1 00:00:05,750 --> 00:00:10,160 Paragraphe 2 : le litige au cœur de l'instance.  2 00:00:10,790 --> 00:00:14,180 Vous le savez, l'introduction de l'instance s'est réalisée grâce 3 00:00:14,380 --> 00:00:17,900 à la mise en œuvre du droit d'actions en justice, c'est-à-dire qu'elle 4 00:00:18,100 --> 00:00:22,190 est matérialisée, cette introduction d'instance, par le dépôt d'une requête. 5 00:00:22,880 --> 00:00:26,840 Tout l'intérêt de ce processus est de soumettre au juge un litige 6 00:00:27,470 --> 00:00:32,120 afin que celui-ci le tranche conformément au droit applicable. 7 00:00:32,900 --> 00:00:36,710 En ce sens, il est essentiel de garder à l'esprit que les parties 8 00:00:36,910 --> 00:00:41,840 déterminent pour l'essentiel le litige soumis au juge afin qu'il 9 00:00:42,040 --> 00:00:42,800 le tranche. 10 00:00:43,000 --> 00:00:47,060 Mais de quoi est constitué ce litige devant le juge administratif ? 11 00:00:47,870 --> 00:00:53,090 Tout l'enjeu ici est de soumettre un litige au juge afin de le mettre 12 00:00:53,290 --> 00:00:55,340 en mesure de statuer. 13 00:00:55,850 --> 00:00:59,830 Rappelons ici que le premier alinéa de l'article R. 14 00:01:00,030 --> 00:01:05,390 411-1 du Code apporte des premiers éléments de réponse à la question 15 00:01:05,900 --> 00:01:08,570 en posant plusieurs exigences, je vous le rappelle, 16 00:01:08,770 --> 00:01:10,940 à peine d'irrecevabilité de la requête. 17 00:01:11,360 --> 00:01:16,130 En effet, le premier alinéa de cet article dispose que la requête 18 00:01:16,330 --> 00:01:20,720 indique le nom et domicile des parties et contient l'exposé des 19 00:01:20,920 --> 00:01:25,460 faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. 20 00:01:26,060 --> 00:01:29,030 En réalité, et au-delà des termes de l'article R. 21 00:01:29,230 --> 00:01:34,310 411-1 du Code, trois questions se posent lorsque l'on s'interroge 22 00:01:34,510 --> 00:01:37,700 sur la délimitation du litige soumis au juge. 23 00:01:37,900 --> 00:01:40,340 Quoi, pourquoi et comment ? 24 00:01:40,910 --> 00:01:43,190 De quoi est constitué le litige ? 25 00:01:43,390 --> 00:01:47,360 Sur quoi est-il fondé et comment est il justifié ? 26 00:01:47,930 --> 00:01:51,680 Dans cette perspective, il convient d'examiner premièrement 27 00:01:51,880 --> 00:01:56,240 l'objet du litige matérialisé par les conclusions soumises au juge, 28 00:01:56,440 --> 00:02:01,400 deuxièmement, le fondement du litige exprimé par les moyens soulevés 29 00:02:01,600 --> 00:02:06,170 devant le juge et troisièmement et dernièrement, la justification 30 00:02:06,590 --> 00:02:11,210 du litige réalisée grâce aux preuves produites devant le juge. 31 00:02:12,290 --> 00:02:16,250 Commençons, A, par l'objet du litige : les conclusions. 32 00:02:16,450 --> 00:02:21,330 L'objet du litige, c'est-à-dire ce qui est demandé au juge, 33 00:02:21,570 --> 00:02:23,400 est concrétisé par les conclusions. 34 00:02:23,910 --> 00:02:27,510 L'objet du litige correspond à l'ensemble des conclusions sur 35 00:02:27,710 --> 00:02:29,910 lesquelles le juge est amené à statuer. 36 00:02:30,540 --> 00:02:33,630 Mais ce substantif "conclusions" revêt un double sens. 37 00:02:33,960 --> 00:02:37,620 Dans un sens formel, les conclusions sont le document 38 00:02:37,820 --> 00:02:41,160 déposé par les parties qui contient leurs prétentions. 39 00:02:41,910 --> 00:02:46,950 Dans un sens matériel, les conclusions sont les prétentions 40 00:02:47,250 --> 00:02:51,090 elles-mêmes, donc lorsque l'on évoque les conclusions, 41 00:02:51,420 --> 00:02:57,330 on désigne souvent à la fois l'instrumentum et le negotium. 42 00:02:58,140 --> 00:03:02,550 À ce stade du cours, on se réfère ici uniquement à ce 43 00:03:02,750 --> 00:03:07,650 second sens, dans la mesure où pour appréhender l'objet du litige, 44 00:03:07,850 --> 00:03:12,900 il convient de comprendre les prétentions qui constituent ce litige. 45 00:03:13,500 --> 00:03:18,690 Plus précisément, vous devez comprendre qui et comment sont déterminées 46 00:03:18,890 --> 00:03:19,650 les conclusions. 47 00:03:19,980 --> 00:03:23,400 La détermination des conclusions est un processus qui revient aux 48 00:03:23,600 --> 00:03:29,070 parties au procès, d'où l'importance d'une juste identification de 49 00:03:29,310 --> 00:03:31,500 l'identité des parties au procès. 50 00:03:32,370 --> 00:03:37,650 Dès lors, il convient de distinguer le type de conclusions qui peuvent 51 00:03:37,850 --> 00:03:42,150 être présentées au juge par les parties parce que ces conclusions 52 00:03:42,350 --> 00:03:47,970 vont déterminer de manière fondamentale la physionomie du litige soumis au juge. 53 00:03:48,570 --> 00:03:51,600 Dans cette perspective, les parties peuvent développer 54 00:03:51,800 --> 00:03:55,020 deux types de conclusions, des conclusions principales, 55 00:03:55,220 --> 00:03:58,620 d'une part, et des conclusions incidentes, d'autre part. 56 00:03:59,370 --> 00:04:03,570 Commençons en premier lieu par les conclusions principales. 57 00:04:04,200 --> 00:04:07,560 Les conclusions principales sont le cœur de la demande. 58 00:04:08,040 --> 00:04:11,760 Ce sont les conclusions premières du demandeur ou du défendeur, 59 00:04:11,960 --> 00:04:16,950 celles que le demandeur ou le défendeur place en tête de ce qui est demandé 60 00:04:17,150 --> 00:04:20,850 au juge parce qu'à ses yeux, ce sont les conclusions les plus 61 00:04:21,050 --> 00:04:24,300 importantes et, à ce titre, celles qui doivent être satisfaites 62 00:04:24,500 --> 00:04:25,260 prioritairement. 63 00:04:25,920 --> 00:04:31,290 Par exemple, l'objet des conclusions principales du requérant peut être 64 00:04:31,490 --> 00:04:34,710 non seulement l'annulation ou la réformation d'une décision, 65 00:04:35,070 --> 00:04:38,820 mais également la reconnaissance d'un droit à réparation ou encore 66 00:04:39,020 --> 00:04:40,710 d'un droit tiré d'un contrat. 67 00:04:41,460 --> 00:04:45,660 Le défendeur, quant à lui, peut conclure bien évidemment au 68 00:04:45,860 --> 00:04:49,620 rejet de la demande en faisant valoir l'incompétence de la 69 00:04:49,820 --> 00:04:54,990 juridiction, l'irrecevabilité de la requête ou encore le fait que 70 00:04:55,190 --> 00:04:57,120 cette requête est mal fondée. 71 00:04:57,960 --> 00:05:01,800 De manière tout à fait intéressante du point de vue de la stratégie 72 00:05:02,000 --> 00:05:06,390 contentieuse, le défendeur peut ne pas se contenter de cette attitude 73 00:05:06,590 --> 00:05:10,530 passive consistant à demander le rejet de la requête. 74 00:05:11,070 --> 00:05:15,930 Il peut en effet adopter une attitude offensive en demandant la condamnation 75 00:05:16,130 --> 00:05:16,890 du requérant. 76 00:05:17,130 --> 00:05:21,450 Autrement dit, le défendeur peut ne pas se contenter de défendre, 77 00:05:21,720 --> 00:05:22,830 il peut contre-attaquer. 78 00:05:24,030 --> 00:05:27,090 Dans cette hypothèse, le défendeur formule ce que l'on 79 00:05:27,290 --> 00:05:28,560 qualifie de "conclusions reconventionnelles". 80 00:05:30,630 --> 00:05:34,770 En présence de conclusions reconventionnelles, vous devez 81 00:05:34,970 --> 00:05:38,400 comprendre que le défendeur ne se borne pas à conclure au rejet 82 00:05:38,600 --> 00:05:42,990 de la demande dirigée contre lui, mais qu'il riposte à la requête 83 00:05:43,200 --> 00:05:48,330 en demandant plus et autre chose que le simple rejet de cette requête. 84 00:05:48,530 --> 00:05:53,340 Ainsi, il ne cherche pas à réfuter l'argumentation du défendeur, 85 00:05:53,640 --> 00:05:56,730 mais il cherche, à travers une posture plus offensive, 86 00:05:57,060 --> 00:06:00,780 à présenter des conclusions qui lui sont propres et qu'il dirige 87 00:06:00,980 --> 00:06:02,820 contre le requérant. 88 00:06:03,270 --> 00:06:09,360 Par exemple, si le demandeur, qui est cocontractant de 89 00:06:09,560 --> 00:06:13,440 l'administration, présente des conclusions tendant à l'exécution 90 00:06:13,640 --> 00:06:17,220 du contrat et à la condamnation à des dommages et intérêts de 91 00:06:17,420 --> 00:06:20,970 l'administration au titre de la responsabilité contractuelle, 92 00:06:21,600 --> 00:06:27,180 le défendeur, à savoir l'administration cocontractante, peut lui opposer 93 00:06:27,380 --> 00:06:31,860 des conclusions reconventionnelles demandant au juge de constater 94 00:06:32,130 --> 00:06:35,850 l'invalidité du contrat servant à cette demande. 95 00:06:36,780 --> 00:06:40,410 Autre exemple, si le demandeur est un entrepreneur de travaux 96 00:06:40,610 --> 00:06:44,370 publics et qu'il présente des conclusions indemnitaires au juge, 97 00:06:44,700 --> 00:06:48,660 le défendeur, à savoir l'administration, pourra répliquer 98 00:06:48,990 --> 00:06:52,680 en demandant de condamner l'entrepreneur de travaux publics 99 00:06:53,040 --> 00:06:55,620 à des pénalités de retard. 100 00:06:57,130 --> 00:07:01,950 Donc en dehors du champ contractuel, un autre exemple peut être donné. 101 00:07:02,280 --> 00:07:06,240 Le défendeur peut demander, par exemple, la condamnation du 102 00:07:06,440 --> 00:07:11,790 requérant à des dommages et intérêts pour réparer le préjudice que l'action 103 00:07:11,990 --> 00:07:14,880 en justice formée par le demandeur lui a causé. 104 00:07:15,080 --> 00:07:19,350 Donc il peut ainsi présenter des conclusions reconventionnelles 105 00:07:19,650 --> 00:07:24,900 à fin d'indemnisation pour abus du droit d'agir en justice, 106 00:07:25,260 --> 00:07:29,880 même s'il faut bien l'admettre, cela sera rarement accordé. 107 00:07:30,270 --> 00:07:33,360 Vous pouvez voir par exemple, un arrêt du Conseil d'État du 27 108 00:07:33,560 --> 00:07:37,050 novembre 1968, commune de Cournon d'Auvergne. 109 00:07:37,890 --> 00:07:41,790 Une double précision doit être apportée au sujet de ces conclusions 110 00:07:41,990 --> 00:07:46,230 reconventionnelles, l'une relative à leur champ d'application, 111 00:07:46,620 --> 00:07:49,710 l'autre relative à leur recevabilité. 112 00:07:50,310 --> 00:07:54,960 Première précision quant à leur champ d'application, les conclusions 113 00:07:55,160 --> 00:07:58,830 reconventionnelles ne peuvent être présentées au juge dans tous les 114 00:07:59,030 --> 00:08:03,120 contentieux et elles se concentrent pour l'essentiel dans le contentieux 115 00:08:03,320 --> 00:08:08,370 contractuel en raison du caractère synallagmatique des obligations. 116 00:08:09,460 --> 00:08:14,440 Plus encore, les conclusions reconventionnelles sont irrecevables 117 00:08:14,830 --> 00:08:19,450 en excès de pouvoir, en vertu d'une jurisprudence constante 118 00:08:19,930 --> 00:08:24,130 du Conseil d'État et au motif, peu convaincant à vrai dire, 119 00:08:24,400 --> 00:08:29,260 que ce procédé de riposte n'aurait pas sa place dans un procès fait 120 00:08:29,460 --> 00:08:30,220 en acte. 121 00:08:30,420 --> 00:08:35,320 Cela ressort notamment d'une jurisprudence du 24 novembre 1967, 122 00:08:35,520 --> 00:08:40,240 Noble, dont la solution a été rappelée par un arrêt plus récent du 25 123 00:08:40,440 --> 00:08:43,720 mars 2013, Association Les Ailes varoises. 124 00:08:44,590 --> 00:08:48,510 De la même manière, le défendeur ne peut pas informer de conclusions 125 00:08:48,710 --> 00:08:52,000 reconventionnelles dans le cadre de certains contentieux objectifs 126 00:08:52,200 --> 00:08:55,360 de pleine juridiction, comme le contentieux électoral 127 00:08:55,750 --> 00:08:58,300 ainsi que dans le contentieux répressif. 128 00:08:59,400 --> 00:09:04,470 Pour autant, on observe une évolution du droit positif qui tend à admettre 129 00:09:04,670 --> 00:09:09,270 les conclusions reconventionnelles, même dans le champ de l'excès de 130 00:09:09,470 --> 00:09:10,230 pouvoir. 131 00:09:10,430 --> 00:09:15,030 En ce sens, l'ordonnance du 18 juillet 2013 permet de présenter 132 00:09:15,230 --> 00:09:19,200 des conclusions reconventionnelles à fin d'indemnisation pour abus 133 00:09:19,400 --> 00:09:22,650 du droit d'agir en justice dans le cadre d'un recours pour excès 134 00:09:22,850 --> 00:09:25,950 de pouvoir dirigé contre une autorisation d'urbanisme. 135 00:09:26,610 --> 00:09:30,300 En effet, le bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme qui 136 00:09:30,500 --> 00:09:34,260 se trouve en défense lorsqu'un tiers exerce un recours contre 137 00:09:34,460 --> 00:09:39,330 son autorisation, pourra demander au juge de condamner ce tiers auteur 138 00:09:39,530 --> 00:09:44,460 du recours à lui allouer des dommages et intérêts lorsque le droit de 139 00:09:44,660 --> 00:09:47,670 former un recours pour excès de pouvoir contre une autorisation 140 00:09:47,870 --> 00:09:52,020 d'urbanisme aura été mis en œuvre dans des conditions qui traduisent 141 00:09:52,220 --> 00:09:56,700 un comportement abusif de la part du requérant et un comportement 142 00:09:56,900 --> 00:10:02,040 qui cause un préjudice au bénéficiaire du permis, conformément à l'article 143 00:10:02,240 --> 00:10:05,250 L 600-7 du Code de l'urbanisme. 144 00:10:06,240 --> 00:10:11,610 Seconde précision, cette fois-ci relative à la recevabilité de ces 145 00:10:11,810 --> 00:10:13,080 conclusions reconventionnelles. 146 00:10:14,040 --> 00:10:18,030 Leur régime juridique est ambivalent parce qu'elles sont à la fois de 147 00:10:18,230 --> 00:10:21,480 véritables demandes qui auraient pu par elles-mêmes faire l'objet 148 00:10:21,680 --> 00:10:27,210 d'un recours à titre principal et en même temps des demandes dépendant 149 00:10:27,410 --> 00:10:29,670 des conclusions principales du requérant. 150 00:10:30,710 --> 00:10:33,740 D'une part, et parce que les conclusions reconventionnelles 151 00:10:33,940 --> 00:10:37,460 constituent des demandes à part entière, ces conclusions sont soumises 152 00:10:37,660 --> 00:10:41,450 aux mêmes conditions de recevabilité que celles auxquelles elles auraient 153 00:10:41,650 --> 00:10:45,950 été assujetties si elles avaient fait l'objet d'un recours autonome, 154 00:10:46,340 --> 00:10:50,360 par exemple, ministère d'avocat, délai de recours ou encore décision 155 00:10:50,560 --> 00:10:51,320 préalable. 156 00:10:51,710 --> 00:10:56,570 Mais d'autre part, ces conclusions ne doivent pas porter sur un litige 157 00:10:56,770 --> 00:11:00,890 distinct de celui présenté par le requérant. 158 00:11:01,550 --> 00:11:06,290 En effet, si les conclusions reconventionnelles entendent donner 159 00:11:06,490 --> 00:11:11,420 naissance à un litige autonome distinct, il appartient au défendeur 160 00:11:11,620 --> 00:11:14,840 de saisir le juge d'une requête principale dont il prendra 161 00:11:15,040 --> 00:11:15,800 l'initiative. 162 00:11:16,160 --> 00:11:20,300 Par exemple, vous ne pouvez pas demander au juge l'annulation d'un 163 00:11:20,500 --> 00:11:25,310 acte autre que celui qui fait l'objet d'un recours au moyen de conclusions 164 00:11:25,510 --> 00:11:29,660 reconventionnelles, c'est ce qui ressort notamment d'un arrêt du 165 00:11:29,860 --> 00:11:32,450 Conseil d'État du 30 octobre 1987, Issartier. 166 00:11:35,770 --> 00:11:40,840 Voilà pour le régime des conclusions dites principales. 167 00:11:41,040 --> 00:11:45,340 Passons, en second lieu, aux conclusions incidentes. 168 00:11:45,880 --> 00:11:50,290 En effet, aux conclusions principales, une partie peut joindre d'autres 169 00:11:50,490 --> 00:11:54,280 conclusions dites incidentes et le point commun de ces conclusions 170 00:11:54,480 --> 00:11:59,170 incidentes est leur caractère secondaire par rapport aux conclusions 171 00:11:59,370 --> 00:12:00,130 principales. 172 00:12:00,370 --> 00:12:04,920 Il existe trois types de conclusions incidentes. 173 00:12:05,740 --> 00:12:10,300 Premier type, les conclusions dites "subsidiaires", les conclusions 174 00:12:10,500 --> 00:12:14,680 présentées en cas de rejet des conclusions principales. 175 00:12:15,070 --> 00:12:19,270 Donc les conclusions subsidiaires sont des conclusions que l'on va 176 00:12:19,470 --> 00:12:24,370 présenter dans l'hypothèse où les conclusions principales seraient 177 00:12:24,580 --> 00:12:25,340 rejetées. 178 00:12:25,570 --> 00:12:31,210 Par exemple, dans le cas où serait rejetée une demande d'annulation 179 00:12:31,410 --> 00:12:35,980 visant l'ensemble des dispositions d'un décret, le requérant peut 180 00:12:36,180 --> 00:12:40,150 demander l'annulation d'une partie seulement du texte. 181 00:12:40,450 --> 00:12:44,560 Donc les conclusions principales sont l'annulation totale, 182 00:12:44,920 --> 00:12:48,550 tandis qu'en cas de rejet, les conclusions subsidiaires sont 183 00:12:48,750 --> 00:12:51,430 une demande d'annulation partielle. 184 00:12:52,210 --> 00:12:55,720 De même, le défendeur peut par exemple conclure principalement 185 00:12:55,920 --> 00:13:02,260 au rejet du recours pour irrecevabilité et subsidiairement au rejet du 186 00:13:02,460 --> 00:13:05,410 recours comme étant mal fondé. 187 00:13:06,100 --> 00:13:10,030 Donc vous pouvez conclure principalement au rejet de la demande 188 00:13:10,230 --> 00:13:14,080 indemnitaire et formuler subsidiairement des conclusions 189 00:13:14,280 --> 00:13:17,290 portant uniquement sur le montant de la réparation. 190 00:13:17,920 --> 00:13:21,570 Voilà pour le premier type, les conclusions subsidiaires. 191 00:13:22,030 --> 00:13:24,970 Le deuxième type de conclusions incidentes sont les conclusions 192 00:13:25,170 --> 00:13:26,560 dites "conditionnelles". 193 00:13:27,100 --> 00:13:31,210 Ces conclusions sont présentées en cas de reconnaissance du bien-fondé 194 00:13:31,570 --> 00:13:33,340 des conclusions principales. 195 00:13:33,820 --> 00:13:37,270 Par exemple, dans le cas où il serait fait droit à la demande 196 00:13:37,470 --> 00:13:41,830 d'annulation du décret, le demandeur demande au juge d'annuler 197 00:13:42,030 --> 00:13:46,840 le refus d'abroger les dispositions antérieures redevenues applicables. 198 00:13:47,500 --> 00:13:52,000 Autre exemple, la commune défenderesse demande que l'État la garantisse 199 00:13:52,480 --> 00:13:57,970 dans l'hypothèse où une condamnation était prononcée à son encontre. 200 00:13:59,020 --> 00:14:01,420 Troisième et dernier type de conclusions incidentes, 201 00:14:01,620 --> 00:14:03,520 les conclusions dites "accessoires". 202 00:14:04,210 --> 00:14:08,290 Ces conclusions accessoires visent au prononcé de mesures supplémentaires 203 00:14:08,650 --> 00:14:09,410 par le juge. 204 00:14:09,790 --> 00:14:13,720 Dans ce cas, il est demandé au juge d'assortir sa décision d'un 205 00:14:13,920 --> 00:14:17,950 certain nombre de mesures, comme la condamnation d'une partie 206 00:14:18,580 --> 00:14:22,930 aux frais irrépétibles, la suppression de passages injurieux 207 00:14:23,260 --> 00:14:27,460 contenus dans les mémoires des parties ou encore l'effet différé 208 00:14:27,790 --> 00:14:29,230 d'une annulation. 209 00:14:30,670 --> 00:14:34,810 Pour finir, il convient de formuler trois remarques à propos des 210 00:14:35,010 --> 00:14:37,450 conclusions présentées par les parties au procès. 211 00:14:37,870 --> 00:14:41,680 Il convient de souligner l'existence d'une limite, l'existence d'un 212 00:14:41,880 --> 00:14:44,380 pouvoir et enfin l'existence d'un principe. 213 00:14:44,890 --> 00:14:47,590 Premièrement, l'existence d'une limite. 214 00:14:48,280 --> 00:14:52,600 Une limite doit être soulignée aux conclusions que l'administration 215 00:14:52,800 --> 00:14:54,040 peut présenter au juge. 216 00:14:54,760 --> 00:14:59,020 En principe, conformément à la jurisprudence préfet de l'Eure 217 00:14:59,220 --> 00:15:04,930 du 20 mai 1913, l'administration est irrecevable à demander au juge 218 00:15:05,130 --> 00:15:09,400 administratif de prononcer une mesure qu'elle a le pouvoir de 219 00:15:09,600 --> 00:15:10,360 prendre elle-même. 220 00:15:11,170 --> 00:15:15,370 En effet, l'administration jouit en principe de ce qu'il est convenu 221 00:15:15,570 --> 00:15:20,020 d'appeler le "privilège du préalable", c'est-à-dire que l'administration 222 00:15:20,220 --> 00:15:24,580 est dispensée en principe de saisir le juge avant d'agir. 223 00:15:24,780 --> 00:15:29,860 Toutefois, et en contrepartie, l'administration est tenue d'exercer 224 00:15:30,060 --> 00:15:33,130 elle-même les pouvoirs qui lui sont conférés. 225 00:15:33,330 --> 00:15:38,140 Ainsi, par exemple, seront déclarées irrecevables les conclusions d'un 226 00:15:38,340 --> 00:15:42,400 hôpital visant à condamner un usager au paiement d'une créance, 227 00:15:42,600 --> 00:15:47,800 alors que cet hôpital a la possibilité de procéder lui-même au recouvrement 228 00:15:48,000 --> 00:15:51,790 forcé par l'émission d'un titre exécutoire. 229 00:15:52,240 --> 00:15:55,690 De même, sont irrecevables les conclusions par lesquelles 230 00:15:55,890 --> 00:16:00,130 l'administration demande l'abrogation d'une décision alors qu'elle dispose 231 00:16:00,330 --> 00:16:03,610 elle-même du pouvoir de procéder à cette abrogation. 232 00:16:04,600 --> 00:16:09,700 Pour autant, j'insiste, le principe issu de la jurisprudence 233 00:16:09,900 --> 00:16:11,470 préfet de l'Eure n'est pas absolu. 234 00:16:11,950 --> 00:16:16,600 Bien évidemment, cette jurisprudence ne saurait jouer lorsque des 235 00:16:16,800 --> 00:16:20,530 dispositions législatives y dérogent ou lorsque la personne publique 236 00:16:20,730 --> 00:16:22,960 n'a pas les moyens de parvenir à ses fins. 237 00:16:23,650 --> 00:16:28,210 Plus encore, le juge administratif fait preuve de compréhension lorsqu'il 238 00:16:28,410 --> 00:16:31,990 lui semble légitime que l'administration ne fasse pas usage 239 00:16:32,350 --> 00:16:34,210 de ses prérogatives exorbitantes. 240 00:16:34,410 --> 00:16:38,770 Ainsi, le juge accepte de condamner les cocontractants des personnes 241 00:16:38,970 --> 00:16:44,500 publiques à payer des dettes alors que les personnes publiques ont 242 00:16:45,070 --> 00:16:50,560 les pouvoirs de procéder unilatéralement à l'exécution et 243 00:16:50,760 --> 00:16:53,050 au recouvrement de ces dettes. 244 00:16:53,890 --> 00:17:00,460 Cette substitution du juge à l'autorité administrative est également tolérée 245 00:17:00,730 --> 00:17:05,620 en matière d'exécution forcée, notamment pour l'expulsion d'occupants 246 00:17:05,820 --> 00:17:07,630 sans titre de domaine public. 247 00:17:07,830 --> 00:17:13,240 Deuxièmement, il convient de souligner l'existence d'un pouvoir et ce 248 00:17:13,440 --> 00:17:17,050 pouvoir est celui du juge d'interpréter les conclusions. 249 00:17:17,680 --> 00:17:21,550 En principe, vous le savez, le juge est subordonné aux conclusions 250 00:17:21,750 --> 00:17:24,940 des parties parce qu'il lui est interdit de statuer ultra-petita, 251 00:17:25,140 --> 00:17:29,320 c'est-à-dire au-delà de ce qui lui est demandé, infra-petita, 252 00:17:29,520 --> 00:17:34,660 c'est-à-dire en deçà de ce qui lui est demandé, ou extra-petita, 253 00:17:34,860 --> 00:17:38,620 c'est-à-dire en dehors de ce qui lui est demandé. 254 00:17:39,460 --> 00:17:42,880 L'obligation de ne statuer que sur les conclusions présentées 255 00:17:43,080 --> 00:17:46,480 par les parties est même érigée en principe général de procédure, 256 00:17:46,870 --> 00:17:51,670 par un arrêt du Conseil d'État du 8 août 1918 de la Cour. 257 00:17:52,330 --> 00:17:57,760 Pour autant, cette neutralité du juge au regard des conclusions 258 00:17:58,060 --> 00:18:02,170 n'est pas totale, n'est pas absolue puisque le juge fait preuve d'une 259 00:18:02,370 --> 00:18:06,250 bienveillance ou d'une certaine mansuétude à l'égard des requérants, 260 00:18:06,520 --> 00:18:11,050 et en particulier lorsque leurs demandes sont présentées sans 261 00:18:11,250 --> 00:18:12,730 l'assistance d'un avocat. 262 00:18:13,330 --> 00:18:17,500 Dans un tel cas de figure, il arrive souvent que des requérants, 263 00:18:17,920 --> 00:18:22,720 non rompus évidemment au vocabulaire juridique, utilisent des expressions 264 00:18:22,920 --> 00:18:26,080 inadéquates ou formulent des conclusions maladroites, 265 00:18:26,280 --> 00:18:30,520 ambiguës, voire obscures, et pour "sauver", entre guillemets, 266 00:18:30,880 --> 00:18:34,840 la requête d'une irrecevabilité, le juge se reconnaît, 267 00:18:35,230 --> 00:18:39,460 sous couvert d'interprétation, la possibilité de corriger et de 268 00:18:39,660 --> 00:18:42,880 redresser une erreur ainsi commise. 269 00:18:43,480 --> 00:18:49,000 Rien n'impose dans les textes au juge d'apporter cette aide aux parties. 270 00:18:49,360 --> 00:18:51,850 Il ne s'agit là que d'une pratique. 271 00:18:52,450 --> 00:18:56,410 Par exemple, le juge peut interpréter le recours contre la lettre de 272 00:18:56,610 --> 00:19:00,730 notification d'une décision comme étant en réalité dirigé contre 273 00:19:00,930 --> 00:19:01,690 cette décision. 274 00:19:01,960 --> 00:19:05,380 Ou encore, il peut requalifier un recours en annulation, 275 00:19:05,680 --> 00:19:08,440 en recours en appréciation de validité. 276 00:19:09,220 --> 00:19:13,690 Troisième et dernière remarque, il existe un principe, 277 00:19:13,930 --> 00:19:18,310 et ce principe est celui de l'immutabilité des conclusions. 278 00:19:18,910 --> 00:19:23,980 En effet, des conclusions nouvelles ne peuvent plus être présentées 279 00:19:24,180 --> 00:19:27,640 après l'expiration du délai de recours contentieux. 280 00:19:28,360 --> 00:19:34,040 Le requérant ne pourra ni ajouter de nouvelles conclusions ni augmenter 281 00:19:34,310 --> 00:19:38,150 ses conclusions initiales à l'expiration du délai de recours. 282 00:19:38,780 --> 00:19:42,800 Une fois le délai de recours expiré, le requérant pourra uniquement 283 00:19:43,000 --> 00:19:47,510 renoncer à des conclusions, c'est-à-dire réduire l'étendue 284 00:19:47,710 --> 00:19:48,860 de ses prétentions. 285 00:19:49,190 --> 00:19:52,940 Par exemple, il pourra renoncer à la réparation d'un préjudice 286 00:19:53,300 --> 00:19:57,110 ou substituer à une demande d'annulation totale une demande 287 00:19:57,310 --> 00:19:58,610 d'annulation partielle. 288 00:19:59,810 --> 00:20:05,270 Le requérant pourra également développer ses conclusions initiales, 289 00:20:05,470 --> 00:20:09,560 c'est-à-dire y ajouter des conclusions qui en constituent un prolongement 290 00:20:09,760 --> 00:20:10,520 indissociable. 291 00:20:10,880 --> 00:20:14,840 Par exemple, il peut invoquer de nouveaux chefs de préjudice dès 292 00:20:15,040 --> 00:20:19,340 lors que ces chefs de préjudice se rattachent aux mêmes faits 293 00:20:19,540 --> 00:20:24,470 générateurs et demeurent dans la limite de l'indemnité chiffrée. 294 00:20:25,650 --> 00:20:30,540 Voilà pour l'objet du litige, objet du litige constitué à la 295 00:20:30,740 --> 00:20:34,410 fois des conclusions principales et des conclusions incidentes 296 00:20:34,680 --> 00:20:37,110 présentées par les parties au procès.