1 00:00:05,620 --> 00:00:11,080 L'application de l'erreur a donné lieu à des précisions en jurisprudence, 2 00:00:11,280 --> 00:00:15,040 ce qu'on va voir au titre des problèmes particuliers dans un troisième temps, 3 00:00:15,730 --> 00:00:19,960 avec d'abord la question du moment de l'appréciation de l'erreur. 4 00:00:20,160 --> 00:00:24,970 Ensuite, la question de l'erreur sur sa propre prestation. 5 00:00:25,780 --> 00:00:28,870 Dans un troisième et dernier temps, l'influence du doute. 6 00:00:29,070 --> 00:00:32,680 Est-ce que quand il y a un doute, l'erreur peut exister ? 7 00:00:33,580 --> 00:00:38,860 Et la question de l'aléa : l'aléa permet-il de prendre en 8 00:00:39,060 --> 00:00:42,790 compte tout de même l'existence de ce vice du consentement et d'obtenir 9 00:00:43,180 --> 00:00:44,140 la nullité du contrat ? 10 00:00:45,490 --> 00:00:49,750 Première chose, sur le moment de l'appréciation de l'erreur. 11 00:00:50,770 --> 00:00:53,110 Je l'ai dit au tout début sur la validité du contrat, 12 00:00:53,830 --> 00:00:57,460 ce sont des conditions qui vont s'apprécier au moment de la conclusion 13 00:00:57,660 --> 00:00:58,420 du contrat. 14 00:00:58,620 --> 00:01:01,990 Lorsque le contrat va être conclu, on vérifie, on regarde le consentement. 15 00:01:02,440 --> 00:01:07,210 Et on regarde si à ce moment-là, il y avait une erreur ou non sur 16 00:01:07,600 --> 00:01:10,300 les prestations, sur l'objet du contrat. 17 00:01:12,310 --> 00:01:16,420 Ce qui peut se passer en pratique et là où il peut y avoir une difficulté 18 00:01:16,810 --> 00:01:23,050 probatoire, c'est que l'erreur qui existait au moment de la conclusion 19 00:01:23,250 --> 00:01:28,240 du contrat n'est pas perçue comme telle à l'époque de sa conclusion. 20 00:01:29,650 --> 00:01:34,150 Une partie va se rendre compte de son erreur deux ans après, 21 00:01:34,350 --> 00:01:35,620 trois ans après, quatre ans après. 22 00:01:39,640 --> 00:01:42,700 Pour déterminer qu'il y avait une erreur au moment de la conclusion 23 00:01:42,900 --> 00:01:46,090 du contrat, est-ce qu'on va pouvoir prendre en compte des éléments 24 00:01:46,290 --> 00:01:49,810 de connaissance arrivés postérieurement à la conclusion du contrat ? 25 00:01:50,010 --> 00:01:55,210 Est-ce qu'on va prendre en compte des éléments qui font qu'en 2022, 26 00:01:55,410 --> 00:01:58,840 par exemple, on se rend compte que le consentement qui a été donné 27 00:01:59,040 --> 00:02:04,060 pour une vente en 2020 était en réalité vicié par l'erreur ? 28 00:02:06,010 --> 00:02:08,980 Je vais donner, dans un premier temps, les règles de façon abstraite. 29 00:02:09,180 --> 00:02:13,930 On va voir après un exemple concret avec la vente d'un tableau. 30 00:02:15,670 --> 00:02:19,060 On va reprendre les règles sur le vice du consentement, 31 00:02:19,260 --> 00:02:20,020 sur l'erreur. 32 00:02:20,220 --> 00:02:24,670 L'erreur, on l'a vu dans la définition, suppose qu'il y ait une discordance 33 00:02:25,480 --> 00:02:29,560 entre la croyance de la victime de l'erreur, donc l'errance, 34 00:02:30,070 --> 00:02:30,940 et la réalité. 35 00:02:32,620 --> 00:02:38,150 La croyance de la victime va s'apprécier uniquement et de façon 36 00:02:38,350 --> 00:02:41,300 définitive au moment de la conclusion du contrat. 37 00:02:41,500 --> 00:02:46,460 On va regarder ce qu'elle croyait au moment de la conclusion du contrat. 38 00:02:48,170 --> 00:02:51,740 En revanche, pour voir s'il y a une discordance par rapport à la 39 00:02:51,940 --> 00:02:55,100 réalité, entre cette croyance et la réalité, il va falloir apprécier 40 00:02:55,300 --> 00:02:56,060 la réalité. 41 00:02:56,930 --> 00:03:02,510 Et la réalité d'une situation peut être perçue non pas au moment de 42 00:03:02,710 --> 00:03:06,290 la conclusion du contrat, mais des années après la conclusion 43 00:03:06,490 --> 00:03:07,250 du contrat. 44 00:03:07,450 --> 00:03:10,700 Des années après, on va se rendre compte de la réalité. 45 00:03:12,290 --> 00:03:14,660 Mais la réalité, elle, n'a jamais bougé, c'est-à-dire 46 00:03:15,230 --> 00:03:19,480 que la réalité existait au moment de la conclusion du contrat. 47 00:03:19,680 --> 00:03:24,560 Simplement, on va en prendre conscience parce que la connaissance va évoluer 48 00:03:24,920 --> 00:03:27,950 et va permettre de savoir qu'à l'instant où on a donné son 49 00:03:28,150 --> 00:03:31,370 consentement, la réalité était telle. 50 00:03:33,650 --> 00:03:37,460 Le problème pratique qui va se poser ici, c'est le problème d'un 51 00:03:37,660 --> 00:03:41,840 changement dans la connaissance entre le jour de la conclusion 52 00:03:42,040 --> 00:03:46,280 du contrat et la suite, les années qui passent ensuite. 53 00:03:46,480 --> 00:03:51,410 Doit-on prendre en compte, doit-on prendre en considération 54 00:03:51,740 --> 00:03:56,480 l'évolution de la connaissance qui va entraîner la découverte 55 00:03:56,680 --> 00:03:57,440 d'une erreur ? 56 00:03:57,710 --> 00:04:02,120 Pour la Cour de cassation, même si l'erreur s'apprécie au 57 00:04:02,320 --> 00:04:06,890 moment de la conclusion du contrat, oui, on peut prendre en compte 58 00:04:07,520 --> 00:04:11,190 des éléments postérieurs à la conclusion de celui-ci, 59 00:04:11,400 --> 00:04:16,080 qui permettront de déduire qu'il y avait une discordance entre la 60 00:04:16,280 --> 00:04:20,460 croyance de l'errance et la réalité au jour de la conclusion du contrat. 61 00:04:21,240 --> 00:04:26,130 Ces principes abstraits étant donnés, je vais maintenant voir une application 62 00:04:26,330 --> 00:04:27,090 concrète. 63 00:04:27,780 --> 00:04:30,510 Vente d'un tableau en 2020. 64 00:04:31,890 --> 00:04:34,710 Le tableau va être vendu comme un original. 65 00:04:34,910 --> 00:04:41,550 Puis, une expertise va être réalisée par l'acquéreur en 2022. 66 00:04:42,300 --> 00:04:45,570 Et le résultat de cette expertise, c'est de déduire qu'en réalité, 67 00:04:46,890 --> 00:04:52,470 le tableau qui avait été acquis en 2020 n'est pas un tableau original, 68 00:04:52,670 --> 00:04:53,910 un tableau authentique, c'est une copie. 69 00:04:55,260 --> 00:04:59,130 On voit bien, dans cette situation, que la réalité qui va être découverte 70 00:04:59,330 --> 00:05:04,800 en 2022, c'était déjà la réalité de 2020, même si à l'époque elle 71 00:05:05,000 --> 00:05:05,760 n'était pas connue. 72 00:05:06,360 --> 00:05:11,160 Donc la réalité n'a pas bougé, simplement elle est révélée deux 73 00:05:11,360 --> 00:05:12,690 ans après la conclusion du contrat. 74 00:05:13,470 --> 00:05:17,940 Au moment de la conclusion du contrat en 2020, la croyance de l'acquéreur 75 00:05:18,140 --> 00:05:22,900 était que l'œuvre acquise, le tableau était bien un original. 76 00:05:23,960 --> 00:05:28,490 Si bien que l'erreur qui consiste en une discordance entre la croyance 77 00:05:29,150 --> 00:05:31,760 de l'acquéreur, au moment de la conclusion du contrat en 2020, 78 00:05:32,300 --> 00:05:35,780 et la réalité qui ne va apparaître qu'en 2022, l'erreur qui va être 79 00:05:35,980 --> 00:05:41,480 révélée par l'évolution de la connaissance existait bien dès 2020, 80 00:05:42,110 --> 00:05:44,390 même si elle n'apparaît qu'en 2022. 81 00:05:44,590 --> 00:05:49,970 Conclusion : même si c'est une condition de validité qui s'apprécie 82 00:05:50,170 --> 00:05:53,090 au moment de la conclusion du contrat, on va pouvoir parfois, 83 00:05:54,160 --> 00:05:56,680 lorsque la progression de la connaissance va faire qu'on va 84 00:05:56,880 --> 00:06:01,300 découvrir l'erreur, on va se servir d'éléments postérieurs au contrat, 85 00:06:01,990 --> 00:06:04,870 ce qui ne remet pas en cause le moment de l'appréciation de l'erreur. 86 00:06:05,320 --> 00:06:10,990 La discordance entre la réalité et la croyance de la victime s'apprécie 87 00:06:11,190 --> 00:06:13,330 bien au moment de la formation du contrat. 88 00:06:13,540 --> 00:06:17,860 C'est la première règle ici qui a été précisée par la jurisprudence. 89 00:06:18,060 --> 00:06:22,150 Oui, on peut se servir d'éléments postérieurs à la conclusion du 90 00:06:22,350 --> 00:06:25,510 contrat pour en déduire qu'au moment de la formation de celui-ci, 91 00:06:25,870 --> 00:06:27,280 il y avait bien une erreur. 92 00:06:29,440 --> 00:06:34,030 Deuxième précision donnée par la jurisprudence et qui a été reprise 93 00:06:34,230 --> 00:06:37,030 aujourd'hui dans les textes, dans l'article 1133. 94 00:06:38,080 --> 00:06:42,790 On peut prendre en compte l'erreur qu'une partie a commise sur sa 95 00:06:42,990 --> 00:06:43,930 propre prestation. 96 00:06:45,230 --> 00:06:46,940 C'était le cas en jurisprudence. 97 00:06:47,150 --> 00:06:51,140 La solution a été reprise ici dans les textes, après parfois une 98 00:06:51,340 --> 00:06:54,230 discussion, une remise en cause, une contestation en doctrine. 99 00:06:54,430 --> 00:06:55,190 Pourquoi ? 100 00:06:55,390 --> 00:06:57,930 Parce qu'il appartient en réalité à chacun de se renseigner. 101 00:06:58,250 --> 00:06:59,840 C'est le cas suivant. 102 00:07:01,190 --> 00:07:04,100 Je reprends toujours l'exemple de la vente d'un tableau. 103 00:07:05,240 --> 00:07:08,450 Le vendeur va vendre son tableau en pensant que c'est une copie. 104 00:07:09,900 --> 00:07:12,420 Et deux ans après, on s'aperçoit que c'est un original. 105 00:07:12,620 --> 00:07:16,530 Est-ce que le vendeur peut invoquer l'erreur qu'il a commise sur sa 106 00:07:16,730 --> 00:07:17,560 propre prestation ? 107 00:07:17,820 --> 00:07:21,000 Il a vendu le bien, donc c'était sa prestation de transférer la 108 00:07:21,200 --> 00:07:21,990 propriété de ce bien. 109 00:07:22,920 --> 00:07:26,730 S'il s'est trompé, il a vendu un original, il croyait que c'était 110 00:07:26,930 --> 00:07:29,490 une copie, est-ce qu'il peut contester la validité de la vente ? 111 00:07:29,910 --> 00:07:33,720 Pourquoi est-ce que cette faculté était discutée par certains membres 112 00:07:33,920 --> 00:07:34,680 de la doctrine ? 113 00:07:35,160 --> 00:07:40,660 Parce que le vendeur avait le bien entre les mains, c'est à lui de 114 00:07:40,860 --> 00:07:42,740 prendre ses précautions avant de vendre. 115 00:07:42,940 --> 00:07:45,650 Il pouvait lui-même recourir à des expertises. 116 00:07:46,010 --> 00:07:49,100 Il pouvait lui-même se rendre compte, après des recherches, 117 00:07:49,300 --> 00:07:52,010 qu'il vendait un tableau authentique et non pas une copie. 118 00:07:52,210 --> 00:07:54,740 On peut lui reprocher son manque de diligence. 119 00:07:55,790 --> 00:07:59,960 En réalité, il va profiter de l'expertise réalisée par l'acquéreur 120 00:08:00,290 --> 00:08:02,690 pour obtenir la nullité de la vente. 121 00:08:02,890 --> 00:08:07,490 Il y avait une discussion possible ici parce qu'on était en contradiction 122 00:08:07,690 --> 00:08:09,560 avec l'obligation de se renseigner. 123 00:08:09,760 --> 00:08:14,480 Pourtant, même si la protection apparaît moins légitime, 124 00:08:14,680 --> 00:08:19,520 là encore, la Cour de cassation avait reconnu la possibilité d'invoquer 125 00:08:19,720 --> 00:08:21,350 une erreur sur sa propre prestation. 126 00:08:22,580 --> 00:08:26,600 Cette solution, aujourd'hui, a été reprise dans les textes. 127 00:08:28,220 --> 00:08:31,280 Troisième problème : le problème du doute. 128 00:08:31,480 --> 00:08:37,130 Est-ce que quand il y a un doute, l'erreur peut être invoquée en 129 00:08:37,330 --> 00:08:38,270 tant que vice du consentement ? 130 00:08:40,130 --> 00:08:43,910 La question du doute et de l'erreur, les rapports du doute et de l'erreur, 131 00:08:44,600 --> 00:08:49,700 a été traitée par la jurisprudence dans une célèbre saga qui porte 132 00:08:49,900 --> 00:08:53,360 là encore sur un tableau, un tableau de Nicolas Poussin. 133 00:08:54,230 --> 00:08:56,420 Dans cette affaire, un tableau avait été mis en vente, 134 00:08:56,840 --> 00:08:59,390 dans l'ignorance par les vendeurs que c'était un original. 135 00:09:00,110 --> 00:09:03,770 L'acquéreur va ensuite découvrir le caractère authentique du tableau, 136 00:09:03,970 --> 00:09:05,150 va l'exposer comme tel. 137 00:09:05,600 --> 00:09:07,670 Les vendeurs vont mener une action en nullité. 138 00:09:08,030 --> 00:09:11,990 Et la nullité va être admise par la Cour de cassation. 139 00:09:12,260 --> 00:09:15,920 C'est une saga qui a duré de 1972 à 1987. 140 00:09:16,120 --> 00:09:18,890 Notamment, un des arrêts très importants de cette saga, 141 00:09:19,090 --> 00:09:23,810 c'est un arrêt de la première chambre civile du 22 février 1978, 142 00:09:24,010 --> 00:09:26,660 qu'on trouve aux grands arrêts de la jurisprudence civile. 143 00:09:27,770 --> 00:09:29,900 Dans cette affaire Poussin, il y a d'autres éléments qui vont 144 00:09:30,100 --> 00:09:33,230 être précisés, notamment qu'on peut prendre en compte des éléments 145 00:09:33,430 --> 00:09:36,890 postérieurs, c'est ce qu'on a vu tout à l'heure, pour établir qu'il 146 00:09:37,090 --> 00:09:39,650 existait une erreur au moment de la conclusion du contrat. 147 00:09:40,160 --> 00:09:42,710 Il y a aussi une précision qui va être apportée sur le fait que 148 00:09:42,950 --> 00:09:46,640 l'erreur sur sa propre prestation peut être prise en considération. 149 00:09:47,280 --> 00:09:49,820 Ce qui nous intéresse ici, c'est la question du doute. 150 00:09:51,050 --> 00:09:54,650 En réalité, il y a un doute, c'est ce qui apparaît dans l'affaire 151 00:09:54,850 --> 00:09:55,610 Poussin. 152 00:09:55,810 --> 00:09:59,900 Même si l'acquéreur va faire une expertise, qu'il en ressort que 153 00:10:00,100 --> 00:10:02,690 c'est un original, en réalité il y a un doute. 154 00:10:03,290 --> 00:10:08,270 On n'est pas sûr, on ne peut pas être sûr que c'est une œuvre qui 155 00:10:08,470 --> 00:10:10,620 est attribuée à Nicolas Poussin. 156 00:10:10,820 --> 00:10:13,760 En réalité, c'est ça, c'est une réalité incertaine. 157 00:10:14,960 --> 00:10:17,150 Pour la Cour de cassation, il y a bien une erreur. 158 00:10:17,350 --> 00:10:18,110 Pourquoi ? 159 00:10:18,310 --> 00:10:22,550 Parce que la croyance des vendeurs — souvenez-vous, l'erreur, 160 00:10:23,270 --> 00:10:26,630 c'est une discordance entre la croyance d'une partie et la réalité —, 161 00:10:27,050 --> 00:10:32,450 la croyance des vendeurs ici, c'est que ce ne peut pas être un 162 00:10:32,910 --> 00:10:33,670 original. 163 00:10:34,480 --> 00:10:38,530 Et la réalité, c'est qu'il y a un doute sur l'attribution à Nicolas 164 00:10:38,730 --> 00:10:39,490 Poussin. 165 00:10:39,690 --> 00:10:41,660 C'est peut-être un original, c'est peut-être une copie. 166 00:10:41,860 --> 00:10:43,150 On ne peut pas trancher définitivement. 167 00:10:45,130 --> 00:10:52,210 L'existence de ce doute fait qu'elle contredit la conviction des vendeurs,, 168 00:10:52,960 --> 00:10:57,640 conviction d'après laquelle ce ne pouvait en aucune façon être 169 00:10:57,840 --> 00:10:58,600 un original. 170 00:10:58,800 --> 00:11:02,590 Il y a bien une discordance ici entre cette croyance des vendeurs 171 00:11:03,010 --> 00:11:04,990 et la réalité douteuse. 172 00:11:05,740 --> 00:11:09,280 Pour la Cour de cassation, apport de l'affaire Poussin, 173 00:11:10,480 --> 00:11:15,790 le doute sur la réalité n'est pas un obstacle à l'admission d'une 174 00:11:15,990 --> 00:11:16,960 annulation pour erreur. 175 00:11:17,950 --> 00:11:21,070 Donc l'admission de l'erreur en tant que vice du consentement ne 176 00:11:21,270 --> 00:11:23,680 suppose pas d'établir la réalité de manière certaine. 177 00:11:25,200 --> 00:11:28,530 Si c'était la croyance d'une partie qui était certaine et que la réalité 178 00:11:28,730 --> 00:11:30,750 est douteuse, il y a bien une discordance entre les deux, 179 00:11:31,170 --> 00:11:35,790 et donc il y a une erreur qui peut entraîner la nullité du contrat. 180 00:11:35,990 --> 00:11:40,500 Enfin, dernière précision donnée par la jurisprudence, là encore 181 00:11:40,800 --> 00:11:43,200 pour la vente d'un tableau, cette fois-ci de Fragonard, 182 00:11:43,680 --> 00:11:47,340 dans un arrêt de la première chambre civile du 24 mars 1987. 183 00:11:47,540 --> 00:11:51,600 On voit que souvent, cette jurisprudence rendue en matière 184 00:11:51,800 --> 00:11:54,690 d'erreur sur les qualités essentielles, les qualités substantielles, 185 00:11:54,930 --> 00:11:56,700 concerne des ventes d'œuvres d'art. 186 00:11:56,900 --> 00:11:59,850 Il y a énormément de jurisprudences sur cette question. 187 00:12:00,900 --> 00:12:04,700 En l'espèce, dans l'affaire Fragonard, il y a vente d'un tableau avec un aléa. 188 00:12:04,900 --> 00:12:08,670 C'est-à-dire que les deux parties au contrat ne savent pas si c'est 189 00:12:08,870 --> 00:12:10,140 un original ou une copie. 190 00:12:11,360 --> 00:12:14,870 Mais ici, dans l'affaire Fragonard, les deux parties connaissent cette 191 00:12:15,070 --> 00:12:17,090 incertitude et la prennent en considération. 192 00:12:17,290 --> 00:12:22,490 L'incertitude, l'aléa va entrer dans le champ contractuel et va 193 00:12:22,690 --> 00:12:24,050 être accepté par les parties. 194 00:12:25,070 --> 00:12:30,890 Par la suite, on va découvrir que 195 00:12:31,090 --> 00:12:37,040 le tableau est un tableau authentique, donc une œuvre d'art authentique. 196 00:12:37,340 --> 00:12:39,020 La vente va être maintenue. 197 00:12:39,220 --> 00:12:39,980 Pourquoi ? 198 00:12:40,180 --> 00:12:45,560 Parce que le tableau avait été vendu avec la mention "attribué 199 00:12:45,760 --> 00:12:46,920 à Fragonard". 200 00:12:48,110 --> 00:12:51,920 Cette mention dans laquelle il y a un aléa, qui a été accepté 201 00:12:52,120 --> 00:12:56,510 sur l'authenticité de l'œuvre, laisse planer un doute sur l'origine 202 00:12:56,710 --> 00:12:57,620 exacte du tableau. 203 00:12:58,460 --> 00:13:01,820 En réalité, le raisonnement de la Cour de cassation ici, 204 00:13:02,720 --> 00:13:08,030 c'est de dire que si la réalité certaine se manifeste par la suite, 205 00:13:08,230 --> 00:13:13,610 on ne pourra pas invoquer l'erreur, on ne pourra pas contester la validité 206 00:13:13,810 --> 00:13:14,570 du contrat. 207 00:13:14,770 --> 00:13:15,530 Pourquoi ? 208 00:13:16,070 --> 00:13:19,160 Comment est-ce qu'on peut expliquer cette solution retenue ici par 209 00:13:19,360 --> 00:13:20,120 la Cour de cassation ? 210 00:13:20,320 --> 00:13:24,500 L'idée, c'est que lorsque l'aléa entre dans le champ contractuel 211 00:13:25,400 --> 00:13:29,420 avec la mention "attribué à", les deux parties font en quelque 212 00:13:29,620 --> 00:13:33,620 sorte un pari, donc le contrat ressemble au jeu, au pari, 213 00:13:34,070 --> 00:13:35,720 qui est un contrat aléatoire. 214 00:13:36,140 --> 00:13:38,300 Les parties vont contracter en connaissance de cause, 215 00:13:38,500 --> 00:13:41,810 en connaissant ce risque, en acceptant par avance qu'il y 216 00:13:42,010 --> 00:13:42,770 ait un aléa. 217 00:13:43,580 --> 00:13:47,210 Si ensuite, elles découvrent soit que le tableau est un original 218 00:13:47,410 --> 00:13:49,220 ou soit qu'il est une copie, c'est-à-dire que l'une des deux 219 00:13:49,420 --> 00:13:52,670 s'est trompée, en tout cas l'une des deux a perdu le pari, 220 00:13:53,600 --> 00:13:55,640 elle ne pourra pas invoquer l'erreur. 221 00:13:56,690 --> 00:13:59,960 Parce qu'on ne peut pas parier, et ensuite se plaindre d'avoir 222 00:14:00,160 --> 00:14:00,950 perdu le pari. 223 00:14:01,150 --> 00:14:02,630 C'est une règle de bon sens. 224 00:14:02,830 --> 00:14:06,020 Dès lors que les parties en connaissance de cause ont accepté 225 00:14:06,220 --> 00:14:11,060 un aléa, elles ne pourront pas ensuite, si l'aléa se révèle défavorable 226 00:14:11,540 --> 00:14:14,990 à leurs prétentions, invoquer la nullité du contrat. 227 00:14:15,590 --> 00:14:21,230 Il ressort de cette affaire Fragonard un adage que l'on dit de la façon 228 00:14:21,430 --> 00:14:26,180 suivante : "L'aléa chasse l'erreur." Quand on signe, quand on conclut 229 00:14:26,380 --> 00:14:27,990 un contrat aléatoire, on ne peut plus ensuite, 230 00:14:28,730 --> 00:14:32,150 une fois que cet aléa est entré évidemment dans le champ contractuel, 231 00:14:32,510 --> 00:14:35,930 qu'il a été accepté en connaissance de cause par les parties, 232 00:14:36,130 --> 00:14:40,040 on ne pourra pas remettre en cause la validité du contrat. 233 00:14:40,240 --> 00:14:45,050 "L'aléa chasse l'erreur", posé par cet arrêt de la première 234 00:14:45,250 --> 00:14:47,780 chambre civile du 24 mars 1987. 235 00:14:48,230 --> 00:14:53,900 En réalité, dans l'affaire Fragonard, tout simplement, le vendeur, 236 00:14:54,800 --> 00:14:59,300 en acceptant cet aléa, accepte qu'il vend peut-être un 237 00:14:59,500 --> 00:15:00,890 original, peut-être une copie. 238 00:15:02,060 --> 00:15:06,350 Si la réalité qui apparaît ensuite est que l'œuvre était un original, 239 00:15:06,740 --> 00:15:11,420 alors il aura perdu parce qu'il aura vendu moins cher que ce qu'il 240 00:15:11,620 --> 00:15:13,970 aurait pu espérer d'une vente d'un original. 241 00:15:14,720 --> 00:15:17,960 Mais si la réalité, c'est que le tableau était réellement une copie, 242 00:15:18,380 --> 00:15:21,620 là c'est le vendeur qui est gagnant parce qu'il aura vendu le tableau 243 00:15:21,820 --> 00:15:25,160 plus cher que si on avait été sûr que c'était une copie. 244 00:15:25,520 --> 00:15:26,690 Donc le risque est accepté. 245 00:15:28,120 --> 00:15:31,810 Il a des chances égales de perdre ou de gagner. 246 00:15:32,320 --> 00:15:35,860 Il ne peut pas ensuite revenir sur le pari qui a été fait. 247 00:15:36,060 --> 00:15:38,320 Et c'est le pari inverse, évidemment, qui est fait pour 248 00:15:38,520 --> 00:15:41,920 l'acquéreur, qui va lui aussi espérer que c'est un tableau authentique, 249 00:15:42,120 --> 00:15:46,180 qu'il paiera moins cher que si on avait été sûr que c'était une copie. 250 00:15:46,380 --> 00:15:50,170 Ici, ce qui est important vraiment, pour que l'aléa chasse l'erreur, 251 00:15:50,370 --> 00:15:54,640 il faut que l'aléa ait été connu et que l'aléa ait été accepté par 252 00:15:54,850 --> 00:15:55,610 les deux parties. 253 00:15:56,980 --> 00:16:00,640 Si l'erreur est démontrée, si ce vice du consentement est 254 00:16:00,840 --> 00:16:04,480 démontré et que les conditions d'application du vice sont réunies, 255 00:16:04,930 --> 00:16:09,010 dans ce cas-là, la nullité du contrat pourra être prononcée. 256 00:16:09,210 --> 00:16:11,020 Et on verra plus loin, quand on verra la nullité, 257 00:16:11,220 --> 00:16:12,900 quelles en sont les conséquences. 258 00:16:13,100 --> 00:16:15,340 C'est donc le premier vice du consentement, l'erreur : 259 00:16:16,240 --> 00:16:19,780 une personne se trompe spontanément et ne comprend pas réellement la 260 00:16:19,980 --> 00:16:22,780 portée de l'engagement qu'elle va souscrire.