les contrats 40 00:02:46,480 --> 00:02:50,920 de concession de services publics sont des contrats qui servent l’intérêt 41 00:02:51,120 --> 00:02:54,940 général et qui doivent être maintenus le plus possible. 42 00:02:55,140 --> 00:03:03,940 Il faut éviter de les remettre en cause, ces contrats-là, mais il faut accorder 43 00:03:04,140 --> 00:03:09,600 la stabilité des relations contractuelles avec le principe 44 00:03:09,800 --> 00:03:10,940 de légalité administrative. 45 00:03:11,140 --> 00:03:15,140 Il faut que les contrats signés par l’administration soient légaux, 46 00:03:15,340 --> 00:03:16,460 soient conformes au droit. 47 00:03:17,340 --> 00:03:22,840 Si des contrats peuvent être maintenus, maintenons-les. 48 00:03:23,060 --> 00:03:27,240 En revanche, ceux qui sont entachés d’illégalités graves, 49 00:03:27,860 --> 00:03:30,800 qui sont dirimantes, qui constituent des obstacles 50 00:03:31,000 --> 00:03:34,800 fondamentaux, ces contrats-là, il faut qu’ils disparaissent. 51 00:03:35,200 --> 00:03:44,460 Le juge doit limiter ces décisions les plus graves aux contrats les 52 00:03:44,660 --> 00:03:46,800 plus gravement illégaux. 53 00:03:47,960 --> 00:03:53,040 Pour vous exposer ce contentieux des contrats, je vais diviser ce 54 00:03:53,240 --> 00:03:54,000 contentieux en deux branches. 55 00:03:54,520 --> 00:03:57,980 Il y a d’abord une branche du contentieux entre les parties qui 56 00:03:58,180 --> 00:04:04,480 suit un régime particulier et une branche du contentieux des tiers 57 00:04:04,680 --> 00:04:05,690 aux contrats administratifs. 58 00:04:06,700 --> 00:04:11,100 Je vais diviser les choses de cette manière-là, même si, 59 00:04:11,300 --> 00:04:14,960 vous allez le voir, il y a une forme aussi d’unification du 60 00:04:15,160 --> 00:04:18,580 contentieux des contrats entre les parties et les tiers, 61 00:04:19,300 --> 00:04:26,560 principalement et surtout sur la question de la légalité du contrat 62 00:04:26,760 --> 00:04:27,520 lui-même. 63 00:04:27,720 --> 00:04:28,900 Je vais revenir sur ces questions-là. 64 00:04:29,100 --> 00:04:33,200 Voyons premièrement, le contentieux des parties au contrat 65 00:04:33,400 --> 00:04:34,340 administratif. 66 00:04:35,560 --> 00:04:38,500 Les litiges qui naissent entre les parties peuvent porter sur 67 00:04:38,700 --> 00:04:39,960 trois points sur lesquels je vais revenir. 68 00:04:40,380 --> 00:04:42,620 D’abord, la validité du contrat. 69 00:04:44,140 --> 00:04:48,840 Ensuite, l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat par le 70 00:04:49,040 --> 00:04:49,800 cocontractant. 71 00:04:50,420 --> 00:04:54,660 Troisièmement, la résiliation unilatérale qui suit un régime 72 00:04:54,860 --> 00:04:55,620 particulier. 73 00:04:55,820 --> 00:05:00,080 Voyons, grand A, le contentieux de la validité du contrat. 74 00:05:02,420 --> 00:05:06,320 Par validité, on pourrait utiliser ce terme-là aussi, on n’entend 75 00:05:06,520 --> 00:05:09,520 plus généralement validité du contrat, mais on pourrait aussi utiliser 76 00:05:09,720 --> 00:05:14,400 le terme de légalité, c’est-à-dire la conformité du contrat 77 00:05:14,600 --> 00:05:18,080 aux normes qui lui sont supérieures, législatives principalement. 78 00:05:18,360 --> 00:05:20,860 Mais là aussi, la réglementation, la jurisprudence, etc. 79 00:05:23,560 --> 00:05:28,420 Comment se présente ce contentieux de la validité du contrat entre 80 00:05:28,620 --> 00:05:30,160 les parties ? 81 00:05:30,360 --> 00:05:34,860 Une partie peut d’abord directement demander au juge de constater 82 00:05:35,060 --> 00:05:36,240 l’illégalité du contrat. 83 00:05:37,040 --> 00:05:41,700 C’est en quelque sorte un recours au juge qui a uniquement pour objet 84 00:05:41,900 --> 00:05:44,060 de faire dire au juge que le contrat est illégal. 85 00:05:44,940 --> 00:05:47,560 Les civilistes appellent ça une action en nullité. 86 00:05:48,860 --> 00:05:54,660 Par cette action, par ce recours du cocontractant devant le juge, 87 00:05:55,020 --> 00:06:00,360 le contractant espère que le contrat va disparaître, plutôt que le juge 88 00:06:00,560 --> 00:06:03,560 va prononcer la disparition du contrat, vous comprenez bien cette idée, 89 00:06:04,100 --> 00:06:06,680 donc que le juge va prononcer l’illégalité du contrat et sa 90 00:06:06,880 --> 00:06:10,080 disparition pour ne pas avoir à respecter ses obligations. 91 00:06:10,420 --> 00:06:15,340 C’est une manière de se décharger de ses obligations, mais de manière 92 00:06:15,540 --> 00:06:17,980 directe, c’est-à-dire que le contractant demande au juge de 93 00:06:18,180 --> 00:06:21,000 constater la nullité du contrat pour qu’il n’ait pas à respecter 94 00:06:21,200 --> 00:06:21,960 ses obligations. 95 00:06:22,740 --> 00:06:25,940 Mais il arrive aussi, c’est la deuxième manière de contester 96 00:06:26,140 --> 00:06:32,080 la validité du contrat, qu’un cocontractant invoque la nullité, 97 00:06:32,320 --> 00:06:37,400 l’invalidité du contrat en défense. 98 00:06:38,000 --> 00:06:43,300 Dans ce cas-là, mettons qu’une partie au contrat n’exécute pas 99 00:06:43,500 --> 00:06:49,060 une de ses obligations et que l’autre partie saisisse le juge pour qu’il 100 00:06:49,260 --> 00:06:52,700 condamne le débiteur de l’obligation à l’indemniser. 101 00:06:53,420 --> 00:06:58,120 Le débiteur peut invoquer devant le juge l’illégalité du contrat 102 00:06:58,320 --> 00:07:03,480 pour s’exonérer de son obligation, donc pour s’exonérer de sa 103 00:07:03,680 --> 00:07:04,940 responsabilité contractuelle. 104 00:07:05,140 --> 00:07:10,500 Vous devez bien connaître cette idée de responsabilité contractuelle 105 00:07:10,700 --> 00:07:13,920 que vous avez étudiée, me semble-t-il, en droit des 106 00:07:14,120 --> 00:07:14,880 obligations. 107 00:07:16,380 --> 00:07:19,860 En droit administratif, cela fonctionne sur la même base. 108 00:07:20,060 --> 00:07:22,980 Évidemment, les choses sont après très différentes dans le régime. 109 00:07:23,460 --> 00:07:26,460 Dans ces deux hypothèses, c’est-à-dire saisine directe du 110 00:07:26,660 --> 00:07:31,760 juge pour qu’il prononce l’invalidité du contrat ou invocation de 111 00:07:31,960 --> 00:07:36,660 l’illégalité du contrat en défense, dans ces deux hypothèses, 112 00:07:36,860 --> 00:07:41,860 avant 2009, le juge se contentait d’un raisonnement binaire. 113 00:07:42,900 --> 00:07:46,740 Saisi de conclusion afin qu’il déclare la nullité du contrat, 114 00:07:47,200 --> 00:07:51,420 le juge pouvait soit constater cette nullité et dans ce cas-là, 115 00:07:51,620 --> 00:07:55,520 il déclarait de manière rétroactive le contrat comme inexistant, 116 00:07:55,720 --> 00:08:01,580 comme nul, soit il constatait la légalité du contrat et dans ce cas-là, 117 00:08:01,780 --> 00:08:02,540 il rejetait les conclusions. 118 00:08:02,740 --> 00:08:06,400 Donc un raisonnement binaire, le contrat est légal, 119 00:08:07,980 --> 00:08:12,280 son exécution se poursuit, le contrat est illégal, 120 00:08:12,480 --> 00:08:13,900 il disparaît rétroactivement. 121 00:08:14,820 --> 00:08:19,580 En 2009, le Conseil d’État modifie complètement la logique de ce 122 00:08:19,780 --> 00:08:24,440 contentieux, avec un arrêt essentiel, arrêt d’assemblée du Conseil d’État, 123 00:08:24,760 --> 00:08:29,660 28 décembre 2009, commune de Béziers I, parce qu’il y a aussi une affaire 124 00:08:29,860 --> 00:08:33,420 commune de Béziers II, plutôt un arrêt commune de Béziers 125 00:08:33,620 --> 00:08:36,520 II qui concerne la même affaire, je vais en parler après. 126 00:08:36,800 --> 00:08:41,020 D’abord, je vais vous exposer rapidement en quoi consistait ce 127 00:08:41,220 --> 00:08:46,920 litige entre les communes de Béziers et de Villeneuve-lès-Béziers, 128 00:08:47,240 --> 00:08:48,340 deux communes limitrophes. 129 00:08:49,640 --> 00:08:53,780 Ces deux communes avaient créé, dans les années 80, un syndicat 130 00:08:53,980 --> 00:08:58,640 intercommunal pour l’aménagement d’une zone industrielle située 131 00:08:58,840 --> 00:09:02,840 sur le territoire de la commune de Villeneuve-lès-Béziers. 132 00:09:03,160 --> 00:09:10,620 L’implantation d’une zone industrielle est favorable à la commune qui 133 00:09:10,820 --> 00:09:17,840 la reçoit, notamment cela entraîne des retombées fiscales puisque 134 00:09:18,040 --> 00:09:25,000 les entreprises qui s’installent payent des taxes, notamment la 135 00:09:25,200 --> 00:09:25,960 taxe professionnelle. 136 00:09:26,660 --> 00:09:30,900 Dans le contrat qui a été passé entre les communes de 137 00:09:31,100 --> 00:09:36,320 Villeneuve-lès-Béziers et Béziers, il y avait une clause qui ordonnait 138 00:09:36,520 --> 00:09:40,720 à la commune de Villeneuve-lès-Béziers, en compensation de l’avantage qu’elle 139 00:09:40,920 --> 00:09:45,620 tirait, le reversement d’une partie de sa taxe professionnelle à la 140 00:09:45,820 --> 00:09:52,000 commune de Béziers, une convention 141 00:09:52,200 --> 00:09:56,760 équilibrée avec des obligations pour les deux communes. 142 00:09:57,280 --> 00:10:02,440 Cet engagement a donné lieu à une convention en 86, et 10 ans plus tard, 143 00:10:02,780 --> 00:10:07,740 en 96, Villeneuve-lès-Béziers annonce à la commune de Béziers qu’elle 144 00:10:07,940 --> 00:10:12,260 résilie sa convention pour rupture de l’équilibre économique. 145 00:10:12,460 --> 00:10:17,300 C’est le motif plutôt qu’elle invoque pour prononcer la résiliation du 146 00:10:17,500 --> 00:10:18,260 contrat. 147 00:10:18,460 --> 00:10:21,920 Evidemment, la commune de Béziers n’est pas du tout d’accord avec 148 00:10:22,120 --> 00:10:28,880 ce procédé employé par sa voisine et la commune de Béziers saisit 149 00:10:29,080 --> 00:10:32,360 le juge administratif pour qu’il condamne la commune de 150 00:10:32,560 --> 00:10:34,460 Villeneuve-lès-Béziers à lui verser des dommages-intérêts. 151 00:10:35,900 --> 00:10:39,360 Devant le juge, la commune de Villeneuve-lès-Béziers invoque 152 00:10:39,560 --> 00:10:40,780 la nullité du contrat. 153 00:10:40,980 --> 00:10:45,580 Puisque le contrat est illégal, je n’ai pas besoin de le respecter 154 00:10:45,780 --> 00:10:50,700 et je peux même le résilier sans avoir à demander l'avis de ma voisine. 155 00:10:51,360 --> 00:10:55,900 Il n’y avait pas lieu de l’exécuter, c’est l’argumentation de la commune. 156 00:10:56,140 --> 00:11:01,560 L’affaire remonte jusqu’au Conseil d’État, qui profite de cette affaire 157 00:11:01,760 --> 00:11:07,100 pour complètement revoir le contentieux des parties au contrat en matière 158 00:11:07,300 --> 00:11:09,540 de validité de leur engagement. 159 00:11:10,380 --> 00:11:13,020 Voici ce que décide le Conseil d’État. 160 00:11:13,340 --> 00:11:18,800 D’abord, saisi de conclusion visant à faire prononcer l’illégalité 161 00:11:19,000 --> 00:11:23,860 d’un contrat, le juge doit vérifier, c’est la première étape de son 162 00:11:24,060 --> 00:11:28,260 raisonnement, que la loyauté contractuelle n’a pas été méconnue. 163 00:11:28,680 --> 00:11:37,840 La loyauté contractuelle est un principe qui prend une place très 164 00:11:38,040 --> 00:11:39,640 importante à partir de cette décision. 165 00:11:40,080 --> 00:11:44,560 Les parties ne peuvent invoquer que les moyens qui sont conformes 166 00:11:44,760 --> 00:11:47,720 à la loyauté des relations contractuelles. 167 00:11:48,060 --> 00:11:51,860 Elles doivent respecter ce principe les unes vis-à-vis des autres, 168 00:11:52,060 --> 00:11:52,820 les parties. 169 00:11:53,640 --> 00:11:57,400 La jurisprudence est assez technique sur ce point, mais en gros, 170 00:11:57,900 --> 00:12:01,140 les parties doivent s’informer mutuellement dans leurs relations 171 00:12:01,340 --> 00:12:05,260 contractuelles et elles ne doivent pas invoquer, 10 ans, 172 00:12:05,460 --> 00:12:10,040 20 ans après la signature du contrat, une illégalité dont elles avaient 173 00:12:10,240 --> 00:12:11,340 la connaissance en secret. 174 00:12:11,640 --> 00:12:16,040 C’est une violation de la loyauté contractuelle de se comporter ainsi. 175 00:12:17,400 --> 00:12:21,100 Autre exemple de manquement à la loyauté des relations contractuelles, 176 00:12:23,380 --> 00:12:29,500 une partie au contrat qui est à l’origine de l’illégalité ou qui 177 00:12:29,700 --> 00:12:33,680 a profité de cette illégalité l’invoque ensuite devant le juge. 178 00:12:34,480 --> 00:12:37,080 Encore une fois, méconnaissance de la loyauté contractuelle. 179 00:12:37,420 --> 00:12:41,160 Les parties doivent s’informer et elles ne peuvent évidemment 180 00:12:41,360 --> 00:12:44,320 invoquer les vices dont elles sont à l’origine. 181 00:12:44,520 --> 00:12:51,520 C’est un peu le principe de l’impossibilité d’invoquer sa propre 182 00:12:51,720 --> 00:12:52,480 turpitude. 183 00:12:54,260 --> 00:12:59,340 En l’espèce, dans l’affaire commune de Béziers, la Cour administrative 184 00:12:59,540 --> 00:13:03,920 d’appel de Marseille avait décidé, sur renvoi du Conseil d’État, 185 00:13:04,660 --> 00:13:08,460 après l’arrêt commune de Béziers I, l’affaire revient devant la Cour 186 00:13:08,660 --> 00:13:11,660 administrative d’appel de Marseille et la Cour administrative d’appel 187 00:13:11,860 --> 00:13:15,660 de Marseille avait décidé, en l’espèce, que la commune de 188 00:13:15,860 --> 00:13:18,880 Villeneuve-lès-Béziers n’avait pas respecté la loyauté des relations 189 00:13:19,080 --> 00:13:19,840 contractuelles. 190 00:13:20,040 --> 00:13:23,600 Elle demandait, en effet, au juge, de déclarer le contrat 191 00:13:23,800 --> 00:13:28,760 comme nul car la délibération du Conseil municipal de 192 00:13:28,960 --> 00:13:34,700 Villeneuve-lès-Béziers, approuvant le contrat, n’avait pas été transmise 193 00:13:34,900 --> 00:13:38,300 au préfet, ce qui est une formalité obligatoire. 194 00:13:38,860 --> 00:13:41,600 Lorsqu’une délibération est prise pour la signature d’un contrat 195 00:13:41,800 --> 00:13:46,240 par une commune, cette délibération doit être transmise au préfet pour 196 00:13:46,440 --> 00:13:47,360 le contrôle de légalité. 197 00:13:47,560 --> 00:13:53,440 Sans transmission au préfet, l’acte n’est pas exécutoire, 198 00:13:53,640 --> 00:13:55,760 donc la commune ne peut pas signer le contrat. 199 00:13:56,200 --> 00:13:58,300 C’est une formalité très importante. 200 00:13:59,980 --> 00:14:02,940 Mais vous comprenez bien ici le problème, la commune de 201 00:14:03,140 --> 00:14:08,300 Villeneuve-lès-Béziers avait, en plus d’invoquer le déséquilibre 202 00:14:08,500 --> 00:14:11,900 économique du contrat, invoquer un vice dont elle était 203 00:14:12,100 --> 00:14:15,820 à l’origine elle-même, le défaut de transmission au préfet. 204 00:14:16,100 --> 00:14:19,680 Elle invoque, 10 ans plus tard, 10 ans après la signature du contrat, 205 00:14:20,340 --> 00:14:24,440 l’illégalité de la signature du contrat par elle-même. 206 00:14:24,660 --> 00:14:29,580 Autrement dit, une violation de la loyauté des relations 207 00:14:29,780 --> 00:14:30,540 contractuelles. 208 00:14:30,740 --> 00:14:33,880 La commune de Villeneuve-lès-Béziers ne pouvait pas invoquer cet argument. 209 00:14:35,060 --> 00:14:37,460 C’est la première partie du raisonnement du Conseil d’État, 210 00:14:38,280 --> 00:14:43,360 la création de ce filtre des moyens 211 00:14:43,560 --> 00:14:46,640 invoqués par les parties, la loyauté des relations 212 00:14:46,840 --> 00:14:47,600 contractuelles. 213 00:14:48,380 --> 00:14:50,340 Ensuite, deuxième partie du raisonnement du juge, 214 00:14:50,640 --> 00:14:53,180 très important lui aussi, fondamental. 215 00:14:54,240 --> 00:14:57,480 Si les conclusions ne méconnaissent pas la loyauté des relations 216 00:14:57,680 --> 00:15:02,400 contractuelles, le juge peut se prononcer sur les vices allégués 217 00:15:02,600 --> 00:15:05,080 et vérifier la légalité du contrat. 218 00:15:06,720 --> 00:15:13,020 En vertu de la jurisprudence commune de Béziers I, le juge dispose alors 219 00:15:13,220 --> 00:15:16,520 d’une palette de pouvoir vis-à-vis du contrat. 220 00:15:17,020 --> 00:15:22,560 Ce n’est pas simplement un pouvoir binaire d’annulation du contrat 221 00:15:22,760 --> 00:15:26,000 ou de rejet des conclusions, une sorte de raisonnement d’excès 222 00:15:26,520 --> 00:15:29,280 de pouvoir d’une certaine manière, aussi binaire qu’annulation/rejet. 223 00:15:31,800 --> 00:15:36,380 De quel pouvoir dispose le juge de plein contentieux du contrat 224 00:15:36,580 --> 00:15:37,800 saisi par l’une des parties ? 225 00:15:38,000 --> 00:15:42,340 Il peut prononcer la poursuite de l’exécution du contrat, 226 00:15:42,940 --> 00:15:44,940 notamment pour un motif d’intérêt général. 227 00:15:45,580 --> 00:15:49,440 Le juge constate l’illégalité du contrat, il comporte un vice, 228 00:15:50,660 --> 00:15:54,960 mais le juge décide que le contrat va continuer son exécution parce 229 00:15:55,160 --> 00:15:58,080 que son exécution est nécessaire à l’intérêt général. 230 00:15:58,360 --> 00:16:01,980 C’est la première possibilité, poursuite des relations contractuelles. 231 00:16:02,240 --> 00:16:05,980 Deuxième possibilité, tout de même, il y a une illégalité 232 00:16:06,180 --> 00:16:09,680 un peu grave, donc il faut faire quelque chose pour que le contrat 233 00:16:09,880 --> 00:16:11,620 puisse continuer à exister. 234 00:16:12,820 --> 00:16:15,820 Cette chose-là, cette action à faire sur le contrat, 235 00:16:16,160 --> 00:16:18,080 c’est ce que l’on appelle la régularisation. 236 00:16:19,220 --> 00:16:24,960 Cela consiste pour les parties à agir sur leur contrat pour le 237 00:16:25,160 --> 00:16:26,760 rendre régulier a posteriori. 238 00:16:27,320 --> 00:16:32,280 Le juge a constaté une illégalité et il ouvre la possibilité aux 239 00:16:32,480 --> 00:16:35,440 parties de corriger cette illégalité. 240 00:16:35,740 --> 00:16:37,100 C’est la deuxième possibilité. 241 00:16:37,380 --> 00:16:40,400 Poursuite des relations contractuelles simples, c’est le premier cas. 242 00:16:40,800 --> 00:16:43,980 Poursuite des relations contractuelles sous réserve de régularisation, 243 00:16:44,180 --> 00:16:45,460 ce qui est déjà un peu plus grave. 244 00:16:46,180 --> 00:16:51,780 Ensuite, encore un peu plus grave, le juge peut prononcer la résiliation 245 00:16:51,980 --> 00:16:52,740 du contrat. 246 00:16:52,940 --> 00:16:57,320 Il y a un vice, il est important, le contrat ne peut pas continuer 247 00:16:57,520 --> 00:17:05,640 à exister, mais ce qui a été fait avant la saisine du juge est maintenu 248 00:17:05,840 --> 00:17:09,200 parce que cela serait trop compliqué à remettre en cause ou parce que 249 00:17:09,400 --> 00:17:12,880 cela ne serait pas conforme à l’intérêt général de remettre en cause ce 250 00:17:13,080 --> 00:17:15,560 qui s’est fait sous l’égide du contrat. 251 00:17:15,960 --> 00:17:18,420 Donc, on maintient le contrat pour le passé. 252 00:17:18,620 --> 00:17:21,460 En revanche, pour l’avenir, il est trop gravement illégal pour 253 00:17:21,660 --> 00:17:22,420 le maintenir. 254 00:17:23,640 --> 00:17:28,760 Enfin, dernière possibilité, cette possibilité est très encadrée, 255 00:17:29,700 --> 00:17:33,800 le juge ne peut pas y avoir recours sans que des critères bien spécifiques 256 00:17:34,000 --> 00:17:34,760 soient remplis. 257 00:17:34,960 --> 00:17:38,680 Le juge peut prononcer en dernier recours l’annulation du contrat 258 00:17:39,080 --> 00:17:41,780 seulement pour les vices les plus graves. 259 00:17:42,300 --> 00:17:45,360 Pour faire son choix, je répète ce que je viens de dire, 260 00:17:45,720 --> 00:17:48,080 pour faire son choix entre ces différentes possibilités, 261 00:17:48,280 --> 00:17:50,840 poursuite des relations contractuelles, régularisation, résiliation, 262 00:17:51,080 --> 00:17:54,860 ou dans les cas les plus graves, l’annulation, le juge tient compte 263 00:17:55,060 --> 00:18:00,760 de la nature, de la gravité du vice, mais il tient également compte 264 00:18:02,140 --> 00:18:05,760 des nécessités de l’intérêt général, par exemple la continuité du service 265 00:18:05,960 --> 00:18:06,720 public. 266 00:18:06,920 --> 00:18:13,360 Il peut également tenir compte de l’intérêt des parties. 267 00:18:14,060 --> 00:18:17,620 S’il y a un intérêt impérieux pour les parties de maintenir le contrat, 268 00:18:17,960 --> 00:18:19,400 le contrat peut être maintenu. 269 00:18:21,320 --> 00:18:26,040 En plus de tout ça, le juge peut éventuellement prononcer des 270 00:18:26,240 --> 00:18:27,860 dommages-intérêts, etc., mais je vais revenir sur cette 271 00:18:28,060 --> 00:18:28,900 question-là un peu après. 272 00:18:30,180 --> 00:18:35,020 Après s’être prononcé sur la validité du contrat, le juge peut être amené 273 00:18:35,220 --> 00:18:38,020 à se prononcer sur la responsabilité des parties. 274 00:18:38,600 --> 00:18:42,380 Dans cette hypothèse, le juge est saisi par l’une des 275 00:18:42,580 --> 00:18:46,920 parties d’une demande de dommages-intérêts. 276 00:18:48,680 --> 00:18:53,080 Si le contrat n’est pas illégal, si le contrat doit continuer à exister, 277 00:18:54,200 --> 00:18:59,340 bref, si l’on doit maintenir le contrat, le litige de responsabilité 278 00:18:59,940 --> 00:19:02,580 va être tranché sur la base du contrat. 279 00:19:02,780 --> 00:19:05,840 Ce sera donc un cas de responsabilité contractuelle. 280 00:19:06,760 --> 00:19:10,140 Mais que se passe-t-il si l’une des parties demande des 281 00:19:10,340 --> 00:19:13,860 dommages-intérêts, mais que le contrat est illégal, 282 00:19:14,060 --> 00:19:17,720 que le juge a prononcé son illégalité ? 283 00:19:17,920 --> 00:19:23,640 Par principe, le juge doit quand même résoudre le litige sur le 284 00:19:23,840 --> 00:19:25,820 terrain de la responsabilité contractuelle. 285 00:19:26,180 --> 00:19:29,840 Même si le contrat est illégal, c’est le principe de stabilité 286 00:19:30,040 --> 00:19:32,380 des relations contractuelles qui prime. 287 00:19:33,000 --> 00:19:38,680 Le juge, malgré l’illégalité du contrat, va résoudre les conclusions 288 00:19:38,880 --> 00:19:44,000 à fin d’indemnités sur le fondement du contrat, un cas toujours de 289 00:19:44,200 --> 00:19:45,340 responsabilité contractuelle. 290 00:19:45,820 --> 00:19:52,680 En revanche, dernière possibilité, si l’illégalité affecte le contenu 291 00:19:52,880 --> 00:19:56,860 même du contrat ou qu’elle est d’une particulière gravité, 292 00:19:58,920 --> 00:20:02,600 seulement dans ce cas-là, le juge doit écarter le contrat 293 00:20:02,800 --> 00:20:09,100 et se prononcer sur la demande de dommages-intérêts dans un champ 294 00:20:09,300 --> 00:20:10,060 extracontractuel. 295 00:20:10,860 --> 00:20:14,800 Nous verrons plus tard justement ce que c’est que la responsabilité 296 00:20:15,000 --> 00:20:18,140 extracontractuelle de l’administration. 297 00:20:18,640 --> 00:20:23,560 Dans ce cas-là, la partie victime de l’inexécution doit montrer que 298 00:20:23,760 --> 00:20:27,240 son cocontractant a commis une faute et que cette faute a causé 299 00:20:27,440 --> 00:20:28,200 son préjudice. 300 00:20:28,400 --> 00:20:29,200 Vous comprenez l’idée. 301 00:20:29,680 --> 00:20:33,780 Si le contrat est légal, on octroie des dommages-intérêts 302 00:20:34,220 --> 00:20:35,220 sur la base du contrat. 303 00:20:35,480 --> 00:20:38,540 Si le contrat est illégal mais pas trop gravement illégal, 304 00:20:38,740 --> 00:20:43,520 on applique encore le contrat pour résoudre la question indemnitaire. 305 00:20:43,960 --> 00:20:48,520 Enfin, si le contrat est gravement illégal, on l’écarte et le juge 306 00:20:48,720 --> 00:20:52,680 se prononce sur les dommages-intérêts en dehors de tout contrat. 307 00:20:53,540 --> 00:20:57,820 La jurisprudence commune de Béziers I manifeste ainsi parfaitement 308 00:20:58,020 --> 00:21:04,680 la volonté du Conseil d’État de tout faire pour préserver le contrat 309 00:21:04,880 --> 00:21:08,260 entre les parties, de préserver la stabilité des relations 310 00:21:08,460 --> 00:21:09,220 contractuelles.