1 00:00:06,520 --> 00:00:07,940 C : le délibéré. 2 00:00:08,720 --> 00:00:12,680 Une fois l'audience terminée, c'est-à-dire une fois toutes les 3 00:00:12,880 --> 00:00:16,940 affaires inscrites au rôle ayant été appelées, les membres de la 4 00:00:17,140 --> 00:00:19,310 formation de jugement vont délibérer. 5 00:00:19,910 --> 00:00:24,290 La phase du délibéré s'ouvre à l'issue de l'audience publique 6 00:00:24,490 --> 00:00:28,640 et est une phase de discussion entre les juges, une phase de 7 00:00:28,840 --> 00:00:33,200 discussion dirigée par le président de la formation de jugement, 8 00:00:33,560 --> 00:00:38,630 et lors de laquelle chacun des magistrats présents est tenu de 9 00:00:38,830 --> 00:00:41,540 prendre position dans un sens déterminé. 10 00:00:42,590 --> 00:00:47,720 Le jugement établi à la suite du délibéré correspond à la position 11 00:00:47,920 --> 00:00:50,330 retenue par la majorité des membres. 12 00:00:50,990 --> 00:00:54,440 On peut ici à nouveau distinguer la situation devant les tribunaux 13 00:00:54,640 --> 00:00:56,840 administratifs et les cours administratives d'appel, 14 00:00:57,040 --> 00:01:01,580 d'une part, et la situation devant le Conseil d'État, d'autre part. 15 00:01:02,480 --> 00:01:05,570 Au niveau, tout d'abord, des tribunaux administratifs et 16 00:01:05,770 --> 00:01:09,530 des cours administratives d'appel, vous le savez, la solution du litige 17 00:01:09,730 --> 00:01:14,060 et dans 90 % des cas déjà fixée au stade du pré-délibéré, 18 00:01:14,260 --> 00:01:18,620 c'est-à-dire au stade de la séance d'instruction, ce qui explique 19 00:01:18,820 --> 00:01:23,360 que le délibéré est habituellement assez rapide pour ces affaires, 20 00:01:23,560 --> 00:01:28,280 et que le délibéré ne donne lieu à des échanges plus nourris que 21 00:01:28,480 --> 00:01:32,960 pour les 10 % d'affaires, environ, non réglées lors de la 22 00:01:33,160 --> 00:01:37,250 séance d'instruction, ou pour lesquelles l'audience amène un 23 00:01:37,450 --> 00:01:42,080 membre de la formation de jugement à modifier son opinion par rapport 24 00:01:42,280 --> 00:01:44,510 à celle qu'il a exprimée lors du prédélibéré. 25 00:01:45,560 --> 00:01:48,220 Mais il convient d'admettre que cela est assez rare. 26 00:01:49,130 --> 00:01:53,690 Devant le Conseil d'État, ensuite, les débats sont naturellement 27 00:01:53,890 --> 00:01:58,820 plus nourris, du fait du rôle du Conseil d'État de Cour suprême 28 00:01:59,150 --> 00:02:03,440 et de sa responsabilité dans la formation de la jurisprudence. 29 00:02:04,510 --> 00:02:09,280 Trois remarques méritent d'être formulées au sujet du délibéré. 30 00:02:09,790 --> 00:02:14,260 Première remarque : le principe qui gouverne le délibéré est celui 31 00:02:14,460 --> 00:02:15,220 du secret. 32 00:02:15,520 --> 00:02:20,320 Deuxième remarque : qui est relative cette fois-ci aux membres de la 33 00:02:20,520 --> 00:02:23,170 juridiction présents lors de ce délibéré. 34 00:02:23,560 --> 00:02:28,810 Et troisième remarque, enfin : relative à l'issue du délibéré. 35 00:02:29,010 --> 00:02:33,220 Commençons, première remarque, par le principe fondamental qui 36 00:02:33,420 --> 00:02:36,040 gouverne le délibéré, à savoir le secret. 37 00:02:36,700 --> 00:02:39,790 En effet, cette phase du procès est gouvernée par le principe 38 00:02:39,990 --> 00:02:44,830 fondamental du secret, secret du délibéré qui s'impose 39 00:02:45,030 --> 00:02:50,050 à toute juridiction administrative : aux juridictions administratives 40 00:02:50,250 --> 00:02:55,510 générales, en vertu de l'article L.8 du Code, selon lequel le délibéré 41 00:02:55,710 --> 00:02:59,890 des juges est secret ; puis, en vertu d'un principe général 42 00:03:00,090 --> 00:03:04,510 du droit pour les juridictions administratives spécialisées, 43 00:03:04,930 --> 00:03:08,530 conformément à la jurisprudence du 17 novembre 1922, 44 00:03:08,860 --> 00:03:09,620 Légillon. 45 00:03:10,800 --> 00:03:16,050 Le principe du secret du délibéré a pour objet d'assurer non seulement 46 00:03:16,250 --> 00:03:20,220 l'indépendance, mais également l'impartialité des juges. 47 00:03:20,640 --> 00:03:25,080 En effet, en garantissant que les opinions des uns et des autres 48 00:03:25,280 --> 00:03:29,970 ne soient pas connues, on évite toute possibilité 49 00:03:30,240 --> 00:03:31,410 d'intimidation. 50 00:03:31,830 --> 00:03:34,710 On soustrait, en quelque sorte, les membres de la formation de 51 00:03:34,910 --> 00:03:39,150 jugement à d'éventuelles pressions, menaces ou, à l'inverse, 52 00:03:39,350 --> 00:03:40,920 à d'éventuelles récompenses. 53 00:03:42,020 --> 00:03:45,080 Le secret du délibéré a une double conséquence. 54 00:03:45,500 --> 00:03:49,400 Première conséquence : les juges délibèrent seuls, 55 00:03:49,600 --> 00:03:54,260 hors la présence du public, des partis et de leurs avocats. 56 00:03:54,620 --> 00:03:59,510 Article R.732-2 et R.733-2 du Code. 57 00:04:00,260 --> 00:04:03,410 Seconde conséquence : le contenu des débats, 58 00:04:03,610 --> 00:04:07,310 et le sens du vote de chacun des membres de la formation de jugement, 59 00:04:07,700 --> 00:04:11,180 ne peut être divulgué à aucun moment. 60 00:04:11,810 --> 00:04:17,000 Par conséquent, la note du rapporteur, dans laquelle est exprimée l'opinion 61 00:04:17,300 --> 00:04:21,950 du rapporteur, ne peut pas être communiquée aux parties parce qu'il 62 00:04:22,150 --> 00:04:26,540 s'agit d'un document de travail interne à la juridiction. 63 00:04:26,810 --> 00:04:32,570 Ce que rappelle la jurisprudence Esclatine du 29 juillet 1998. 64 00:04:33,560 --> 00:04:39,470 De plus, un jugement est considéré comme entaché d'irrégularités s'il 65 00:04:39,670 --> 00:04:42,830 mentionne qu'il a été rendu à l'unanimité des voix. 66 00:04:43,030 --> 00:04:43,790 Pourquoi ? 67 00:04:43,990 --> 00:04:47,120 Parce que, dire dans le jugement qu'il a été rendu à l'unanimité 68 00:04:47,320 --> 00:04:51,900 des voix révèle l'opinion individuelle de chacun des membres, 69 00:04:52,400 --> 00:04:58,030 ce qui a été censuré dans l'affaire qui a donné lieu à la jurisprudence 70 00:04:58,230 --> 00:04:58,990 Légillon. 71 00:05:00,550 --> 00:05:04,570 Deuxième remarque : qui est présent durant le délibéré ? 72 00:05:05,260 --> 00:05:09,130 Ne siègent, lors du délibéré, que les membres de la formation 73 00:05:09,330 --> 00:05:14,710 de jugement, et plus précisément que ceux d'entre eux qui ont assisté 74 00:05:15,070 --> 00:05:16,450 à l'audience publique. 75 00:05:17,760 --> 00:05:21,120 Plus précisément encore, le rapporteur et le rapporteur 76 00:05:21,320 --> 00:05:24,300 public sont-ils présents durant le délibéré ? 77 00:05:26,070 --> 00:05:30,840 En premier lieu, la présence du rapporteur ici ne soulève aucune 78 00:05:31,040 --> 00:05:31,800 difficulté. 79 00:05:32,010 --> 00:05:35,400 Rien ne s'oppose, en effet, à la présence du rapporteur au 80 00:05:35,600 --> 00:05:36,360 délibéré. 81 00:05:36,560 --> 00:05:41,730 Ce que confirme un arrêt de section du Conseil d'État du 4 décembre 1999, 82 00:05:41,930 --> 00:05:42,690 Leriche. 83 00:05:43,200 --> 00:05:46,320 Il en va, en revanche, différemment devant certaines 84 00:05:46,520 --> 00:05:50,490 juridictions administratives spécialisées en matière disciplinaire, 85 00:05:50,820 --> 00:05:55,500 puisque le rapporteur peut y être investi d'une fonction de procureur. 86 00:05:56,130 --> 00:05:59,370 Par exemple, devant les chambres régionales des comptes, 87 00:05:59,790 --> 00:06:04,740 la participation du rapporteur au délibéré est contraire au principe 88 00:06:04,940 --> 00:06:09,360 d'impartialité en raison des larges pouvoirs d'investigation qui lui 89 00:06:09,560 --> 00:06:11,550 sont reconnus en matière de gestion de fait. 90 00:06:11,970 --> 00:06:15,630 Ce qu'est venu rappeler un arrêt d'assemblée du Conseil d'État du 91 00:06:15,830 --> 00:06:17,250 6 avril 2001, S.A. 92 00:06:17,670 --> 00:06:20,460 Entreprise Razel Frères. 93 00:06:22,220 --> 00:06:27,560 Seconde question : est-ce que le rapporteur public est présent lors 94 00:06:27,760 --> 00:06:28,880 du délibéré ? 95 00:06:29,080 --> 00:06:34,070 Ici, il y a beaucoup plus de débats qu'au sujet du rapporteur. 96 00:06:34,610 --> 00:06:39,200 Tout comme la phase de l'audience, la phase du délibéré a été nettement 97 00:06:39,400 --> 00:06:44,840 influencée par la nécessité de se conformer aux exigences de l'article 98 00:06:45,040 --> 00:06:49,100 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. 99 00:06:49,490 --> 00:06:52,670 C'est même cette phase, la phase du délibéré, 100 00:06:53,030 --> 00:06:56,750 qui a donné lieu à la condamnation d'une pratique ancienne devant 101 00:06:56,950 --> 00:07:00,950 les juridictions administratives, à savoir la pratique de la présence 102 00:07:01,340 --> 00:07:05,240 du commissaire du gouvernement au délibéré de l'affaire sur laquelle 103 00:07:05,440 --> 00:07:06,320 il a conclu. 104 00:07:06,890 --> 00:07:12,140 Cette condamnation est le résultat de la jurisprudence Kress contre 105 00:07:12,340 --> 00:07:16,790 France, de la Cour européenne des droits de l'homme du 16 juin 2001. 106 00:07:18,520 --> 00:07:22,270 Il convient de le rappeler, avant la jurisprudence Kress contre 107 00:07:22,470 --> 00:07:27,200 France, sans doute le commissaire du gouvernement ne disposait-il 108 00:07:27,430 --> 00:07:31,870 pas de voix délibératives lors du délibéré. 109 00:07:32,290 --> 00:07:37,000 Mais sa seule présence a été jugée contraire au principe de l'égalité 110 00:07:37,200 --> 00:07:42,070 des armes, issu de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention 111 00:07:42,270 --> 00:07:45,160 européenne des droits de l'homme, c'est-à-dire du droit à un procès 112 00:07:45,360 --> 00:07:46,120 équitable. 113 00:07:46,450 --> 00:07:49,540 En effet, le raisonnement de la Cour européenne des droits de l'homme 114 00:07:49,740 --> 00:07:55,630 repose sur l'idée que le rapporteur public, qui a pris publiquement 115 00:07:55,830 --> 00:08:00,520 position pour une des deux thèses en litige, pourrait continuer à 116 00:08:00,720 --> 00:08:05,230 défendre son point de vue lors du délibéré, sans que l'autre partie 117 00:08:05,430 --> 00:08:08,680 soit en mesure de lui apporter la contradiction. 118 00:08:08,880 --> 00:08:14,260 Et c'est dès lors que l'égalité des armes est rompue en apparence 119 00:08:14,460 --> 00:08:15,520 entre les parties. 120 00:08:16,630 --> 00:08:21,700 Dès lors, pour éviter que les parties puissent croire que le rapporteur 121 00:08:21,900 --> 00:08:26,860 public exercera une influence sur le délibéré en y assistant, 122 00:08:27,280 --> 00:08:31,060 on a tout simplement décidé de l'en évincer. 123 00:08:31,900 --> 00:08:37,420 Mais cette éviction du rapporteur public lors du délibéré ne s'est 124 00:08:37,720 --> 00:08:42,220 faite qu'après une forte résistance du Conseil d'État, il faut bien 125 00:08:42,420 --> 00:08:43,180 l'admettre. 126 00:08:43,380 --> 00:08:47,890 Cette résistance, ou du moins la volonté de préserver la possibilité 127 00:08:48,090 --> 00:08:51,310 pour le commissaire du gouvernement d'assister au délibéré, 128 00:08:52,090 --> 00:08:57,010 se traduit aujourd'hui par le développement d'une distinction, 129 00:08:58,270 --> 00:09:04,600 distinction entre la situation devant les tribunaux administratifs 130 00:09:04,800 --> 00:09:09,370 et les cours administratives d'appel, et la situation devant le Conseil 131 00:09:09,570 --> 00:09:10,330 d'État. 132 00:09:10,570 --> 00:09:15,400 Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, 133 00:09:16,000 --> 00:09:21,070 la conséquence de la jurisprudence Kress contre France a été rapidement 134 00:09:21,270 --> 00:09:22,030 tirée. 135 00:09:22,480 --> 00:09:27,880 La décision est délibérée, dans tous les cas, hors la présence 136 00:09:28,080 --> 00:09:31,570 du rapporteur public, conformément à l'article R.732-2 137 00:09:33,790 --> 00:09:35,860 du Code de justice administrative. 138 00:09:36,980 --> 00:09:40,160 Devant le Conseil d'État, en revanche, on a maintenu, 139 00:09:40,610 --> 00:09:45,200 encore aujourd'hui, la présence passive du rapporteur public au 140 00:09:45,400 --> 00:09:51,080 délibéré, puisque l'article R.733-3 du Code de justice administrative 141 00:09:51,470 --> 00:09:56,420 prévoit que le rapporteur public y assiste, sauf demande contraire 142 00:09:56,620 --> 00:09:57,680 d'une autre partie. 143 00:09:58,940 --> 00:10:03,500 Ce dispositif différent, devant les TA et les CAA d'une part, 144 00:10:03,700 --> 00:10:07,250 et devant le Conseil d'État, d'autre part, est justifié par 145 00:10:07,450 --> 00:10:12,440 la nécessité de permettre au rapporteur public du Conseil d'État de comprendre 146 00:10:12,640 --> 00:10:15,940 la solution finalement adoptée par la formation de jugement, 147 00:10:16,310 --> 00:10:20,300 compte tenu de la portée jurisprudentielle des décisions 148 00:10:20,500 --> 00:10:21,290 du Conseil d'État. 149 00:10:21,490 --> 00:10:27,770 Ici, la différence de régime se justifie par le rôle de juridiction 150 00:10:28,010 --> 00:10:30,800 suprême dévolu au Conseil d'État. 151 00:10:31,310 --> 00:10:35,150 Le rapporteur public y participe, souvent de manière décisive, 152 00:10:35,660 --> 00:10:38,030 à la confection de la jurisprudence. 153 00:10:38,230 --> 00:10:42,590 Donc, l'écoute des débats lui permet, le plus souvent, de comprendre 154 00:10:42,790 --> 00:10:46,250 les raisons pour lesquelles les solutions qu'il a proposées ont 155 00:10:46,450 --> 00:10:48,500 été suivies ou, au contraire, rejetées. 156 00:10:50,540 --> 00:10:55,040 Reste la possibilité, pour une partie, de demander à 157 00:10:55,240 --> 00:10:59,420 ce que le rapporteur public n'assiste pas au délibéré devant le Conseil 158 00:10:59,620 --> 00:11:00,380 d'État. 159 00:11:00,580 --> 00:11:05,540 Cette faculté est mentionnée dans l'avis d'audience, c'est-à-dire 160 00:11:06,170 --> 00:11:11,900 dans la convocation à l'audience, comme le précise l'article R.712-1 161 00:11:13,950 --> 00:11:14,710 du Code. 162 00:11:14,910 --> 00:11:18,890 Il convient d'admettre qu'en pratique, cela reste extrêmement rare. 163 00:11:20,150 --> 00:11:27,780 Mais ce régime — absence devant les TA et les CAA, présence passive 164 00:11:27,980 --> 00:11:32,080 devant le Conseil d'État, sauf demande contraire d'une partie —, 165 00:11:32,280 --> 00:11:35,700 est le fruit d'une saga jurisprudentielle. 166 00:11:35,940 --> 00:11:40,680 Puisqu'en effet, après la condamnation dans l'affaire Kress contre France, 167 00:11:41,100 --> 00:11:44,910 le Conseil d'État ne s'est pas tout de suite rangé à la solution 168 00:11:45,110 --> 00:11:46,650 de la Cour européenne des droits de l'homme. 169 00:11:46,950 --> 00:11:53,400 Puisqu'en effet, le Conseil d'État a développé une distinction qui 170 00:11:53,700 --> 00:11:57,180 aurait dû permettre de tirer les conséquences de la condamnation 171 00:11:57,380 --> 00:12:00,780 européenne dans l'affaire Kress contre France sans bouleverser 172 00:12:01,170 --> 00:12:03,630 les pratiques de la juridiction administrative. 173 00:12:04,020 --> 00:12:10,050 En effet, par un décret du 19 décembre 2005, l'ancienne article R.731-7 174 00:12:12,300 --> 00:12:17,880 du Code précisait que le commissaire du gouvernement assiste au délibéré, 175 00:12:18,510 --> 00:12:20,460 mais il n'y prend pas part. 176 00:12:21,030 --> 00:12:25,710 En d'autres termes, les textes avaient opéré une subtile distinction 177 00:12:25,910 --> 00:12:29,670 entre participation active et assistance passive. 178 00:12:30,210 --> 00:12:33,450 Mais cette distinction n'a absolument pas convaincu la CEDH, 179 00:12:33,690 --> 00:12:36,410 d'où une seconde condamnation de la France. 180 00:12:36,610 --> 00:12:39,360 Après une première condamnation dans l'affaire Kress contre France, 181 00:12:39,840 --> 00:12:44,250 la France a, pour les mêmes raisons, été condamnée dans l'affaire Martinie 182 00:12:44,450 --> 00:12:47,670 contre France, le 12 juin 2006. 183 00:12:48,750 --> 00:12:52,620 Dans cette jurisprudence, la CEDH a clairement indiqué que 184 00:12:52,820 --> 00:12:56,100 la seule présence du commissaire du gouvernement était contraire 185 00:12:56,400 --> 00:12:59,610 au droit à un procès équitable, protégé par l'article 6, 186 00:12:59,810 --> 00:13:02,010 paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. 187 00:13:02,430 --> 00:13:07,740 C'est donc cette seconde condamnation qui explique l'état actuel du droit, 188 00:13:08,010 --> 00:13:12,610 avec cette différence de régime devant les tribunaux administratifs 189 00:13:12,810 --> 00:13:16,140 et les cours administratives d'appel, d'une part, et le Conseil d'État, 190 00:13:16,380 --> 00:13:17,240 d'autre part. 191 00:13:17,440 --> 00:13:20,580 D'ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé 192 00:13:20,780 --> 00:13:25,320 que ce nouveau dispositif était compatible avec les exigences du 193 00:13:25,520 --> 00:13:26,700 droit à un procès équitable. 194 00:13:26,900 --> 00:13:32,100 Donc, elle a admis la solution retenue devant le Conseil d'État 195 00:13:32,580 --> 00:13:37,800 par une décision du 15 septembre 2009, Étienne contre France. 196 00:13:39,050 --> 00:13:45,260 Troisième et dernière remarque : sur l'issue du délibéré. 197 00:13:45,740 --> 00:13:51,740 Et l'issue du délibéré est tout simplement la rédaction du jugement. 198 00:13:52,310 --> 00:13:56,840 En effet, lors du délibéré, le rapporteur lie le projet de 199 00:13:57,040 --> 00:14:01,580 décision qu'il a établi avec, éventuellement, un exposé des raisons 200 00:14:01,780 --> 00:14:07,670 qui le conduisent à être d'un avis différent, un avis différent de 201 00:14:07,870 --> 00:14:11,330 celui défendu par le rapporteur public à l'audience. 202 00:14:11,530 --> 00:14:16,520 Ensuite, chaque membre de la formation de jugement s'exprime avant que 203 00:14:16,720 --> 00:14:21,650 le projet soit mis au vote, sauf en cas de consensus. 204 00:14:22,680 --> 00:14:26,160 Chaque membre vote avec une voix égale. 205 00:14:26,520 --> 00:14:31,830 En effet, l'imparité de la composition de la formation de jugement dispense, 206 00:14:32,070 --> 00:14:35,100 devant les juridictions administratives, de donner voix 207 00:14:35,300 --> 00:14:37,590 prépondérante à son président. 208 00:14:38,620 --> 00:14:44,950 Si la décision adoptée à l'issue du délibéré est différente du projet 209 00:14:45,150 --> 00:14:49,750 élaboré par le rapporteur, le rapporteur devra rédiger une 210 00:14:49,950 --> 00:14:54,670 nouvelle décision, conforme à la décision de la formation de jugement. 211 00:14:55,150 --> 00:14:59,770 Ce projet de jugement sera soumis au président de la formation de 212 00:14:59,970 --> 00:15:05,290 jugement, lequel vérifiera le fond et la forme de ce projet de jugement, 213 00:15:06,130 --> 00:15:10,390 voire procédera, le cas échéant, à des corrections. 214 00:15:11,020 --> 00:15:16,060 Passé cette ultime étape, le jugement est transmis au greffe, 215 00:15:16,260 --> 00:15:19,750 qui va y faire apposer les signatures requises. 216 00:15:20,200 --> 00:15:24,220 Le jugement est alors prêt à être rendu public. 217 00:15:25,420 --> 00:15:29,320 Au terme de cette deuxième partie, nous avons examiné non seulement 218 00:15:29,520 --> 00:15:32,800 les éléments constitutifs de l'instance, mais également les 219 00:15:33,000 --> 00:15:34,720 étapes d'une instance. 220 00:15:34,920 --> 00:15:39,460 Or, nous l'avons constaté en étudiant les préliminaires du jugement, 221 00:15:39,790 --> 00:15:44,370 la frontière entre l'instruction et le jugement n'est pas parfaitement 222 00:15:44,570 --> 00:15:45,330 nette. 223 00:15:45,530 --> 00:15:49,390 En passant à la troisième partie, consacrée précisément au jugement, 224 00:15:49,750 --> 00:15:54,970 il s'agira de mettre l'accent sur l'acte de juger, ce qui conduira 225 00:15:55,170 --> 00:15:59,200 à approfondir des éléments parfois d'ores et déjà évoqués.