1 00:00:05,720 --> 00:00:09,020 Section II : les étapes de l'instance. 2 00:00:09,710 --> 00:00:14,040 Dans le déroulement d'une instance, qu'il convient maintenant de décrire, 3 00:00:14,660 --> 00:00:18,770 il faut distinguer deux moments : le moment de l'instruction tout 4 00:00:18,970 --> 00:00:23,000 d'abord, et le moment des préliminaires du jugement ensuite. 5 00:00:23,200 --> 00:00:27,110 Commençons, paragraphe 1 par l'instruction. 6 00:00:27,790 --> 00:00:31,490 L'instruction consiste, pour le juge saisi d'une demande, 7 00:00:31,690 --> 00:00:36,920 à compléter son information sur cette demande afin de pouvoir statuer 8 00:00:37,120 --> 00:00:38,390 en connaissance de cause. 9 00:00:38,930 --> 00:00:45,200 L'objet de cette phase consiste avant tout à informer le juge, 10 00:00:45,400 --> 00:00:48,980 comme le rappelle un arrêt d'assemblée du Conseil d'État du 6 novembre 2002, 11 00:00:49,340 --> 00:00:50,600 Moon Sun Myung. 12 00:00:51,650 --> 00:00:56,150 Au fond, l'instruction vise à permettre au juge de former sa conviction 13 00:00:56,350 --> 00:00:57,710 sur les points en litige. 14 00:00:58,220 --> 00:01:03,050 En principe, le juge assume une obligation d'instruire parce que 15 00:01:03,250 --> 00:01:06,800 l'instruction permet au juge d'avoir la connaissance la plus complète 16 00:01:07,100 --> 00:01:07,860 de l'affaire. 17 00:01:08,150 --> 00:01:10,790 Donc il y a eu lieu, en principe, de mettre en œuvre 18 00:01:11,030 --> 00:01:14,330 une telle instruction préalablement au jugement. 19 00:01:14,660 --> 00:01:17,990 Et cette exigence s'impose à toute juridiction administrative, 20 00:01:18,190 --> 00:01:23,360 ce que rappelle un arrêt de section du 25 janvier 1957, Robert (Anteau). 21 00:01:23,560 --> 00:01:29,510 Toutefois, dans des cas en principe exceptionnels, lorsque la requête 22 00:01:29,710 --> 00:01:33,170 appelle une solution certaine, le président de la formation de 23 00:01:33,370 --> 00:01:37,790 jugement peut décider qu'il n'y a pas lieu de mener une instruction. 24 00:01:38,420 --> 00:01:43,010 Soit l'affaire est alors directement inscrite à une séance de jugement 25 00:01:43,430 --> 00:01:46,970 sans transmission de la requête au défendeur sur le fondement de 26 00:01:47,170 --> 00:01:47,930 l'article R. 27 00:01:48,130 --> 00:01:53,960 111-8 du Code, ce qui est relativement rare, soit elle fait l'objet d'une 28 00:01:54,160 --> 00:01:57,230 ordonnance sur le fondement de l'article R. 29 00:01:57,430 --> 00:01:59,330 222-1 ou R. 30 00:01:59,530 --> 00:02:03,440 122-12 du Code, ce qui est bien plus fréquent. 31 00:02:04,790 --> 00:02:08,390 Il n'en reste pas moins que je vais me concentrer ici sur les cas où, 32 00:02:08,590 --> 00:02:11,210 en principe, une instruction a lieu. 33 00:02:11,690 --> 00:02:16,370 Et pour comprendre l'instruction, il convient en premier lieu d'en 34 00:02:16,570 --> 00:02:20,780 appréhender les caractères principaux avant, en second lieu, 35 00:02:21,320 --> 00:02:25,160 de s'intéresser à son déroulement à proprement parler. 36 00:02:25,850 --> 00:02:29,600 A : les caractères de l'instruction. 37 00:02:30,560 --> 00:02:35,000 Devant le juge administratif, l'instruction présente trois caractères 38 00:02:35,200 --> 00:02:35,960 principaux. 39 00:02:36,440 --> 00:02:41,750 Cette phase du procès est en principe à la fois contradictoire, 40 00:02:42,140 --> 00:02:44,570 inquisitoire et écrite. 41 00:02:45,590 --> 00:02:51,860 Le caractère premier de l'instruction est son caractère contradictoire. 42 00:02:52,790 --> 00:02:57,620 Le principe de la contradiction est une exigence fondamentale du 43 00:02:57,820 --> 00:03:02,870 droit processuel qui se trouve consacré dans le titre préliminaire 44 00:03:03,070 --> 00:03:07,250 du Code de justice administrative, titre préliminaire qui regroupe 45 00:03:07,450 --> 00:03:11,870 les principes les plus essentiels du procès administratif. 46 00:03:12,350 --> 00:03:13,150 L'article L. 47 00:03:13,350 --> 00:03:19,370 5 du Code de justice administrative dispose sobrement que l'instruction 48 00:03:19,570 --> 00:03:22,100 des affaires est contradictoire. 49 00:03:22,850 --> 00:03:26,330 Avant cette codification, la contradiction était consacrée 50 00:03:26,570 --> 00:03:30,710 comme un principe général applicable à toutes les juridictions 51 00:03:30,910 --> 00:03:34,810 administratives, et ce, conformément à la jurisprudence 52 00:03:35,010 --> 00:03:38,070 Société La Huta du 12 mai 1961. 53 00:03:38,780 --> 00:03:43,250 Principe général applicable à toutes les juridictions administratives, 54 00:03:43,610 --> 00:03:48,800 la contradiction a également été érigée au rang de garantie essentielle 55 00:03:49,000 --> 00:03:53,750 des justiciables par la jurisprudence Rassemblement des nouveaux avocats 56 00:03:53,950 --> 00:03:58,160 de France du Conseil d'État du 12 octobre 1979. 57 00:03:58,360 --> 00:04:04,070 Enfin, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 29 décembre 1989, 58 00:04:04,430 --> 00:04:09,680 a considéré que le principe de la contradiction est un corollaire 59 00:04:09,920 --> 00:04:13,850 du principe constitutionnel des droits de la défense. 60 00:04:15,590 --> 00:04:20,840 Le caractère contradictoire de l'instruction, caractère fondamental, 61 00:04:21,040 --> 00:04:24,140 vous l'aurez compris, de la procédure suivie devant les 62 00:04:24,340 --> 00:04:29,000 juridictions administratives, vise à assurer l'égalité entre 63 00:04:29,200 --> 00:04:34,520 les parties face à l'information parce que le jugement rendu ne 64 00:04:34,720 --> 00:04:39,710 peut pas reposer sur un élément connu que d'une partie ou que du juge. 65 00:04:40,310 --> 00:04:44,450 Ainsi que le rappelle une jurisprudence constante du Conseil d'État, 66 00:04:44,840 --> 00:04:49,550 le caractère contradictoire de l'instruction tend principalement 67 00:04:49,880 --> 00:04:57,440 à assurer l'égalité entre les parties, Conseil d'État, 29 juillet 1998 68 00:04:57,640 --> 00:05:01,370 Esclatine pour un rappel de ce principe. 69 00:05:02,450 --> 00:05:07,550 Donc l'argumentation d'une partie doit non seulement être connue 70 00:05:07,750 --> 00:05:12,680 de son adversaire, mais également discutée par cet adversaire. 71 00:05:13,100 --> 00:05:16,880 En ce sens et pour reprendre une terminologie doctrinale, 72 00:05:17,240 --> 00:05:22,250 la contradiction est non seulement le droit de savoir, mais également 73 00:05:22,450 --> 00:05:26,960 le droit de faire savoir, ce qui signifie que ce principe 74 00:05:27,160 --> 00:05:30,830 impose de soumettre aux parties l'ensemble des données de fait 75 00:05:31,030 --> 00:05:36,470 et de droit susceptibles d'exercer une influence sur l'issue du litige 76 00:05:36,770 --> 00:05:41,690 afin que ces données puissent être discutées ou critiquées par les 77 00:05:41,890 --> 00:05:42,650 parties. 78 00:05:42,850 --> 00:05:48,800 Aussi, le juge ne doit prendre en considération pour statuer que 79 00:05:49,000 --> 00:05:53,030 les informations dont les parties ont eu connaissance et dont les 80 00:05:53,230 --> 00:05:56,630 parties ont pu débattre dans la plus parfaite égalité. 81 00:05:56,830 --> 00:06:01,430 Ainsi, on considère qu'un jugement est rendu selon une procédure 82 00:06:01,630 --> 00:06:06,020 irrégulière si ce jugement se fonde sur des mémoires et documents produits 83 00:06:06,220 --> 00:06:10,790 par une partie qui n'ont pas été communiqués à l'autre partie et 84 00:06:10,990 --> 00:06:14,480 vous pouvez voir sur ce point un arrêt du Conseil d'État du 13 janvier 85 00:06:14,680 --> 00:06:19,190 1988 Abina, mais également, pour un rappel, une ordonnance 86 00:06:19,390 --> 00:06:24,200 du Conseil d'État du 23 décembre 2016, Section française de l'OIP, 87 00:06:24,400 --> 00:06:28,010 c'est-à-dire de l'Observatoire international des prisons, 88 00:06:28,490 --> 00:06:32,060 ordonnance à l'occasion de laquelle le Conseil d'État rappelle que 89 00:06:32,260 --> 00:06:36,470 les règles générales de la procédure contentieuse interdisent au juge 90 00:06:36,670 --> 00:06:39,950 de se fonder sur des pièces qui n'auraient pas été soumises au 91 00:06:40,150 --> 00:06:41,360 débat contradictoire. 92 00:06:41,560 --> 00:06:46,190 Comprenez-le bien, la fonction du principe de la contradiction 93 00:06:46,390 --> 00:06:47,330 est double. 94 00:06:47,840 --> 00:06:51,680 La première fonction de ce principe est d'être un instrument de protection 95 00:06:51,880 --> 00:06:56,090 des parties, puisque chaque partie doit avoir la possibilité de répondre 96 00:06:56,390 --> 00:07:00,920 aux arguments de l'autre sans qu'aucune ne soit favorisée ou désavantagée. 97 00:07:01,820 --> 00:07:05,690 La contradiction permet ainsi aux parties d'assurer leur défense 98 00:07:05,990 --> 00:07:08,600 et les place sur un pied d'égalité face au juge. 99 00:07:09,290 --> 00:07:13,460 La seconde fonction de la contradiction est d'être un instrument de protection 100 00:07:13,660 --> 00:07:18,770 du juge, puisque ce principe garantit la pleine information du juge. 101 00:07:19,100 --> 00:07:22,700 Ce principe permet que le juge soit pleinement éclairé, 102 00:07:22,970 --> 00:07:26,990 pleinement informé de la façon la plus complète par chacun des 103 00:07:27,710 --> 00:07:31,640 adversaires afin d'établir sa conviction et de statuer. 104 00:07:32,960 --> 00:07:36,230 Quel est le champ d'application du principe ? 105 00:07:36,950 --> 00:07:41,630 Les moyens et conclusions des parties sont contenus dans un document 106 00:07:41,830 --> 00:07:46,940 appelé "mémoire", mémoire dont la communication à la partie adverse 107 00:07:47,270 --> 00:07:50,180 permet d'assurer une discussion contradictoire. 108 00:07:51,080 --> 00:07:53,510 Cette communication, je vous l'ai déjà expliqué, 109 00:07:53,810 --> 00:07:57,290 n'est pas effectuée par les parties, mais par la juridiction, 110 00:07:57,710 --> 00:08:02,360 laquelle va notifier au défendeur la requête et, le cas échéant, 111 00:08:02,560 --> 00:08:06,530 son mémoire complémentaire, puis le premier mémoire en défense 112 00:08:07,340 --> 00:08:09,170 au demandeur, article R. 113 00:08:09,370 --> 00:08:13,790 611-1 du CJA et les pièces jointes sont traitées de la même manière 114 00:08:13,990 --> 00:08:17,360 que les mémoires, conformément à l'article R. 115 00:08:17,560 --> 00:08:18,320 611-5. 116 00:08:20,860 --> 00:08:25,750 En d'autres termes, la requête introductive d'instance, 117 00:08:26,500 --> 00:08:30,220 le mémoire complémentaire de cette requête introductive d'instance 118 00:08:30,420 --> 00:08:36,760 ainsi que le premier mémoire en défense sont nécessairement communiqués 119 00:08:36,960 --> 00:08:37,720 aux parties. 120 00:08:39,060 --> 00:08:43,140 S'agissant des mémoires susceptibles d'être produits ultérieurement, 121 00:08:43,560 --> 00:08:47,490 la juridiction n'est tenue de les verser au débat contradictoire 122 00:08:47,690 --> 00:08:51,780 que si ceux-ci contiennent un élément nouveau, article R. 123 00:08:51,980 --> 00:08:53,640 611-1 du CJA. 124 00:08:54,870 --> 00:08:57,960 Ces mémoires ultérieurs sont qualifiés de mémoires ampliatifs. 125 00:08:59,940 --> 00:09:05,460 Il s'agit du mémoire en réplique du demandeur qui répond au premier 126 00:09:05,660 --> 00:09:10,810 mémoire en défense du défendeur, est également un mémoire ampliatif 127 00:09:11,010 --> 00:09:15,210 le second mémoire en défense du défendeur, en réponse au mémoire 128 00:09:15,410 --> 00:09:20,130 en réplique du demandeur, est encore qualifié de mémoire 129 00:09:20,330 --> 00:09:25,260 ampliatif le mémoire en duplique du demandeur en réponse au second 130 00:09:25,460 --> 00:09:26,960 mémoire en défense, etc. 131 00:09:30,000 --> 00:09:34,230 Donc en principe, si l'un de ces mémoires ampliatifs contient un 132 00:09:34,430 --> 00:09:39,810 élément nouveau, le juge est tenu de le verser au débat contradictoire. 133 00:09:40,010 --> 00:09:44,130 Cependant, il faut bien l'admettre, l'absence de communication par 134 00:09:44,330 --> 00:09:48,960 le juge d'une pièce qui aurait dû être transmise à la partie adverse 135 00:09:49,160 --> 00:09:54,840 parce qu'elle contient un élément nouveau n'affecte pas nécessairement 136 00:09:55,040 --> 00:09:55,980 le jugement. 137 00:09:56,520 --> 00:10:00,570 En effet, l'absence de débat contradictoire est considérée comme 138 00:10:00,770 --> 00:10:05,070 sans incidence sur la régularité du jugement si le juge ne s'est 139 00:10:05,270 --> 00:10:09,480 pas fondé pour sa décision sur l'élément non soumis à la 140 00:10:09,680 --> 00:10:10,440 contradiction. 141 00:10:10,640 --> 00:10:13,260 Et pour une administration, je vous invite à lire un arrêt 142 00:10:13,460 --> 00:10:15,060 du 2 octobre 2017. 143 00:10:16,430 --> 00:10:20,270 Contradictoire tout d'abord, l'instruction est également 144 00:10:20,470 --> 00:10:24,530 inquisitoire, ce qui est son deuxième caractère. 145 00:10:25,130 --> 00:10:30,500 En effet, la procédure suivie devant la juridiction administrative est 146 00:10:30,700 --> 00:10:33,980 inquisitoire, comme le rappelle un arrêt d'assemblée du Conseil 147 00:10:34,180 --> 00:10:38,780 d'État du 30 octobre 2009, Perreu, c'est-à-dire que la procédure 148 00:10:38,980 --> 00:10:44,960 est placée sous la maîtrise du juge, lequel dirige seul l'instruction 149 00:10:45,160 --> 00:10:45,920 des affaires. 150 00:10:46,370 --> 00:10:51,830 Voilà un autre héritage de la justice retenue, où le juge agissait au 151 00:10:52,030 --> 00:10:54,620 fond comme une composante de l'administration. 152 00:10:55,220 --> 00:10:59,210 Malgré le passage, vous le savez, à la justice déléguée, 153 00:10:59,720 --> 00:11:03,590 le caractère inquisitoire de l'instruction a été conservé, 154 00:11:03,890 --> 00:11:06,500 mais il a aujourd'hui une autre signification. 155 00:11:07,220 --> 00:11:11,690 En effet, les pouvoirs inquisitoriaux dont dispose le juge dans la conduite 156 00:11:11,890 --> 00:11:17,300 de l'instruction visent à remédier, à contrebalancer le déséquilibre 157 00:11:17,500 --> 00:11:20,630 des parties en présence dans l'administration de la preuve. 158 00:11:21,380 --> 00:11:26,240 Le rôle central du juge dans la conduite de l'instruction se manifeste 159 00:11:26,440 --> 00:11:27,620 à différents niveaux. 160 00:11:28,160 --> 00:11:32,810 Nous venons de le rappeler, c'est lui qui transmet la requête 161 00:11:33,010 --> 00:11:38,210 au défendeur et qui sert au-delà d'interface entre les parties dans 162 00:11:38,410 --> 00:11:40,370 la transmission des mémoires et des pièces. 163 00:11:41,030 --> 00:11:45,200 C'est lui encore qui ordonne d'office, ou à la demande des parties, 164 00:11:45,500 --> 00:11:49,520 les mesures relevant de son pouvoir de direction de l'instruction, 165 00:11:49,790 --> 00:11:53,030 comme les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires. 166 00:11:55,880 --> 00:11:59,390 Comme l'indique la jurisprudence, le juge administratif, 167 00:11:59,590 --> 00:12:04,010 dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, 168 00:12:04,310 --> 00:12:09,530 a le pouvoir de prendre toutes mesures propres à lui procurer 169 00:12:09,830 --> 00:12:14,150 les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur les 170 00:12:14,350 --> 00:12:18,560 points en litige, ce que rappelle un arrêt du Conseil d'État du 20 171 00:12:18,760 --> 00:12:23,060 février 2012, Ministre de la Défense et des Anciens combattants. 172 00:12:24,500 --> 00:12:28,130 Troisième et dernier caractère de l'instruction, l'instruction 173 00:12:28,330 --> 00:12:32,000 devant le juge administratif est une instruction écrite. 174 00:12:32,720 --> 00:12:37,040 L'écrit est une marque distinctive de la procédure suivie devant les 175 00:12:37,240 --> 00:12:42,140 juridictions administratives et l'un des principaux caractères 176 00:12:42,340 --> 00:12:47,540 de la procédure d'instruction dont l'origine peut, pourrait se trouver 177 00:12:47,990 --> 00:12:53,870 dans l'édit du chancelier d'Aguesseau en date du 28 juin 1738. 178 00:12:54,710 --> 00:13:00,740 Selon la formule jurisprudentielle consacrée, l'instruction est une 179 00:13:00,940 --> 00:13:05,270 procédure essentiellement écrite devant le juge administratif, 180 00:13:05,470 --> 00:13:10,520 ce que rappelle un arrêt du Conseil d'État du 25 janvier 1980 Gras, 181 00:13:10,910 --> 00:13:15,140 ou encore un arrêt du 1er décembre 2002 commune de Saint-Cyprien. 182 00:13:16,220 --> 00:13:20,210 Cette prédominance de l'écrit devant les juridictions administratives 183 00:13:20,410 --> 00:13:24,590 se justifie pour l'essentiel par le caractère souvent technique 184 00:13:25,040 --> 00:13:26,480 des contentieux traités. 185 00:13:27,020 --> 00:13:31,550 De surcroît, l'écrit offre de nombreuses garanties aux justiciables 186 00:13:31,750 --> 00:13:34,160 et offre notamment trois avantages. 187 00:13:34,580 --> 00:13:38,750 Le premier avantage est que l'écrit permet au juge comme aux parties 188 00:13:39,140 --> 00:13:42,770 de connaître au détail près l'état de l'instruction. 189 00:13:43,340 --> 00:13:50,450 Le deuxième avantage de l'écrit et qu'il met à l'abri les parties 190 00:13:50,780 --> 00:13:57,050 des rebondissements de dernière minute qui pourraient survenir 191 00:13:57,350 --> 00:14:02,330 si la procédure était orale et que l'on admettait le développement 192 00:14:02,530 --> 00:14:04,730 de nouveaux arguments lors d'une audience. 193 00:14:05,750 --> 00:14:10,970 Le troisième et dernier avantage de l'écrit est de comporter la 194 00:14:11,170 --> 00:14:15,800 possibilité de revenir en arrière pour relire un argument de droit 195 00:14:16,070 --> 00:14:18,980 ou vérifier un argument de fait. 196 00:14:19,180 --> 00:14:24,590 Fondamentalement, l'écrit est une garantie du respect du principe 197 00:14:24,790 --> 00:14:26,270 de la contradiction. 198 00:14:26,750 --> 00:14:31,760 Le temps de la discussion contradictoire est protégé par 199 00:14:31,960 --> 00:14:36,320 le caractère écrit de la procédure, dans la mesure où l'écrit est un 200 00:14:36,520 --> 00:14:40,850 gage à la fois de prévisibilité et d'exhaustivité. 201 00:14:41,540 --> 00:14:44,930 Par conséquent, il faut bien l'admettre, l'oralité occupe une 202 00:14:45,130 --> 00:14:48,140 place assez subsidiaire, voire assez marginale, 203 00:14:48,620 --> 00:14:53,510 devant la juridiction administrative, au moins lors d'une procédure 204 00:14:53,710 --> 00:14:54,470 ordinaire. 205 00:14:54,670 --> 00:14:59,930 Certes, l'oralité n'est pas totalement exclue de la procédure d'instruction 206 00:15:00,130 --> 00:15:03,740 suivie devant le juge administratif, puisqu'elle est admise dans le 207 00:15:03,940 --> 00:15:07,370 cadre de certaines mesures d'instruction comme l'expertise, 208 00:15:07,580 --> 00:15:11,210 la visite des lieux ou encore l'audition de témoins. 209 00:15:11,900 --> 00:15:15,230 Quoi qu'il en soit, chacune de ces mesures doit faire l'objet 210 00:15:15,430 --> 00:15:19,460 d'un procès-verbal dont la communication écrite aux parties 211 00:15:19,660 --> 00:15:22,430 est assurée par une jonction au dossier d'instruction. 212 00:15:23,660 --> 00:15:28,610 Certes encore, les parties ont la faculté de présenter de brèves 213 00:15:28,810 --> 00:15:32,120 observations orales à l'audience et nous reviendrons sur cette faculté. 214 00:15:32,870 --> 00:15:33,740 L'article R. 215 00:15:33,940 --> 00:15:37,970 732-1 du Code le prévoit devant les tribunaux administratifs et 216 00:15:38,170 --> 00:15:41,060 les Cours administratives d'appel tandis que l'article R. 217 00:15:41,260 --> 00:15:44,600 733-1 du Code le prévoit devant le Conseil d'État. 218 00:15:45,110 --> 00:15:49,880 Mais il convient ici de faire très attention puisque aucune conclusion 219 00:15:50,080 --> 00:15:54,800 nouvelle ni aucun moyen nouveau ne pourra être présenté oralement 220 00:15:55,100 --> 00:15:57,830 à l'occasion de ces brèves observations orales. 221 00:15:58,250 --> 00:16:02,420 En effet, au cours de l'audience, les observations orales ne permettent 222 00:16:02,620 --> 00:16:07,280 aux parties que de commenter les mémoires écrits soumis au juge 223 00:16:07,480 --> 00:16:08,270 lors de l'instruction. 224 00:16:08,750 --> 00:16:13,040 Ces observations ne peuvent servir qu'à apporter un éclairage sur 225 00:16:13,240 --> 00:16:16,970 certains aspects du dossier, ne peuvent permettre qu'à insister 226 00:16:17,360 --> 00:16:23,600 sur tel ou tel moyen soulevé, sans y ajouter d'éléments nouveaux. 227 00:16:24,050 --> 00:16:29,360 Donc l'oralité reste pensée aujourd'hui devant le juge administratif comme 228 00:16:29,560 --> 00:16:32,600 un prolongement des productions écrites. 229 00:16:33,200 --> 00:16:38,480 Pour autant, il s'agit de ne pas sous-estimer la place prise par 230 00:16:38,680 --> 00:16:41,810 l'oralité devant les juridictions administratives et notamment grâce 231 00:16:42,010 --> 00:16:43,280 au référé d'urgence. 232 00:16:43,910 --> 00:16:47,960 En effet, dans le cadre des référés d'urgence, c'est-à-dire du référé 233 00:16:48,160 --> 00:16:52,220 suspension, du référé liberté et du référé mesures utiles, 234 00:16:52,580 --> 00:16:59,120 le juge statue au terme d'une procédure contradictoire, écrite ou orale, 235 00:16:59,510 --> 00:17:05,120 conformément à l'article L 522-1 du Code, ce qui a conduit à une 236 00:17:05,320 --> 00:17:09,470 véritable acclimatation du juge administratif à la pratique de 237 00:17:09,670 --> 00:17:10,430 l'oralité. 238 00:17:10,630 --> 00:17:11,390 Pourquoi ? 239 00:17:11,590 --> 00:17:16,070 Eh bien parce qu'en urgence, une instruction écrite assez courte 240 00:17:16,270 --> 00:17:20,180 a lieu et après une instruction écrite courte, compte tenu de 241 00:17:20,380 --> 00:17:25,520 l'urgence, une audience est organisée où le juge va interroger directement 242 00:17:25,720 --> 00:17:30,950 les parties qui vont opposer leurs arguments avant de rendre sa décision. 243 00:17:31,430 --> 00:17:36,140 Et ces audiences ont démontré les avantages d'un échange oral pour 244 00:17:36,340 --> 00:17:41,270 parfois saisir plus précisément et plus justement la complexité 245 00:17:41,470 --> 00:17:43,540 de certaines situations litigieuses. 246 00:17:44,590 --> 00:17:50,800 Sans remettre en cause le caractère écrit de la procédure ordinaire 247 00:17:51,000 --> 00:17:55,510 suivie devant les juridictions administratives, une expérimentation 248 00:17:55,960 --> 00:17:58,480 est actuellement en cours devant le Conseil d'État. 249 00:17:59,560 --> 00:18:04,120 En amont de l'audience publique de jugement, des échanges directs 250 00:18:04,320 --> 00:18:08,380 avec les parties peuvent être organisés pour certaines affaires dans le 251 00:18:08,580 --> 00:18:11,910 cadre du décret du 18 novembre 2020. 252 00:18:12,520 --> 00:18:17,020 En effet, dans le cadre de cette expérimentation uniquement devant 253 00:18:17,220 --> 00:18:21,220 le Conseil d'État, des séances, voire des audiences publiques 254 00:18:21,420 --> 00:18:26,620 d'instruction peuvent être organisées, séances ou audiences publiques 255 00:18:26,820 --> 00:18:31,840 d'instruction lors desquelles les parties peuvent répondre aux questions 256 00:18:32,040 --> 00:18:36,310 que les juges se posent et auxquelles les juges ne trouvent pas la réponse 257 00:18:36,580 --> 00:18:37,960 dans les mémoires écrits. 258 00:18:38,650 --> 00:18:42,640 Cela doit permettre, pour des affaires souvent techniques 259 00:18:43,000 --> 00:18:48,910 ou sensibles, de clarifier certaines situations, de disposer d'informations 260 00:18:49,110 --> 00:18:53,500 complémentaires ou encore de mieux comprendre certains points ou certaines 261 00:18:53,700 --> 00:18:57,490 problématiques soulevées, et ce, avant que l'audience de 262 00:18:57,690 --> 00:18:58,960 jugement n'ait lieu. 263 00:18:59,160 --> 00:19:05,200 Contradictoire, inquisitoire et écrite, l'instruction est, vous le comprenez, 264 00:19:05,400 --> 00:19:07,390 une étape au cœur du procès. 265 00:19:07,810 --> 00:19:11,140 Il convient d'examiner la manière dont elle se déroule.