1 00:00:05,740 --> 00:00:09,580 Section 2 : pas n’importe quel père, pas n’importe quelle mère. 2 00:00:10,510 --> 00:00:14,170 Si le nombre de parents est limité, leur identité n’est pas indifférente. 3 00:00:15,760 --> 00:00:19,540 Les filiations ordinaires étant censées reposer sur la procréation 4 00:00:19,740 --> 00:00:24,340 charnelle, elles ont vocation à être établies à l’égard des géniteurs. 5 00:00:25,300 --> 00:00:30,310 Le législateur et les juges rechignent souvent à ce qu’un lien soit instauré 6 00:00:30,510 --> 00:00:34,210 entre l’enfant et des personnes qui n’ont pas concouru à sa conception. 7 00:00:35,380 --> 00:00:40,570 Il leur arrive aussi d’interdire l’officialisation de parentés conformes 8 00:00:40,810 --> 00:00:42,190 à la réalité génétique. 9 00:00:43,030 --> 00:00:47,680 Paragraphe 1 : obstacles entravant l’établissement de filiations 10 00:00:47,880 --> 00:00:49,960 contraires à la réalité biologique. 11 00:00:51,370 --> 00:00:55,120 La filiation n’est pas toujours conforme à la réalité biologique. 12 00:00:55,510 --> 00:00:59,110 À la suite d’une adoption ou d’une procréation médicalement assistée 13 00:00:59,310 --> 00:01:03,520 précédée d’un don de gamètes ou d’embryons, une personne peut ainsi 14 00:01:03,720 --> 00:01:08,200 être considérée comme mère ou père d’un bambin qui lui est génétiquement 15 00:01:08,400 --> 00:01:09,160 étranger. 16 00:01:09,700 --> 00:01:13,540 Mais ces hypothèses particulières qui ont été spécifiquement 17 00:01:13,740 --> 00:01:17,950 réglementées, sont-elles les seules dans lesquelles peut être légitimement 18 00:01:18,150 --> 00:01:23,620 établie la paternité ou la maternité d’un individu qui n’a œuvré, 19 00:01:23,820 --> 00:01:26,080 ni à la fécondation, ni à la gestation ? 20 00:01:27,580 --> 00:01:32,110 Pour répondre à cette question délicate, il convient d’observer 21 00:01:32,800 --> 00:01:37,270 que l’établissement de la filiation procède le plus souvent de simples 22 00:01:37,470 --> 00:01:39,880 déclarations faites à un officier public. 23 00:01:40,780 --> 00:01:45,820 Il n’est précédé de tests génétiques que dans les hypothèses exceptionnelles 24 00:01:46,020 --> 00:01:48,790 où il découle de l’exercice d’une action en justice. 25 00:01:49,750 --> 00:01:54,580 Il arrive qu’un lien soit instauré entre l’enfant et un individu qui 26 00:01:54,780 --> 00:01:56,080 n’en est pas le géniteur. 27 00:01:56,950 --> 00:01:58,540 La filiation est alors fragile. 28 00:01:58,780 --> 00:02:01,960 Parce qu’elle est contraire à la vérité biologique, elle peut être 29 00:02:02,160 --> 00:02:04,120 contestée pendant un certain temps. 30 00:02:05,440 --> 00:02:09,820 La remise en cause de la paternité ou de la maternité mensongère 31 00:02:10,020 --> 00:02:13,810 constitue-t-elle, pour autant, la seule mesure envisageable en 32 00:02:14,010 --> 00:02:14,920 pareille circonstance ? 33 00:02:15,970 --> 00:02:20,230 Une telle imposture ne doit-elle pas être considérée comme une faute 34 00:02:20,430 --> 00:02:23,820 exposant son auteur à des sanctions civiles, voire pénales ? 35 00:02:25,240 --> 00:02:29,800 Dans certains cas, celui qui s’est attribué un enfant qui n’était 36 00:02:30,000 --> 00:02:31,390 pas le sien était de bonne foi. 37 00:02:31,990 --> 00:02:36,820 Trop crédule, il ignorait que sa femme ou sa compagne s’était abandonnée 38 00:02:37,020 --> 00:02:37,780 dans d’autres bras. 39 00:02:38,320 --> 00:02:41,860 Il ne peut naturellement pas lui être reproché d’avoir agi de manière 40 00:02:42,060 --> 00:02:42,820 illicite. 41 00:02:43,270 --> 00:02:47,260 Mais lorsque c’est délibérément qu’a été établi le lien fictif, 42 00:02:47,590 --> 00:02:50,620 ne faut-il pas faire preuve de davantage de sévérité ? 43 00:02:50,820 --> 00:02:55,030 L’adoption et la procréation médicalement assistée avec tiers 44 00:02:55,230 --> 00:02:58,150 donneur sont subordonnées à diverses conditions. 45 00:02:58,900 --> 00:03:02,470 Or si elles sont encadrées avec tant de soin, c’est parce que la 46 00:03:02,670 --> 00:03:03,670 prudence s’impose. 47 00:03:03,910 --> 00:03:07,480 Il est absolument nécessaire de préserver les intérêts du bambin 48 00:03:07,840 --> 00:03:09,040 et ceux des procréateurs. 49 00:03:10,000 --> 00:03:14,200 Il ne serait pas très raisonnable de laisser les personnes en mal 50 00:03:14,400 --> 00:03:17,950 d’enfant s’affranchir impunément du respect de ces textes. 51 00:03:18,640 --> 00:03:22,510 Certains rejetons pourraient alors devenir l’objet d’un véritable 52 00:03:22,710 --> 00:03:23,470 commerce. 53 00:03:23,670 --> 00:03:27,220 De sinistres accords seraient probablement conclus entre des 54 00:03:27,420 --> 00:03:31,750 géniteurs en détresse et des couples accablés par la stérilité. 55 00:03:31,950 --> 00:03:37,780 Conscient du danger, le législateur a formellement interdit 56 00:03:37,980 --> 00:03:39,040 diverses pratiques. 57 00:03:39,940 --> 00:03:43,240 Nous verrons qu’il a ainsi prohibé la gestation pour autrui. 58 00:03:44,080 --> 00:03:51,100 Sont incriminés, à l’article 227-12 du Code pénal, divers comportements 59 00:03:51,300 --> 00:03:54,670 propres à favoriser le développement d’un trafic d’enfants. 60 00:03:55,810 --> 00:04:01,150 Mais si ces dispositions sont utiles pour prévenir d’inacceptables dérives, 61 00:04:01,690 --> 00:04:06,370 leurs éléments matériels ne consistent pas dans l’instauration d’une parenté 62 00:04:06,570 --> 00:04:07,330 mensongère. 63 00:04:07,780 --> 00:04:12,210 Il reste à rechercher si l’établissement d’une filiation 64 00:04:12,410 --> 00:04:17,050 contraire à la réalité biologique est intrinsèquement illicite. 65 00:04:17,250 --> 00:04:22,930 Or, il convient d’apporter, à cette question, une réponse nuancée. 66 00:04:24,220 --> 00:04:28,900 Nous verrons qu’il arrive que la loi elle-même conduise à présumer 67 00:04:29,100 --> 00:04:30,700 la paternité d’un mari trompé. 68 00:04:31,840 --> 00:04:36,400 Par ailleurs, lorsqu’un homme consent à devenir le père d’un enfant que 69 00:04:36,600 --> 00:04:40,810 sa compagne a conçu avec un autre et qu’il fait une reconnaissance 70 00:04:41,010 --> 00:04:45,370 de complaisance, son attitude est appréciée avec bienveillance. 71 00:04:45,730 --> 00:04:50,320 Elle n’est pas considérée comme répréhensible s’il souhaite réellement 72 00:04:50,520 --> 00:04:52,420 se conformer aux devoirs parentaux. 73 00:04:53,500 --> 00:04:57,100 La reconnaissance mensongère est en revanche illicite, 74 00:04:57,300 --> 00:05:01,210 lorsqu’elle n’est destinée qu’à nuire à la mère, à l’enfant ou 75 00:05:01,410 --> 00:05:02,680 au véritable procréateur. 76 00:05:02,880 --> 00:05:06,790 Elle est alors susceptible d’être sanctionnée sur le fondement de 77 00:05:06,990 --> 00:05:08,800 l’article 1240 du Code civil. 78 00:05:09,910 --> 00:05:13,480 Quant à la reconnaissance frauduleuse qui n’a été souscrite que dans 79 00:05:13,680 --> 00:05:17,500 l’espoir d’obtenir l’un des avantages qui découle de la filiation, 80 00:05:18,010 --> 00:05:19,570 elle est évidemment condamnable. 81 00:05:20,080 --> 00:05:23,980 Constitue même un délit, le fait de reconnaître un enfant 82 00:05:24,180 --> 00:05:28,600 aux seules fins d’obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour 83 00:05:28,930 --> 00:05:33,100 ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement ou aux seules 84 00:05:33,300 --> 00:05:37,300 fins d’acquérir ou de faire acquérir la nationalité française. 85 00:05:38,890 --> 00:05:43,780 Quant à l’établissement d’une maternité fictive, il est généralement 86 00:05:43,980 --> 00:05:45,970 susceptible d’être sanctionné. 87 00:05:46,720 --> 00:05:49,960 En droit français, doit être considérée, comme mère, 88 00:05:50,160 --> 00:05:52,420 celle qui a abrité l’enfant en son sein. 89 00:05:52,620 --> 00:05:58,180 Or, les déclarations travestissant l’identité de l’accouchée peuvent 90 00:05:58,380 --> 00:05:59,770 constituer une infraction. 91 00:05:59,970 --> 00:06:04,510 Celle qui déclare avoir mis au monde un enfant dont a accouché 92 00:06:04,710 --> 00:06:09,670 une autre et qui établit ainsi sa maternité de façon mensongère, 93 00:06:09,940 --> 00:06:15,340 se rend coupable du délit de simulation et s’expose, par conséquent, 94 00:06:15,540 --> 00:06:16,660 à des sanctions pénales. 95 00:06:17,230 --> 00:06:22,150 Son compagnon ou son mari encourt les mêmes peines s’il s’est associé 96 00:06:22,350 --> 00:06:26,800 à ces démarches, et peuvent être considérés, comme complices, 97 00:06:27,130 --> 00:06:30,580 tous ceux qui ont consciemment favorisé la supercherie. 98 00:06:32,380 --> 00:06:36,970 Ces dispositions répressives sont susceptibles de contrarier ceux 99 00:06:37,170 --> 00:06:39,340 qui recourent, en France, à une gestation pour autrui. 100 00:06:40,270 --> 00:06:45,070 La simulation étant incriminée, la femme qui a confié à une autre 101 00:06:45,270 --> 00:06:50,140 le soin d’enfanter à sa place, risque d’être pénalement condamnée 102 00:06:50,340 --> 00:06:54,040 si elle se présente comme l’accouchée dans un acte de naissance ou de 103 00:06:54,240 --> 00:06:55,000 reconnaissance. 104 00:06:55,810 --> 00:07:00,550 Nous verrons, dans l’ultime vidéo, que lorsque la gestation a eu lieu 105 00:07:01,120 --> 00:07:06,400 à l’étranger dans un pays où elle est autorisée, la femme qui a laissé 106 00:07:06,600 --> 00:07:10,900 à une autre personne le soin de porter et de mettre au monde l’enfant 107 00:07:11,100 --> 00:07:15,550 dont elle rêvait, peut souvent adopter ce bambin en France. 108 00:07:17,650 --> 00:07:23,740 Paragraphe 2 : obstacles entravant l’établissement de filiations conformes 109 00:07:23,940 --> 00:07:25,300 à la réalité biologique. 110 00:07:25,500 --> 00:07:31,210 Aujourd’hui, les filiations conformes à la réalité biologique peuvent 111 00:07:31,410 --> 00:07:33,070 presque toujours être établies. 112 00:07:34,060 --> 00:07:37,480 Beaucoup des dispositions qui les condamnaient naguère parfois à 113 00:07:37,680 --> 00:07:41,320 demeurer secrètes ont été supprimées ou tempérées. 114 00:07:42,580 --> 00:07:46,120 Nous noterons, par exemple, qu’il n’est plus question de dissimuler 115 00:07:46,320 --> 00:07:47,560 les parentés adultérines. 116 00:07:47,800 --> 00:07:53,380 Depuis 1972, l’infidélité conjugale perpétrée pour concevoir l’enfant 117 00:07:53,680 --> 00:07:58,240 ne fait plus aucunement obstacle à ce que ce dernier soit considéré 118 00:07:58,440 --> 00:08:02,340 comme le fils ou la fille de chacun de ses procréateurs. 119 00:08:03,430 --> 00:08:07,780 Les restrictions à la possibilité d’établir une filiation conforme 120 00:08:07,980 --> 00:08:11,470 à la vérité biologique n’ont cependant pas toutes disparu. 121 00:08:12,130 --> 00:08:14,920 Plusieurs d’entre elles ont pour l’instant survécu. 122 00:08:15,910 --> 00:08:19,450 Elles doivent néanmoins être mises en œuvre avec une certaine 123 00:08:19,650 --> 00:08:20,560 circonspection. 124 00:08:21,040 --> 00:08:25,030 Leur application doit être exclue lorsque, en raison du contexte, 125 00:08:25,230 --> 00:08:29,320 elles seraient de nature à porter une atteinte excessive au droit 126 00:08:29,520 --> 00:08:32,650 au respect de la vie privée de l’un des protagonistes ou qu’elle 127 00:08:32,850 --> 00:08:36,160 heurterait de plein fouet l’intérêt supérieur de l’enfant. 128 00:08:37,570 --> 00:08:43,810 A : l’existence de règles interdisant parfois l’établissement de filiations 129 00:08:44,010 --> 00:08:46,060 conformes à la réalité biologique. 130 00:08:47,440 --> 00:08:51,760 Certaines restrictions à la possibilité d’établir une filiation conforme 131 00:08:51,960 --> 00:08:54,610 à la réalité biologique demeurent nécessaires. 132 00:08:55,330 --> 00:09:00,400 Leur subsistance peut être justifiée par des motifs assez divers. 133 00:09:00,600 --> 00:09:02,740 Nous voudrions en évoquer trois. 134 00:09:04,000 --> 00:09:08,740 Première raison qui conduit parfois à ignorer la parenté par le sang : 135 00:09:09,160 --> 00:09:15,310 la volonté de dissimuler une paternité ou une maternité considérée comme 136 00:09:15,510 --> 00:09:16,270 honteuse. 137 00:09:17,050 --> 00:09:22,060 Il en va ainsi quand l’enfant est 138 00:09:22,260 --> 00:09:24,790 le fruit d’une liaison incestueuse. 139 00:09:25,660 --> 00:09:31,960 Il résulte, de l’article 310-2 du Code civil, que dans les cas 140 00:09:32,160 --> 00:09:36,370 où les procréateurs sont frères et sœurs et dans les hypothèses 141 00:09:36,570 --> 00:09:41,710 où l’un d’entre eux est un ascendant de l’autre, la filiation étant 142 00:09:41,910 --> 00:09:47,110 déjà établie à l’égard de l’un, il est interdit d’établir la filiation 143 00:09:47,320 --> 00:09:48,280 à l’égard de l’autre. 144 00:09:48,940 --> 00:09:53,400 Dans de telles situations, seule l’une des deux parentés 145 00:09:53,600 --> 00:09:56,050 biologiques peut donc être dévoilée. 146 00:09:57,070 --> 00:10:01,930 Il a paru préférable de priver l’enfant de son père ou de sa mère, 147 00:10:02,130 --> 00:10:06,580 plutôt que d’officialiser l’inceste ayant permis la conception. 148 00:10:07,540 --> 00:10:12,220 Pour masquer cette liaison, on sacrifie ainsi la paternité 149 00:10:12,420 --> 00:10:13,240 ou la maternité. 150 00:10:13,870 --> 00:10:16,570 Dès lors que l’une d’entre elles est rendue publique, 151 00:10:16,770 --> 00:10:19,900 l’autre doit nécessairement demeurer secrète. 152 00:10:21,160 --> 00:10:25,240 Deuxième motif qui conduit, dans certains cas, à interdire 153 00:10:25,440 --> 00:10:28,480 l’établissement d’une filiation conforme à la réalité biologique : 154 00:10:29,110 --> 00:10:33,190 le désir de préserver la tranquillité des parents par le sang. 155 00:10:33,970 --> 00:10:37,930 Nous verrons qu’en cas de procréation médicalement assistée avec tiers 156 00:10:38,130 --> 00:10:43,090 donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur 157 00:10:43,290 --> 00:10:46,720 du don de gamètes et l’enfant issu de la procréation. 158 00:10:47,950 --> 00:10:52,660 Nous expliquerons, dans la 26e vidéo, que dans les cas où l’un des 159 00:10:52,870 --> 00:10:57,070 procréateurs refuse d’être considéré comme le père ou la mère de l’enfant 160 00:10:57,270 --> 00:11:02,710 qu’il a conçu, une filiation l’unissant à ce dernier ne peut généralement 161 00:11:02,910 --> 00:11:04,810 être instaurée qu’en justice. 162 00:11:05,010 --> 00:11:10,480 Or, les actions destinées à établir la paternité et la maternité 163 00:11:10,840 --> 00:11:15,070 s’éteignent généralement 10 ans après la majorité du rejeton. 164 00:11:15,790 --> 00:11:21,280 Les procédures tardives étant susceptibles de semer le trouble, 165 00:11:21,730 --> 00:11:24,700 elles sont généralement déclarées irrecevables. 166 00:11:25,450 --> 00:11:29,740 La tranquillité des procréateurs et de leurs proches finit ainsi 167 00:11:29,940 --> 00:11:33,190 par être préférée à la proclamation de la vérité. 168 00:11:34,600 --> 00:11:39,520 Troisième raison qui conduit parfois à ignorer la parenté par le sang : 169 00:11:40,060 --> 00:11:46,300 la volonté de privilégier une autre filiation qui a préalablement été 170 00:11:46,500 --> 00:11:49,030 instituée ou qui est sur le point de l’être. 171 00:11:50,080 --> 00:11:54,670 Nous avons déjà souligné que lorsqu’un enfant a déjà une filiation mensongère, 172 00:11:54,870 --> 00:12:00,010 celle-ci doit être anéantie pour que le véritable géniteur puisse 173 00:12:00,210 --> 00:12:02,350 officialiser le lien qui l’unit au bambin. 174 00:12:03,460 --> 00:12:08,050 Nous verrons, dans la 27e vidéo, que cette filiation mensongère 175 00:12:08,250 --> 00:12:12,910 devient inattaquable si elle n’est pas contestée suffisamment rapidement. 176 00:12:13,750 --> 00:12:18,430 Elle empêche définitivement l’instauration du lien conforme 177 00:12:18,760 --> 00:12:20,140 à la réalité biologique. 178 00:12:21,760 --> 00:12:26,950 La volonté de sacrifier la parenté biologique à un autre lien de filiation 179 00:12:27,150 --> 00:12:31,840 apparaît également, de façon manifeste, à la lecture de certaines règles 180 00:12:32,040 --> 00:12:33,700 gouvernant l’adoption plénière. 181 00:12:34,750 --> 00:12:39,400 Nous verrons que la remise de l’enfant aux futurs adoptants, 182 00:12:39,940 --> 00:12:44,740 que l’on appelle le placement, fait échec à toute déclaration 183 00:12:44,940 --> 00:12:49,030 de filiation et à toute reconnaissance par ceux qui ont conçu le bambin. 184 00:12:49,900 --> 00:12:54,100 Si l’adoption plénière est ensuite prononcée, l’établissement de la 185 00:12:54,300 --> 00:12:59,020 paternité et de la maternité des géniteurs devient définitivement 186 00:12:59,220 --> 00:12:59,980 inenvisageable. 187 00:13:00,180 --> 00:13:04,990 Or, ces solutions peuvent être redoutables en cas d’accouchement 188 00:13:05,950 --> 00:13:09,880 sous X, c’est-à-dire dans le cas où la femme, qui met au monde le 189 00:13:10,080 --> 00:13:14,320 bambin, décide de l’abandonner à sa naissance et demande que son 190 00:13:14,520 --> 00:13:15,910 identité demeure secrète. 191 00:13:17,260 --> 00:13:22,450 En soi, l’accouchement sous X n’interdit certes pas que la filiation 192 00:13:22,650 --> 00:13:24,940 soit établie à l’égard des procréateurs. 193 00:13:25,540 --> 00:13:28,480 Lorsqu’elle regrette d’avoir abandonné le petit qu’elle vient de mettre 194 00:13:28,680 --> 00:13:33,190 au monde, la mère a ainsi la faculté de le reconnaître et de demander 195 00:13:33,390 --> 00:13:34,600 qu’il lui soit restitué. 196 00:13:35,530 --> 00:13:40,120 On verra que le lien qui l’unit à l’enfant peut même parfois être 197 00:13:40,320 --> 00:13:41,860 établi contre son gré. 198 00:13:42,910 --> 00:13:47,350 Quant au père, il lui est en principe loisible d’assumer sa paternité. 199 00:13:48,010 --> 00:13:52,480 La demande d’anonymat de l’accouchée ne lui interdit pas de reconnaître 200 00:13:52,680 --> 00:13:53,440 l’enfant. 201 00:13:54,520 --> 00:13:58,150 En cas d’accouchement sous X, les filiations biologiques ne peuvent 202 00:13:58,350 --> 00:14:03,370 toutefois être établies que si l’un des deux procréateurs se décide 203 00:14:03,570 --> 00:14:07,120 très vite à officialiser le lien qui l’unit au bambin. 204 00:14:08,290 --> 00:14:12,700 Les enfants nés sous X ont en effet vocation à faire rapidement l’objet 205 00:14:12,900 --> 00:14:13,660 d’une adoption. 206 00:14:13,860 --> 00:14:19,480 Or, une fois que le rejeton a été placé en vue de son adoption plénière, 207 00:14:19,680 --> 00:14:24,970 l’établissement de la paternité et de la maternité par le sang 208 00:14:25,270 --> 00:14:26,530 est en principe prohibé. 209 00:14:28,180 --> 00:14:33,280 Pour l’amant de l’accouchée, il est d’autant plus impérieux 210 00:14:33,480 --> 00:14:38,590 de se hâter qu’il lui faut retrouver la trace du rejeton généralement 211 00:14:38,790 --> 00:14:41,710 confié, après sa naissance, à l’aide sociale à l’enfance. 212 00:14:41,910 --> 00:14:47,080 Or, le géniteur peine souvent à découvrir le jeune disparu car 213 00:14:47,280 --> 00:14:51,340 la principale information dont il dispose est inutilisable. 214 00:14:51,880 --> 00:14:55,180 Il connaît le nom de celle qui a mis l’enfant au monde, 215 00:14:55,380 --> 00:14:58,510 mais officiellement, aucun orphelin n’est né de cette 216 00:14:58,710 --> 00:15:00,530 femme puisqu’elle a accouché sous X. 217 00:15:01,520 --> 00:15:04,850 Il peut toutefois demander l’aide du procureur de la République. 218 00:15:05,050 --> 00:15:09,980 Celui-ci procède alors à la recherche des date et lieu d’établissement 219 00:15:10,180 --> 00:15:11,570 de l’acte de naissance de l’enfant. 220 00:15:11,770 --> 00:15:19,010 B : la mise en œuvre des règles interdisant parfois l’établissement 221 00:15:19,210 --> 00:15:22,220 de filiations conformes à la réalité biologique. 222 00:15:22,420 --> 00:15:28,310 Aujourd’hui encore, plusieurs dispositions font obstacle à ce 223 00:15:28,510 --> 00:15:33,290 que soient officialisées des filiations pourtant conformes à la réalité 224 00:15:33,490 --> 00:15:34,250 biologique. 225 00:15:35,210 --> 00:15:39,890 Avant de mettre en œuvre de telles règles, les juges doivent s’assurer 226 00:15:40,460 --> 00:15:43,910 que leur application n’est pas de nature à porter une atteinte 227 00:15:44,110 --> 00:15:48,140 injustifiée à certains droits fondamentaux des principaux 228 00:15:48,340 --> 00:15:49,100 protagonistes. 229 00:15:50,090 --> 00:15:54,260 La Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné, à plusieurs 230 00:15:54,460 --> 00:15:59,060 reprises, des États qui rechignaient trop à considérer les procréateurs 231 00:15:59,260 --> 00:16:01,580 d’un enfant comme les parents de ce dernier. 232 00:16:02,600 --> 00:16:06,650 Elle a notamment affirmé qu’au regard de l’importance de la filiation 233 00:16:06,850 --> 00:16:10,250 biologique en tant qu’élément de l’identité de chacun, 234 00:16:10,940 --> 00:16:14,090 on ne saurait prétendre qu’il est conforme à l’intérêt de l'enfant 235 00:16:14,290 --> 00:16:18,500 de le priver d’un lien juridique de cette nature, alors que la réalité 236 00:16:18,700 --> 00:16:23,570 biologique de ce lien est établie et que l’enfant et le parent concernés 237 00:16:23,770 --> 00:16:25,580 revendiquent sa pleine reconnaissance. 238 00:16:25,780 --> 00:16:31,010 Or, dans plusieurs arrêts récents, la Cour de cassation a révélé qu’elle 239 00:16:31,210 --> 00:16:35,960 entendait reprendre à son compte la position défendue par les juges 240 00:16:36,160 --> 00:16:36,920 strasbourgeois. 241 00:16:38,150 --> 00:16:41,910 Même lorsque la filiation est conforme à la réalité biologique, 242 00:16:42,320 --> 00:16:45,470 le droit de l’officialiser n’est certes pas absolu. 243 00:16:46,100 --> 00:16:50,660 Les limitations qui lui sont apportées doivent toutefois être justifiées 244 00:16:51,020 --> 00:16:55,940 par des considérations suffisamment impérieuses et proportionnées au 245 00:16:56,140 --> 00:16:56,900 but poursuivi. 246 00:16:58,670 --> 00:17:02,450 Il est vrai que les dispositions françaises qui proscrivent 247 00:17:02,650 --> 00:17:06,860 l’établissement de certaines filiations conformes à la réalité biologique 248 00:17:07,100 --> 00:17:09,800 ne paraissent pas intrinsèquement condamnables. 249 00:17:10,340 --> 00:17:13,970 Elles tendent à assurer le respect d’intérêt tout à fait digne de 250 00:17:14,170 --> 00:17:14,930 considération. 251 00:17:15,860 --> 00:17:19,010 Dans la plupart des cas, leur mise en œuvre ne peut donc 252 00:17:19,210 --> 00:17:21,530 susciter aucune réprobation. 253 00:17:22,640 --> 00:17:26,120 Il arrive toutefois que dans une affaire particulière, 254 00:17:26,600 --> 00:17:30,890 compte tenu du contexte factuel dans lequel son application est 255 00:17:31,090 --> 00:17:35,420 sollicitée, l’une ou l’autre de ces normes produise des effets 256 00:17:35,620 --> 00:17:40,100 incompatibles avec les engagements internationaux ratifiés par la France, 257 00:17:40,460 --> 00:17:43,250 en particulier avec la Convention Européenne des Droits de l’Homme. 258 00:17:43,450 --> 00:17:47,300 Or, les juges sont alors tenus d’évincer cette règle. 259 00:17:47,780 --> 00:17:51,080 Dans de telles hypothèses, ils doivent trancher le litige 260 00:17:51,280 --> 00:17:54,920 dont ils sont saisis en faisant abstraction de son existence. 261 00:17:55,910 --> 00:18:00,200 Nous verrons ainsi, dans la 26e vidéo, que dans certaines circonstances, 262 00:18:00,560 --> 00:18:04,850 les juges ne pourront pas légitimement mettre en œuvre les articles qui 263 00:18:05,050 --> 00:18:09,110 empêchent un l’enfant de plus de 28 ans d’agir en justice pour que 264 00:18:09,310 --> 00:18:12,710 soit établie sa filiation maternelle ou paternelle. 265 00:18:13,820 --> 00:18:18,800 Nous soulignerons aussi, dans la 27e vidéo, que l’application 266 00:18:19,000 --> 00:18:22,340 des dispositions qui interdisent la remise en cause d’une filiation 267 00:18:22,540 --> 00:18:26,180 mensongère, sous prétexte que la contestation est trop tardive, 268 00:18:26,600 --> 00:18:30,860 se heurtera parfois au droit au respect de la vie privée des principaux 269 00:18:31,060 --> 00:18:31,820 intéressés. 270 00:18:32,480 --> 00:18:36,200 Lorsque le lien contraire à la vérité biologique finira par être 271 00:18:36,400 --> 00:18:40,430 anéanti, le principe chronologique ne pourra plus faire obstacle à 272 00:18:40,630 --> 00:18:44,330 ce que soit officialisée la paternité ou la maternité véritable. 273 00:18:45,830 --> 00:18:50,900 Nous noterons encore que dans un arrêt rendu le 8 juin 2017, 274 00:18:51,410 --> 00:18:57,410 la Cour d’appel de Caen a neutralisé l’article 310-2 qui interdit que 275 00:18:57,610 --> 00:19:00,890 les parentés par le sang soient toutes les deux établies lorsque 276 00:19:01,090 --> 00:19:03,890 l’enfant est le fruit de certaines relations incestueuses. 277 00:19:04,850 --> 00:19:08,540 Dans cette affaire, une femme avait donné naissance à un fils prénommé 278 00:19:08,930 --> 00:19:12,710 Hervé, puis à une fille qu’elle avait appelée Rose-Marie. 279 00:19:13,610 --> 00:19:17,000 Elle n’avait pas pu les garder auprès d’elle, si bien qu’ils avaient, 280 00:19:17,200 --> 00:19:20,570 l’un et l’autre, fait l’objet d’un placement et qu’ils n’avaient donc 281 00:19:20,770 --> 00:19:22,490 pas été élevés ensemble. 282 00:19:23,750 --> 00:19:28,040 Ils se rencontrèrent toutefois après leur majorité et entretinrent 283 00:19:28,240 --> 00:19:29,450 alors une liaison. 284 00:19:29,650 --> 00:19:32,720 Or, de celle-ci, naquit Océane. 285 00:19:33,720 --> 00:19:37,370 Hervé a reconnu cette dernière avant même l’accouchement, 286 00:19:37,880 --> 00:19:42,410 tandis que Rose-Marie fut désignée en qualité de mère dans l’acte 287 00:19:42,610 --> 00:19:43,370 de naissance. 288 00:19:44,090 --> 00:19:48,050 La filiation d’Océane fut ainsi établie à l’égard de ces deux 289 00:19:48,260 --> 00:19:52,460 procréateurs, alors que ces derniers étaient frère et sœur. 290 00:19:53,600 --> 00:19:56,960 Le procureur de la République sollicita, par conséquent, 291 00:19:57,160 --> 00:19:59,600 l’anéantissement de la maternité de Rose-Marie. 292 00:20:01,260 --> 00:20:04,520 La Cour d’appel de Caen, qui s’est prononcée alors qu’Océane 293 00:20:05,100 --> 00:20:09,600 était âgée de plus de huit ans, a toutefois rejeté cette demande, 294 00:20:09,800 --> 00:20:13,980 après avoir notamment constaté que la gamine vivait avec sa mère 295 00:20:14,180 --> 00:20:18,330 et n’entretenait pas de liens particulièrement étroits avec son père. 296 00:20:19,230 --> 00:20:23,580 Pour justifier sa décision, elle s’est référée à l’article 297 00:20:23,780 --> 00:20:27,720 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et a avant tout 298 00:20:27,920 --> 00:20:31,770 recherché quelle était la solution la plus conforme à l’intérêt d’Océane. 299 00:20:32,640 --> 00:20:36,750 Elle est ainsi acquise à l’idée que les dispositions prohibant 300 00:20:36,950 --> 00:20:40,620 l’établissement d’une filiation reflétant la réalité biologique 301 00:20:41,070 --> 00:20:44,130 ne peuvent pas être mises en œuvre aveuglément. 302 00:20:44,640 --> 00:20:48,480 Elles doivent être évincées lorsque, en raison du contexte factuel, 303 00:20:48,900 --> 00:20:53,610 leur application est propre à bafouer les droits fondamentaux de certains 304 00:20:53,810 --> 00:20:54,570 des intéressés. 305 00:20:55,860 --> 00:21:00,120 Plus récemment, la Cour de cassation s’est prononcée dans une hypothèse 306 00:21:00,320 --> 00:21:04,350 où une femme avait mis au monde une fille après avoir demandé que 307 00:21:04,550 --> 00:21:06,450 le secret de son identité soit préservé. 308 00:21:07,560 --> 00:21:12,240 Dans cette affaire d’accouchement sous X, le géniteur avait rapidement 309 00:21:12,440 --> 00:21:15,630 entrepris des démarches auprès du procureur pour retrouver la 310 00:21:15,830 --> 00:21:16,650 trace de la gamine. 311 00:21:17,520 --> 00:21:22,230 Après l’identification de celle-ci, il l’avait reconnue afin d’établir 312 00:21:22,430 --> 00:21:23,190 sa paternité. 313 00:21:24,120 --> 00:21:28,140 Malheureusement pour lui, la fillette avait été préalablement 314 00:21:28,340 --> 00:21:32,070 placée auprès d’un couple en vue de son adoption plénière. 315 00:21:32,670 --> 00:21:37,590 Le géniteur a par conséquent tenté de faire obstacle à cette adoption 316 00:21:38,040 --> 00:21:40,050 qui n’avait pas encore été prononcée. 317 00:21:41,010 --> 00:21:44,820 Faisant une application rigoureuse des dispositions françaises, 318 00:21:45,240 --> 00:21:49,170 les juges du fond ont toutefois estimé que son intervention à 319 00:21:49,370 --> 00:21:52,590 l’occasion de la procédure d’adoption était irrecevable. 320 00:21:53,040 --> 00:21:57,780 Ils ont annulé la reconnaissance faite par cet homme et ont prononcé 321 00:21:57,980 --> 00:22:01,170 l’adoption plénière de l’enfant par le couple qui l’avait accueilli. 322 00:22:02,610 --> 00:22:06,630 Le procréateur a par conséquent formé un pourvoi en cassation. 323 00:22:06,830 --> 00:22:13,290 Or, par un arrêt rendu le 27 janvier 2021, la première chambre civile 324 00:22:13,490 --> 00:22:16,380 a censuré la décision rendue par la Cour d’appel. 325 00:22:17,160 --> 00:22:21,570 Elle a en effet reproché à cette dernière de ne pas s’être assurée 326 00:22:21,770 --> 00:22:25,380 que les solutions retenues par application des textes français 327 00:22:25,830 --> 00:22:31,020 ne conduisaient pas à porter une atteinte disproportionnée au droit 328 00:22:31,220 --> 00:22:34,050 au respect de la vie privée et familiale du procréateur. 329 00:22:34,860 --> 00:22:38,460 Elle n’a certes pas prétendu qu’il aurait nécessairement fallu donner 330 00:22:38,660 --> 00:22:40,140 gain de cause à ce dernier. 331 00:22:40,800 --> 00:22:44,790 Elle a en revanche souligné qu’il appartient au juge, lorsqu’il est 332 00:22:44,990 --> 00:22:49,350 saisi de conclusions en ce sens, de procéder, au regard des 333 00:22:49,550 --> 00:22:53,370 circonstances de l’espèce, à une mise en balance des intérêts 334 00:22:53,570 --> 00:22:57,600 en présence, celui de l’enfant qui prime, celui des parents de 335 00:22:57,800 --> 00:23:02,370 naissance et celui des candidats à l’adoption, afin de vérifier 336 00:23:02,570 --> 00:23:06,450 que les dispositions de droit interne ne portent pas une atteinte 337 00:23:06,650 --> 00:23:11,310 disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du 338 00:23:11,510 --> 00:23:12,270 père de naissance. 339 00:23:12,930 --> 00:23:17,070 Autrement dit, elle a reproché à la Cour d’appel de ne pas avoir 340 00:23:17,270 --> 00:23:20,730 effectué un contrôle de conventionnalité in concreto. 341 00:23:21,600 --> 00:23:25,620 Elle a ainsi une nouvelle fois considéré que les dispositions 342 00:23:25,820 --> 00:23:30,180 restreignant le droit d’officialiser une filiation conforme à la vérité 343 00:23:30,380 --> 00:23:34,200 biologique ne doivent pas être appliquées aveuglément, 344 00:23:34,650 --> 00:23:38,730 sans égard pour les conséquences désastreuses qu’elles sont parfois 345 00:23:38,930 --> 00:23:39,960 susceptibles d’entraîner.